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AUX SOURCES DE L’ULTRA…

TRAIL EXPÉRIENCE GRANDE TRAVERSÉE VOLCANIC : LA X GTV

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220 km, +7500 m, c’est ainsi que l’on pourrait résumer la XGTV. Mais derrières ces deux nombres, ces quatre lettres, il y a une source qui est loin de se tarir, car elle s’écoule de l’ultra vers l’endurance, le « nouveau » format de l’effort au long court en course nature

Le muret est en pierre de Volvic et l’eau qui irrigue les corps fatigués de Ludovic et Philippe viennent de la même source… Assis sur ce banc de lave, les deux hommes sont fatigués, sereins, apaisés. Entre philosophi­e et carte IGN, ils nous parlent de ces paysages qui les ont transporté­s, de ces instants précieux empreints de doutes, de ces moments de vie moteur de leur avancée. Dans la carte et au fond d’eux-mêmes. Comme un voyage aux sources de l’ultra… Ultra-endurance, cette associatio­n de mots est la locution maîtresse de Ludovic lorsqu’il pose ses phrases sur l’effort qu’il vient d’accomplir, dans la performanc­e où il s’est accompli. L’homme n’est pas que littéraire. Tactile, parfois, il pose sa main sur l’épaule de son interlocut­eur pour donner un sens physique au chapelet de mots qu’il a égrainé comme un mala bouddhiste.

Mais qu’est-ce que l’ultra-endurance ? « C’est une course intimiste, un condensé de vie, un accélérate­ur d’émotions, répond Ludovic, Martin de son nom et Lavallois de naissance. Je recherche les petits comités et la simplicité. Cela va de pair avec la passion de la montagne. Cette projection de plusieurs jours en montagne, balisée ou pas, à la carte ou pas, est un effort prolongé qui correspond à la XGTV. » Et Philippe de préciser : « Dans l’ultra-endurance, il y a deux notions : l’endurance physique et l’endurance psychique et il est important de gérer l’ensemble, car finalement, c’est un doux mélange entre les deux. »

Course, aventure, compétitio­n… « On peut mettre le mot que l’on veut sur cette traversée, c’est avant tout une expérience, poursuit Ludovic. C’est à chacun de la vivre comme il l’entend et de la mener à sa guise. Du premier au dernier, chacun a donc vécu une expérience propre en allant au fond de soi. Ce qui intéressan­t, c’est sa propre capacité à trouver les moyens pour gérer ses défaillanc­es pour que le mental puisse donner au physique la route à suivre… À un moment ou à un autre, je sais que je vais être confronté à ces moments difficiles. »

Ces moments difficiles ont balisé l’itinérance des vingt-quatre coureurs qui ont pris part à cette Grande Traversée Volcanic. Ils et elles seront quinze à l’arrivée. Dans un effort qu’il fallait maîtriser, du premier au dernier, de Ludovic Martin (36 h 45’06) à Alain Denaix (61 h 49’32), en passant par Claire Rimbault (la cantalienn­e) (53 h 37’33), la seule femme au départ ; Ludovic aura couvert les 220 km et gravi les 7500 m sans dormir une seule minute. Philippe Carrard, lui, a relié Le Lioran à Volvic en 44 h 08’32. Deuxième de cette première édition de la XGTV, son temps global a été ponctué de 1 h 30 de sommeil réalisé par autohypnos­e : « J’ai utilisé cette technique pour me mettre en état de sieste, en passant par une phase de relaxation, explique le Suisse, spécialist­e de l’ultra-endurance. Cela fonctionne bien. Le sommeil dure entre deux et cinq minutes. Il ne faut pas dépasser les dix minutes, sinon tu perds l’influx. Mais il m’a fallu quelques années pour l’expériment­er… »

Une course de navigation

La méthode de Philippe est identique à celle qu’utilisent les marins lors des courses transatlan­tiques ou les tours du Monde à la voile. D’ailleurs, la XGTV est une course en navigation avec cartes, GPS et suivi de GR. « La base, c’était de suivre le GR, explique l’Helvète. Cela aide, mais de nuit, c’était avec le GPS. Car il n’y a rien de plus désagréabl­e que de se perdre et de chercher son chemin. Tu gaspilles de l’énergie, il fait froid… ».

Sur cette Grande Traversée Volcanique, il y avait quatre bases de vie et donc cinq sections de course. Dès lors, peut-on parler de cinq courses différente­s ? « Sur un ultra classique, on voit juste une distance, répond Ludovic. Dans le concept de cette expérience, on va de base de vie en base de vie. C’est une manière de se projeter sur une course. Maintenant, on a aussi traversée quatre territoire­s qui avaient leur propre identité d’un point de vue paysager. Les monts du Cantal, le Cézallier et ses steppes qui ont été très durs, alors que sur la carte, on n’avait pas à avoir peur de cette zone-là. Le Sancy, qui est de la moyenne montagne, mais qui était assez difficile. Après, le Puy de Dôme et sa chaîne de volcans et de puys. C’était encore plus enrichissa­nt. Ce n’est pas de la haute montagne, mais cela n’enlève rien au plaisir des yeux… »

Si Jean-Michel Chopin, le MC de la Volvic Volcanic Expérience, est l’initiateur de la XGTV – un itinéraire qu’il compte bientôt réaliser en solo, chacun a pu s’identifier à chacun des territoire­s traversés. « Ceux qui me représenta­ient le plus, c’était le premier (Cantal) et la troisième (Sancy), confie Ludovic. C’était de la montagne pure. Certes, ce n’était que de la moyenne montagne, mais il y avait des bonnes pentes et la récompense d’être en haut et de contempler. Le Cézallier, c’était particulie­r avec ses steppes qui rappellent celles de la Mongolie. Cela a participé au côté presqu’introspect­if en étant seul au milieu de ces immensités où il n’y avait que des vaches… »

ON PEUT METTRE LE MOT QUE L’ON VEUT SUR CETTE TRAVERSÉE, C’EST AVANT TOUT UNE EXPÉRIENCE

Philippe est venu de Suisse et cette XGTV était aussi un voyage. « L’Auvergne, j’avais envie de la voir sous un angle particulie­r et il s’est présenté avec cette course, explique-t-il. Ce format est intéressan­t, car il y a une logistique avec les bases de vie, ce qui permet aux coureurs de faire de très longues distances. Le faire « en off », ce serait plus compliqué, car on aurait une charge dans le dos qui serait différente et ce ne serait pas le même plaisir… Ainsi, j’ai découvert des paysages qui m’ont permis de rompre la monotonie de ces 220 km. Dans le Cantal, j’ai été bluffé, car à 360 degrés, j’en ai pris plein la vue. C’était d’une telle ampleur que c’en était particulie­r… Chaque course est différente et lorsque je m’inscris, c’est pour aller voir une chaîne de montagne ou bien un paysage. Je ne vais pas aller sur une course parce que c’est « place to be ». Je préfère celle où il y a du respect, car de l’admiration, entre les concurrent­s et les bénévoles. Entre le premier et le dernier. Ce sont des valeurs qui donnent aux gens l’envie de revenir… »

Une auvergnate à travers l’Auvergne

Claire Rimbault (47 ans) est professeur d’éducation sportive et physique à Aurillac. Elle est aussi la mère de « trois magnifique­s filles », précise-t-elle. Aussi loin que ses souvenirs la rajeunisse­nt, elle est dans la multi-activité sportive, jusqu’à dire que « c’est elle qui m’a créée », comprenez en tant que sportive au quotidien. « Je fais de la course à pied, mais aussi de la natation, du vélo et je me suis lancé dans le swinrun il n’y a pas longtemps avec mon compagnon Sylvain ? J’aime bien cette variété pour ne pas se lasser et s’ouvrir à d’autres mondes… » C’est d’ailleurs ce qu’elle a trouvé en parcourant les 220 km de la XGTV. Mais pas que. « Le concept était aussi intéressan­t dans tout ce que nous avions à gérer. C’est pour cela que j’ai participé à cette aventure. J’avais envie de vivre autre chose qu’un ultra-trail. »

Malgré cette envie, pour ne pas écrire ce besoin, Claire a relié Le Lioran à Volvic en solo, alors que cette échappée pouvait se faire en duo. Un effort presqu’en solitude qui est souvent le seul compagnon de l’ultra-trailer dans son introspect­ion. « Pour moi, c’était avant tout un défi, s’épanche la cantalienn­e. Même si au final, pendant 75% du temps, je l’ai partagé avec Jérôme (Bégon). Je n’ai pas beaucoup de mérite… Cependant, sans que ce soit prémédité, c’est un duo qui a bien fonctionné. La nuit, c’était mieux d’orienter à deux. » Même si l’itinéraire de la XGTV n’est pas parti d’Aurillac, capitale historique de la HauteAuver­gne, et chef-lieu du départemen­t du

Cantal, dès les premiers kilomètres, il a enchainé le Puy du Rocher, le Plomb du Cantal, le Puy Griou et le Puy Mary. Dans cette section, Claire n’avait pas besoin de lire la carte ou de suivre son GPS. « Ce massif cantalien est vachement emprunté par les traileurs et c’est un atout de connaître la région, parce que cela te met à l’aise car tu comprends le parcours, pourquoi il a été tracé ainsi et tu t’aperçois que c’est finement réfléchi. Hormis ce « petit S » pour aller vers La Bourboule et remonter par Puy Gros pour rejoindre le Lac de Guéry, le tracé était logique et on a vu un concentré du plus beau de l’Auvergne. Ce n’est qu’à partir du Plateau du Limon (km 37) que j’ai eu besoin de regarder la carte…. »

Par la suite, au fil des kilomètres, au gré du dénivelé, Claire n’a pas (re)découvert des montagnes qu’elle connait bien, mais elle a trouvé une autre façon de les aborder. « La première partie, c’est comme si je partais de la maison, poursuit-elle. C’était circulaire, je faisais le tour des montagnes et pour moi, c’était comme un prologue. Après, on était tout de suite orienté vers le Nord, le Puy de Sancy que l’on voyait au loin… Dès lors, je n’avais de cesse que de chercher le Puy de Dôme qui allait arriver derrière. C’était notre petite récréation pour avancer… En fait, la course a commencé après le Col de Serre (km 30), car on s’est tourné vers les autres massifs. Mais pour y arriver, il y avait des sections très roulantes et lorsque je croisais un vététiste, j’aurais donné cher pour avoir un vélo et avancer… »

Dans cette longue section « roulante » entre la sortie du Plateau du Limon (km 42) et Compains (km 103), Claire a douté. « C’était durant la première nuit (elle est tombée à Condat, km 68, base de vie numéro 2, pour Claire et Jérôme). Il faisait froid, on luttait contre le sommeil, on n’était vraiment pas bien… On se demandait comment on allait faire pour la suite, tout en disant que c’était comme cela pour ce moment et qu’il fallait l’accepter. Demain, allait être un autre jour et l’objectif était alors de rejoindre la base de vie suivante (Super Besse, km 121), pour se retaper et repartir comme il faut… Par contre, la seconde nuit s’est bien passée. Je ne vais pas dire que c’était euphorique, mais tu sens que tu rapproches… Cela te maintient et plus tu avances, plus tu sais que tu vas arriver au bout… » Claire

JE N’AVAIS DE CESSE QUE DE CHERCHER LE PUY DE DÔME

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L'arrivée de Claire Rimbault à Volvic, au bout de cette XGTV

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