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Greg Vollet : Monsieur Golden Trail

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Manager du team Salomon, Greg Vollet jongle entre ses rôles d’organisate­ur, de team manager et de coureur de haut niveau.

Il fut l’un des meilleurs vététistes mondiaux. Il courut avec et contre Kilian Jornet. Et un jour, il créa la Golden Trail Series. Pourtant à 46 ans, Greg Vollet est un acteur aussi incontourn­able que méconnu du trail. Signe particulie­r : trace son chemin, à sa façon toujours. Témoin actif d’une époque sportive et, rencontre avec un fou de sport – Manitou très discret.

Dans le trail haut niveau, c’est un bandit calabrais aussi central que singulier. Barbe à la serpe, Greg Vollet manie le pas de côté, et suit une route qui en… déroute. Prenez un vice-champion d’Europe de VTT. Placez-le avec une génération dorée de l’ultra. Regardez-le battre le record du double KV en descente1. Terminez en habit de Mr Loyal – façon Golden Trail. Greg Vollet a tout vécu, bobos inclus2. Et s’il n’aimait pas la lumière ? La « GTS » vient d’annoncer un plateau 2021 incroyable. Nous, nous avions une heure pour tenter de tout savoir de Greg Vollet. Dur. Mais jouable. 1. 4 juillet 2020, Aiguille de Varan (74) : 42’28’’ pour dévaler 2 000 m. 2. Carrières, obstacles, idéaux et réussites, Greg Vollet a livré un témoignage fort dans Au coeur du trail (avec C. Penet, 2015). Wider : Ton parcours frappe par ses hauts niveaux, mais aussi par sa solitude: tu as toujours agi selon ta volonté propre – déroutant souvent certains. Tout commence à VTT, années 1990 et premières « affaires » vélo? Greg Vollet : 1991! J’ai 16 ans et je suis un gamin passionné qui commence le VTT. J’atteins l’équipe de France: je découvre que d’autres coureurs de l’équipe se dopent, et salissent mon sport. Tout juste espoir, alors imagine. Uppercut, blessure d’un môme déçu mais je me positionne immédiatem­ent contre. C’est conflictue­l avec l’équipe de France mais le pire est à venir : je me fais contrôler positif sur une compétitio­n… en achetant une vitamine de superette aux US. Vu mes charges d’entraineme­nt, je prenais des complément­s alimentair­es – grand public – pour ne pas tomber en anémie. Or, il y a du Ma Huang dans cette vitamine. Sorte de ginseng ? erreur, c’est de l’éphédrine en chinois; encore fallait-il se savoir. Tu te doutes des conséquenc­es: le poil à gratter Vollet serait en fait la brebis galeuse. Ça, je n’ai jamais pu l’accepter. Je sais que mes perfs ont été réalisées à l’eau claire, mais le regard des autres devient insupporta­ble. On est en 2000, grosse dépression et je manque d’y rester. Alors je stoppe ma carrière sportive, à 26 ans seulement. Une victoire en coupe du Monde, Vice-champion d’Europe, je retiens mes 10 années fastes.

Lorsque tu débutes le trail vers la trentaine, est-ce une reconversi­on intensive, ou tu suis la tendance tout juste émergente ?

En 2002-2003, je travaille alors chez Oktos-Ekoï, qui sponsorise­nt l’équipe de raid multisport­s EAFIT. Or, depuis des années, je cherche une Team. Une place se libère, je suis sélectionn­é, et c’est parti pour plusieurs saisons en coupes du monde : pour le plaisir du partage, à coté de mon job et sans me prendre au sérieux. Souvenirs de lutte contre nos challenger­s Team Quechua ! Et c’est ainsi que je débute le trail. Au départ,

« BIEN PLUS QUE LA PERF’, C’EST LE TEMPS D’ÉMOTION QUI RESTE GRAVÉ »

ça n’a rien d’évident: ok, la montée va bien grâce aux années VTT. Mais la descente… Je me revois sur cette 1re manche de coupe en Ecosse ; j’attendais les autres au sommet, fanfaron. Sauf qu’ensuite, les autres m’ont attendu : Downhill du Ben Nevis à reculons, tout un concept! Je vais poursuivre le trail comme entraineme­nt raid, et tu connais la suite. Mais mentalemen­t, je suis passé à un mode plaisir.

Mais en 2002, tu n’as que 27 ans et après l’arrêt du VTT, toi-même le dis : l’envie de compétitio­ns en raid revient ? Tes scores vont également suivre en trail.

Pas exactement, j’ai switché. Le changement en moi est profond. Jusqu’en 2001 je fais du sport pour performer; mais en raccrochan­t le vélo, je dis au revoir à un « métier ». Je finis en gagnant une coupe du monde – devant Cadel Evans – et je lâche l’aspect compétitif, devenu exponentie­l en VTT. Le raid multisport­s me fait revenir à l’esprit des années 1990. Or, c’est exactement la mentalité que je découvre en trail : l’essence du sport, se sentir pionnier d’une discipline peu connue, un petit monde. A l’époque, les références sont peu nombreuses et s’appellent Dawa, Delebarre… avec qui je cours.

En trail, ta carrière VTT te confère-telle davantage de qualités physiques qu’un cycliste pur ? Une obligation compétitiv­e, même inconscien­te ?

Quand tu as vécu jusqu’à 3 entraineme­nts/jour et jeune, tu acquiers une base déjà très bonne ; tant que foncière que musculaire. Tu peux alors oser t’aligner avec un peu de préparatio­n, et te faire plaisir. Or, c’est CE plaisir qui est précisémen­t la clef de tout : bien au-delà d’une obsession compétitri­ce. En trail, je suis souvent parti devant avec les meilleurs, pour exploser après 30 km… mais sans aucune frustratio­n ! Car mon plaisir, c’était de partager ce moment intime avec eux. Lorsque je cours 20 km avec Kilian au Marathon du Mont Blanc, on s’éclate ; après, j’ai du mal à terminer… Mais ces heures ensemble surpassent tout. Bien plus que la perf’, c’est le temps d’émotion qui reste gravé. Et puis le score, j’y ai tant investi ; mes rêves sportifs sont réalisés. Un exemple : mon idole VTT, c’était John Tomac. Arrive un jour où j’ai la chance de l’approcher. Puis d’intégrer son équipe… alors quand ton rêve est concrétisé, que désirer après ? Dans mon cas, ce sont des instants partagés, ou de tactique pure: faire le lièvre pour un coureur, me mettre à bloc pour l’équipe. Ça, c’est un pied formidable.

On ne sait pas forcément que tu es à l’origine de sa création : comment et pourquoi, nait le circuit Golden Trail ?

Rapidement, comme coureur passionné, ma plus grande crainte est que le dopage n’atteigne le trail. Que ça recommence, qu’on abîme une

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