Wind Magazine

ÉVITER LES DÉRIVES DU FOIL «

- Erwan Jauffroy

Nouveau tournant pour le windsurf ou pratique réservée à l’élite ? » Voici la question que je posais dans Wind en avril 2011 à propos du foil et avant que les foils ne révolution­nent la voile en général. À cette époque, je voyais dans le foil un formidable avenir pour le windsurf, ce à quoi je crois toujours, notamment dans la reconquête du petit temps, la recherche de nouvelles sensations et la possibilit­é de naviguer plus. Aujourd’hui, je crois que le windfoil est enfin en train de s’imposer et de rebooster le windsurf. Néanmoins, une certaine réflexion s’impose par rapport à son développem­ent. Les débuts de la démocratis­ation du foil avec les deux acteurs majeurs qu’ont été Bruno André (AHD) à partir de 2009 /2010, puis Philippe Caneri (Horue) se sont faits à travers une pratique poursuivan­t un objectif assez grand public. AHD proposait une AFS-1 repoussant d’emblée les limites du light wind, mais malheureus­ement le combo se montrait plutôt onéreux et relativeme­nt technique, même si le but recherché était intéressan­t. La marque Horue, née avec le foil, a aussi produit un super boulot de promotion en publiant d’innombrabl­es vidéos de foil freeride et en proposant des foils à des prix plus abordables. Ces deux premiers acteurs majeurs du foil en France prônaient un windfoil assez simple avec de petites voiles et une durée de vie allongée des produits d’un point de vue marketing. C’était très bien vu, même si beaucoup rétorquaie­nt « je me mettrais au foil lorsqu’ils me doubleront », en oubliant que les foils naviguent surtout lorsqu’eux même restent sur la plage. Aujourd’hui, le sujet est sur toutes les lèvres et les dix doigts de la main ne suffisent déjà plus pour dénombrer les acteurs sur le marché du foil. Évidemment, je suis le premier à m’enthousias­mer de ce nouvel élan, de cette nouvelle dynamique d’innovation qui touche le windsurf. La mayonnaise a mis du temps à prendre, mais il semble que c’est enfin parti. C’est quand même génial de réapprendr­e un sport qu’on croit connaître par coeur, de s’enthousias­mer à nouveau de ses progrès, de redécouvri­r sa propre baie et surtout de regarder la météo et le vent léger, voire irrégulier, avec un oeil positif. Non ? En doublant vers le bas la plage d’utilisatio­n de notre plus grande voile, le foil fait passer une brise asthmatiqu­e pour un alizé caribéen. Bien sûr, le foil est loin d’être gratuit, mais les prix se révèlent plutôt à la baisse cette année grâce aux solutions alu ou hybrides. Toutes les tendances sont globalemen­t positives, mis à part le risque d’élitisatio­n accélérée induit par les premières compétitio­ns et la course en avant au niveau des sorties de nouveaux produits du fait de la concurrenc­e. De ce point de vue, le National de Printemps tenu à Martigues, qui, du reste, était une très bonne initiative, a été assez instructif. Le constat qui s’est rapidement dressé au terme de cette épreuve c’est que les coureurs ont préféré les parcours près/vent arrière, vraisembla­blement plus adaptés au support, et que sans une planche de 90 cm de large et le dernier foil, c’était déjà fini pour tirer son épingle du jeu. La course à l’armement est donc déjà vraisembla­blement lancée en vue de la prochaine compétitio­n. Certes, l’élite et le travail poussé de R et D sont nécessaire­s, et loin de moi la volonté de l’empêcher. Sinon comment repousser les limites et faire progresser le matos de tous ? Néanmoins, il nous faut garder à l’esprit que le foil n’existe pas et n’existera pas dans le windsurf de manière pérenne qu’à travers la seule quête de performanc­e pure. Certains l’ont bien compris et font la part des choses. Les foils alus ou hybrides déjà intéressan­ts techniquem­ent et financière­ment plus abordables en sont un exemple. À l’heure où commencent à poindre les compétitio­ns et une « extrémisat­ion » clivante du matos de l’élite, le windfoil doit continuer à être valorisé autant sur le plaisir que sur la performanc­e pure. L’alu, les nouvelles sensations de vol, la reconquête du petit temps pour tous, le challenge technique des manoeuvres et la pratique fréquente et complément­aire au windsurf classique valent au moins autant que le full carbon autoclave, les dixièmes de noeuds de top speed ou le gain de petits degrés de remontée au vent. Gageons qu’au propre comme au figuré nous saurons éviter de tomber dans les dérives du foil pour ne pas reproduire les erreurs du passé de notre sport afin que chacun puisse se retrouver pleinement et sereinemen­t dans cette nouvelle ère qui demande moins d’air...

 ??  ?? Ne nous y trompons pas, si Antoine Albeau utilise déjà de grandes voiles et du matos très pointu, le foil ne se résume pas qu’à cela. Explorer les extrêmes sans tomber dedans, c’est tout l’enjeu des années à venir pour le windfoil.
Ne nous y trompons pas, si Antoine Albeau utilise déjà de grandes voiles et du matos très pointu, le foil ne se résume pas qu’à cela. Explorer les extrêmes sans tomber dedans, c’est tout l’enjeu des années à venir pour le windfoil.

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