40 PIGES WIND FOR EVER
40 ! C’est fait, votre magazine chéri fête ses 40 bougies. 40 ans à travers 5 décennies de folie et de plaisir que WIND a traversées avec un engin en perpétuelle ébullition, poussé au gré des brises et des tempêtes. Pour l’occasion, nous revenons sur ces
70'S : BIG BABY-BOOM
Dans les années 70, la planche débarque comme un raz de marée en France. Un succès foudroyant et populaire. Rapidement, un mag dédié au windsurf voit le jour. Le premier numéro s’intitule Windsurfing, il débarque sur les plages l’hiver 1977. Il est créé par Yves Loisance et paraît au rythme de 6 numéros par an. Dès les premiers numéros, on retrouve la base de ce qui a fait WIND toutes ces décennies : des articles pédago, des résumés de compétitions, des portraits et des spots où naviguer. Les tests de matos viendront assez vite également avec la multiplication des marques à la fin de cette décennie. Les moyens pour faire les premiers magazines sont modestes et cela se sent. Fautes de frappe, nom des rideurs massacrés… Dès le premier numéro, le champion du monde s’appelle « Robbie Nash ». La qualité du papier, l’impression en noir et blanc, la typographie font aujourd’hui d’un autre âge. Mais avec les moyens modestes des débuts, le mag plaît et les ventes décollent rapidement, d’autant que Windsurfing est seul sur le marché. Le sport est tout neuf et le mag l’est encore plus. Tout progresse très vite, tant chez les fabricants que chez les pratiquants. Au début du magazine, le vocabulaire utilisé sent le yachting à plein nez, le windsurf n’a pas encore un jargon propre très développé. Mais au fil des numéros, la pratique de la planche à voile prend des directions inattendues. Pendant qu’une grosse partie de l’Europe se cale dans des triangles olympiques, certains partent à l’aventure et d’autres commencent à monter sur la planche dans tous les sens. Ce qui va marquer un tournant radical pour la suite du mag, c’est l’apparition de moustachus aux cheveux longs qui commencent maladroitement à taquiner les déferlantes. Pendant un moment, ces « dérives » du windsurfing sont regardées comme des curiosités, un article ici ou là est consacré aux sauts, puis aux surfs, puis le mag se penche sur ces fameuses planches raccourcies. Peu à peu, on sent une glissade et une page se tourne manifestement à l’aube des 80's. Avec le planing et les vagues, le windsurfeur met les deux pieds dans l’univers de la glisse. La pratique prend un tournant plus radical et le mag va emboîter largement le pas. Alors que les planches se font tailler à la scie, Windsurfing est amputé d’une partie de son nom sous la pression d’une procédure de justice. À partir de mars1980, le titre devient WIND et ne bougera plus pour les 37 années à venir.
80'S : LES ANNÉES FUN
On pourrait parler aussi des années folles, des années de gloire et bien sûr des années culs ! Le mag a fait plus qu’accompagner le windsurf dans son explosion et dans sa folie, il l’a littéralement poussé. Ces années-là correspondent à une vraie puissance de WIND. Le tirage dépasse les 100000 exemplaires, les recettes des ventes et des publicités donnent une force indéniable. Les journalistes ont une liberté totale et de gros moyens, les sujets décalés se multiplient. On trouve du surf, du snow, puis des articles surprenants comme le célèbre « Fuck the Blaireau », devenu mythique, mais qui a soulevé un véritable débat dans le milieu. Malheureusement décédé, Hervé Hauss était grand reporter dans cette période. Il a sorti quelques articles qui ont fait date, les lecteurs assidus regrettent sa plume qui s’envolait bien au-delà des jumps des rideurs. Ses récits de compétitions faisaient vraiment rêver les pratiquants qui découvraient en général avec le mag ce qui s’était passé sur les grosses compétitions de l’époque. Dans ces années-là, le windsurf se trouve deux icônes indiscutables : Jenna De Rosnay et Robby Naish. Ils enchaînent les couvs et les articles. Normal, Jenna est forte et d’une beauté sublime. Quant à Robby, il gagne tout, il invente tout et il est vraiment le plus fort dans tous les compartiments : vagues, slalom et même en racing. Le fluo, l’exubérance et un langage complètement créé par les pratiquants envahissent les pages de WIND. Avec le surf et le windsurf, le lexique du bon glisseur explose. On jibe le swell, on règle les straps, on tape des aérials sur le peak et on finit par tweaker tellement le donkey kick qu’il termine en table top. La ligne éditoriale prend le cap du sea, sex and sun. Les feuilles se remplissent de cheveux blonds comme les blés, les voiles et les photos sont saturées de couleurs. Dans les années 80, les moeurs sont plus détendues, la fesse fait vendre et le mag ne se prive pas de tirer sur la ficelle du string. Faire une couv avec une belle poitrine en gros plan, c’est juste impensable aujourd’hui, mais ce n’était pas trop étonnant à l’époque. Les jeunes (et moins jeunes) lecteurs peuvent le regretter, mais la messe est dite : la société a changé, WIND c’est du windsurf, plus question de lorgner du côté de la presse de charme. Les années 80 marquent aussi un virage bien appuyé, genre bottom turn bien couché vers le funboard et particulièrement vers les vagues. Conséquence directe, les plages d’Hawaï envahissent le magazine. Les couvs, les sujets, les manoeuvres, tout ou presque se passe entre Oahu et Maui. Quand la rédaction fait un sujet sur la France, c’est pour la comparer à Hawaï. Lorsque Matt Schweitzer et Mike Waltze découvrent Hookipa au début des années 80, ils étaient loin de penser que quelques années plus tard, le spot ferait quasiment toutes les couvs et remplirait les pages du mag. Si Hawaï monopolise ainsi le magazine, c’est que le windsurf est devenu un sport extrême et c’est clairement là-bas que tout se déroule.
90'S : GO BIG
Snow, skate et surf sont entrés dans l’univers de la glisse. WIND continue à jouer la carte du fun, mais on sent que les choses changent. Le windsurf a perdu son monopole des sports de glisse. Les ventes de matos sont en baisse et la presse spécialisée perd des lecteurs. Le magazine reste une référence, mais il ne se sent plus indestructible. De temps en temps, le mag joint une cassette VHS événement. Cela ajoute un sacré bonus, mais les coûts de fabrication et de vente s’envolent et le fait que le mag soit sous blister freine pas mal d’acheteurs. Côté rédaction, une tendance forte apparaît, celle du trip. C’est dans cette période que le côté globe-trotteur va être le plus poussé. De découverte en découverte, WIND et tous les autres mags de planche participent à transformer certains bleds isolés en spots ultra fréquentés comme le Cap-Vert, les Canaries ou encore le Maroc. La tendance des années 80 faisant du windsurf un sport extrême se poursuit implacablement. Le mag accentue son sillon vers le tout radical et les vagues. Les sessions à Jaws explosent les parutions. Les sorties monstrueuses sont relatées dans les moindres détails. Plus il y a de mâts pour mesurer la vague, plus l’article est gros. Le mag se trouve un nouveau héros : Jason Polakow. Il a donné un coup de boost au windsurf dans les vagues et les bases du waveriding ne vont plus guère bouger après lui. Couvs, articles, photos de dingues, l’Australien va envahir les parutions pour une bonne raison : il est le plus radical ! Il se tord plus, frappe à toute vitesse, bref, il plaît et il est dans la tendance du moment. Bizarrement, Björn Dunkerbeck, qui avait tout pour devenir la star des années 90, a du mal à créer le même enthousiasme à ce moment-là. À travers les numéros, il semble aussi aimé que détesté. Il est incontournable, mais sa domination énerve, il a tué tout suspens sur la coupe du monde. Pour les revues spécialisées, Björn n’est pas un bon client. D’une part, les résultats (au moins en slalom) sont connus d’avance, ensuite au niveau des interviews, il est vraiment dur de le faire se lâcher. Sa comparaison avec un robot revient régulièrement au fil des ans. Pourtant, il a sa place dans les super héros du sport tant il a dominé en faisant preuve d’une grande polyvalence. Mais à cette époque, outre Jason, c’est Robert Tériitehau qui correspond le mieux à l’image fun et radicale, en plus il sort avec des vedettes de la télé! En 1998, commencent à apparaître des petits @ dans les contacts. Un petit sigle en plus annonciateur d’une déferlante emportant tout sur son passage pour commencer un troisième millénaire turbulent.
00'S : L’ÈRE DU NUMÉRIQUE
Les années 2000 confirment ce que l’on craignait, le windsurf est un sport de plus en plus génial, mais il n’a plus la cote auprès du grand public. Le surf et le kite font plus branchés. Le fait le plus marquant de cette période, c’est l’entrée dans l’ère numérique. C’est fou comme des suites de 0 et de 1 peuvent avoir comme effets sur le monde matériel. L’impact éclate à plusieurs niveaux, pas forcément en négatif. Les DVD prennent moins de place dans la revue. Les appareils numériques vont bouleverser le travail des photographes. Imaginez que jusqu’en 2003, un water shooting durait le temps d’une pellicule photo. 36 images, ça passe vite quand on baigne avec des champions. D’un coup, le nombre de prises de vues n’est plus une limite et en deux secondes on voit la qualité de son travail. Mieux, les économies réalisées sont conséquentes. Il n’y a plus de frais d’achat et de développement des pelloches. Plus besoin de scanner les diapositives pour la maquette. Bref, on gagne du temps, on économise de l’argent et les photos sont de plus en plus belles ! Mais le monde numérique, s’il aide au travail, ne joue pas en faveur des magazines. Quand internet déboule vraiment au début des années 2000, les investisseurs se ruent pour être les premiers dans ce nouvel Eldorado. Voyages, vente de matos et plusieurs sites dédiés à la glisse sont montés avec des équipes dignes des plus grands journaux. Mais voilà, les recettes ne viennent pas et au bout de quelques mois, la bulle internet explose. Quasiment tous les nouveaux venus se retrouvent le bec dans l’eau. La presse papier souffle, mais au fil des ans, internet va grandir, modestement, mais sûrement. WIND, qui a lancé son premier site internet en 1996, s’y lance peu à peu. Les sites ont de plus en plus d’audience et fonctionnent avec très peu de moyens. Il faut dire que les marques et les organisateurs d’événements ont compris l’intérêt du net. Photos, news et résultats paraissent quasiment instantanément. L’autopromotion est nettement plus facile. WIND propose son site comme tout le monde. Les infos sont données plus rapidement sur internet, peu importe la distance. Même Hawaï se livre en direct, le web sert l’info sur un plateau. Toute la presse papier souffre d’un décalage de plus en plus visible. Pourquoi attendre un mois pour avoir des infos gratuites que l’on peut trouver quasiment instantanément sur son ordinateur ? Les années 00 marquent une crise profonde dans l’ensemble de la presse papier. Les grands quotidiens souffrent, certains déposent le bilan, la presse spécialisée est loin d’être épargnée. Il est temps de s’adapter, le problème est simple : réagir ou mourir et WIND ne fait pas exception. Il y aura une jolie tentative avec les «Wind Surfer». Des mags plus gros avec moins de pubs et plus de sujets fouillés à l’image du magazine de surf «Surfer’s Journal». Le premier numéro sort en 2004, mais le format ne fait pas recette et la jolie revue est malheureusement arrêtée quelques années plus tard. La solution miracle n’existe pas, la conjoncture générale est catastrophique, quasiment toute la presse est durement touchée. Il est temps de trouver des solutions pour redonner à WIND un second souffle.
10'S : RETOUR EN GLISSE
Le monde du windsurf s’est fait une raison, il n’est plus le centre du monde de la glisse comme dans les années 80. Les pratiquants sont de plus en plus multisupports. Les jeunes générations sont assez terribles, elles savent tout faire, du funboard, du surf, du kite, du SUP, du VTT… Le marché du windsurf est donc mis en concurrence avec d’autres sports alors que les budgets ne sont pas extensibles. Mais le monde du windsurf ne va pas si mal. Les écoles font le plein, les bons spots saturent de monde, le Défi Wind de Gruissan rassemble plus de 1 000 rideurs ! Dans la presse c’est le marasme, mais WIND tient la route. Les moyens ont fondu, l’équipe qui sort le mag s'est réduite comme une peau de chagrin et accélère en parallèle sur le web, mais les ventes repartent à la hausse après quasiment deux décennies de baisses. Un WIND en version digitalisée est désormais disponible pour le téléchargement. C’est pratique pour les gens à l’étranger ou ceux qui ont du mal à trouver un point de vente. Le papier n’essaie plus guère de lutter sur le terrain d’internet et pour cause, windmag.com est l’un des sites les plus actifs ! De plus en plus de compétitions sont en outre retransmises en live streaming. Les drones livrent des images époustouflantes aux organisateurs des événements. En plus, les sessions photo fleurissent sur les réseaux sociaux quasiment en temps réel lors des compétitions ou pendant les simples sessions. Le smartphone est devenu l’arme absolue pour livrer des infos plus que chaudes. En fait, l’actualité qui faisait la raison d’être des magazines se retrouve de fait en second plan, c’est windmag.com qui se charge de l’actu fraîche. Le magazine WIND continue à relater les courses, mais le commentaire à l’ancienne n’a plus sa place. Il faut y ajouter des analyses ou des angles que l’on ne retrouve pas sur le web. L’autre tournant qui se profile, c’est un retour vers le pratiquant ! Celui-ci est bien difficile à cerner tant il y a de windsurfeurs et de pratiques différentes. Ce qui est sûr, c’est que plus les vagues sont géantes et les tricks radicaux, plus le lecteur est scotché, mais moins il se retrouve dans ce qu’il voit. Il n’est pas question de laisser tomber les images qui font pousser des ooohhh ni d’abandonner les héros du milieu. Hawaï restera le coin de paradis vers lequel tout lecteur et chaque rideur veulent planter leurs dérives. Mais le magazine se tourne plus vers ses lecteurs : les tests ont plus que jamais le vent en poupe. La campagne dure des mois et mobilise des énergies rarement atteintes. Les trips gagnent en infos pratiques ce qu’ils perdent en nouveauté. Il faut dire que la recherche de spots nouveaux se fait difficile. S’il existe encore de belles pépites en attente de découvreurs, les effets de surprise sont rares. Maui perd de la place, Jaws et Hookipa font moins de parutions. Normal, vidéos et photographies inondent en permanence les pages de Facebook. C’est donc résolument vers nos spots et vers des sessions plus humaines que WIND se tourne. Guides de voyages, zoom sur les spots de France, conseils pour une pratique normale et des dossiers plus complets sur le matos, la technique et des sujets de fond comme la sécurité, le froid… Bref, les héros c’est vous et nous avec les problèmes que nous rencontrons sur nos spots. Alors bien sûr quand un record éclate, qu’une vague géante est ridée pour la première fois, il est difficile de passer à côté. Mais c’est clair, le côté ultra radical a moins la cote. Côté héros, le mag s'en donne à coeur joie, ils sont très Français, alors WIND se délecte. Albeau est incontournable, il rafle tout en slalom et en vitesse. Plus au sud, Thomas Traversa devient aussi une icône des vagues. Un phénomène qui a évolué sous les yeux du mag depuis sa première couv à l’âge de 14 ans jusqu’aux dernières cet hiver. Vainqueur de deux Défi Wind et au top du Slalom PWA depuis plusieurs années, Pierre Mortefon pousse également fort. Et demain ? Impossible de répondre de quoi sera fait l’avenir, peut-être WIND tournera-t-il la page du mag papier ? Mais rien n’est moins sûr, le plaisir du mag traditionnel semble avoir encore ses aficionados et puis il a encore de beaux atouts à faire valoir. Si le penchant numérique de WIND ne cesse de se développer à travers windmag.com et les apps pour les tablettes et smartphones, le contenu internet est vite noyé dans la masse. Les news internet sont oubliées aussi vite que l’on met son smartphone dans sa poche. Le mag papier fait date et reste. Ce qui est sûr, c’est que WIND est depuis ses débuts une belle aventure soutenue et animée avant tout par de vrais passionnés du windsurf, à la rédaction comme chez son fidèle lectorat. Alors notre mission pour les quarante prochaines années, c’est de faire en sorte de continuer à faire rêver et à être utiles aux autres passionnés pour faire vivre et partager notre amour du windsurf.