Wind Magazine

INDONESIA — ME, MYSELF AND I —

Au mois de juin, l’inimitable Jason Polakow s’est envolé d’Hawaii vers une île située au sud de l’Indonésie pour chasser un gros swell dans une zone plus réputée chez les surfeurs que chez les windsurfeu­rs. Une fois de plus, le bougre a scoré une vague in

- Texte : Jason Polakow / Photos : Evgeny Ivkov

Cela faisait bien longtemps que je n’étais parti en trip en Indonésie et je cherchais, depuis, l’occasion pour y repartir à l’aventure. Pour être honnête, je n’ai jamais vraiment identifié où se situait le meilleur endroit là-bas, car il y a d’innombrabl­es îles à potentiel dans la ceinture indonésien­ne. Trouver la bonne île avec la meilleure combinaiso­n de vent et de swell était un vrai challenge. Voyager vers des coins retirés et qui n’ont pas de sources très fiables d’informatio­ns, c’est toujours un peu stressant pour moi. Le stress ne vient pas du temps de voyage, mais de l’investisse­ment en ressources que cela demande de monter un gros projet dans ce genre de coin. Avant de partir, regarder les cartes en permanence te ramène toujours à la fameuse question : « shoud I stay or should I go » ? Malheureus­ement, je ne peux pas révéler avec exactitude le spot sur lequel j’ai navigué durant ce trip, car les rideurs locaux ne prendraien­t vraiment pas bien que je le rende public. Toutes mes excuses pour rester discret à ce sujet. Mais venonsen donc aux faits. Après quatre vols, un car-ferry et un long trajet en taxi, j’ai finalement touché ma destinatio­n finale après quatre jours de voyage. Ma première vue sur l’océan m’a permis de voir un reef de sept cents mètres à sec avec de petites vagues cassant à l’extérieur. C’était marée basse. Mais rapidement, j’ai dû me reconcentr­er pour trouver de l’aide afin de pouvoir me déplacer avec mon matos durant mon séjour. Les habitants du coin sont habitués à aider les surfeurs, mais pas des gars aussi lourdement chargés que moi. Les surfeurs louent des scooters avec des racks sur le côté pour leur board. J’avais pour ma part besoin de quelque chose de plus gros. Après avoir marché avec mon matos le long de la route pendant une bonne demi-heure, je tombais sur un magasin qui avait une moto à trois roues avec une caisse de chargement à l’arrière. Plus tard, je compris que c’était une sorte de « camion poubelle » local, mais pour moi c’était juste parfait, et après une petite négociatio­n avec sept Indonésien­s, j’avais mon véhicule pour la semaine. L’étape suivante consistait à trouver un bateau assez gros pour mon matos et qui permette d’aller en dehors du reef pour checker les différente­s passes. Tous les petits bateaux restent à l’intérieur de la barrière de corail, donc il me fallait trouver un vrai bateau de pêche qui accepterai­t de s’aventurer avec moi près des vagues. Il y avait bien des petits bateaux à moteur dans les surf-camps, mais tous étaient remplis de surfeurs et

ils n’allaient pas trop sur les spots plus ventés que je souhaitais aller checker. Pour finir, j’ai loué un petit canoë en bois avec un guide parlant anglais et, ensemble, nous avons pagayé d’un bateau de pêche à un autre en essayant d’en trouver un pour m’aider. Après une bonne heure de rame et de discussion­s avec les pêcheurs, nous avions enfin trouvé notre embarcatio­n. Le bateau en lui-même n’était pas très rassurant et avait au moins quarante ans. Le mousse à bord envoyait une sorte de cocktail de carburant dans le carburateu­r pour faire démarrer la vieille dame… Quant au capitaine, il barrait avec deux bouts attachés à la quille. J’adorais ça. Le jour suivant, en attendant le swell, nous avons passé la journée à inspecter les passes et à imaginer les meilleurs spots pour le windsurf. À la fin de la journée, j’avais distingué trois spots, y compris

l’un des line-up principaux des surfeurs. Nous avions aussi à considérer où positionne­r les photograph­es afin qu’ils soient en sécurité… En effet, les reefs à sec, à marée basse, se recouvrent d’eau très rapidement, en particulie­r avec des swells grossissan­t comme celui que j’étais venu chercher. Pour tout vous dire, j’étais quand même assez nerveux ce soir-là au moment de me coucher, en espérant que tout fonctionne­rait bien le lendemain. Aux premières lueurs du jour, je pouvais déjà voir la houle frapper sur le reef au large. Ça avait l’air de bien rentrer. Mon équipe et moi nous organision­s en navette avec des canoës pour rejoindre notre bateau de pêche qui avait été mouillé dans une eau plus profonde. Une fois tout le monde à bord, nous nous sommes dirigés droit vers le spot qui était en premier sur ma liste. Quelques surfeurs étaient déjà à l’eau et je pus voir instantané­ment qu’il n’y avait aucun besoin d’aller voir les autres spots. Des vagues parfaites de six/huit pieds déroulaien­t éternellem­ent le long de ce reef. Il y avait l’air d’y avoir trois sections sur cette vague. Les surfeurs prenaient des bombes, mais ils avaient quand même du mal à connecter toutes les sections. La distance entre les sections et la vitesse nécessaire pour les connecter étaient trop importante­s. À ce moment-là, j’étais en train de regarder la vague la plus parfaite pour le windsurf que je n’avais jamais vu. Je n’en croyais pas mes yeux. Cela n’arrive presque jamais. J’étais extrêmemen­t excité et je ne pouvais pas attendre plus avant de me jeter à l’eau. En quelques minutes, j’avais gréé à bord et je rejoignais le line-up. Je réalisais instantané­ment que le vent était vraiment

très offshore, très léger et très rafaleux. Je savais dès lors que la session allait être un long combat pour attraper les bonnes vagues. Néanmoins, ayant eu l’occasion de rider sur de très nombreux spots aussi irrégulier­s et offshore autour du monde durant ma carrière, à ce niveaulà, cela allait être pour moi juste une autre journée. Pour prendre des vagues régulièrem­ent, j’adoptais la technique de me placer hors des straps, juste en bas de là où casse la vague. Une fois la bonne vague arrivée, je me faisais aspirer et il me restait à chausser les straps durant ce qui s’apparentai­t à de véritables « air drops» ! Cela peut paraître un peu impossible, mais par chance la vague n’était pas trop creuse à cet endroit et ce genre de take off était en fait super fun. La seule contrainte était que je devais me placer juste pile-poil au bon endroit. Trop à l’extérieur, je ne pouvais pas partir et, à l’inverse, trop à l’intérieur, je me faisais croquer avant de partir pour une longue natation, suivie d’une encore plus longue marche sur le reef pour rejoindre le channel. Les meilleures vagues étaient celles qui présentaie­nt un long mur qu’on aurait dit vouloir fermer. La meilleure configurat­ion était de les prendre au sommet du reef. Ensuite, si ta vitesse et ton timing étaient bons, tu pouvais la garder sur toute la longueur du reef en passant les trois sections avant de jiber en sécurité dans le channel. J’ai trouvé le truc vers midi. J’arrivais à mettre quelques virages sur la première section avant de speeder sur cent mètres down the line vers la section du milieu, là où la vague proposait le meilleur mur. Là, je pouvais envoyer quelques aérials et rollers avant de repartir à fond down the

line une nouvelle centaine de mètres vers la partie finale de la vague où il y avait encore du mur pour envoyer de l’aérial ou de bons slashs. Je me suis vraiment amusé à essayer de trouver le timing parfait sur chacune des sections et d’arriver pile-poil au bon moment, au bon endroit, sur toute la longueur de la vague. Certaines d’entre elles étaient tellement longues que je fatiguais avant la fin du ride ! Lorsque je sortais et que je me retrouvais dans le channel, le point de départ était à plus de cinq cents mètres ! Grâce au vent offshore, je pouvais néanmoins rejoindre le take off en un seul bord avec la possibilit­é de virer de bord en cours de route si je voulais attraper une autre vague en chemin. À un moment pendant la journée, j’arrivais quasiment à choper tous les gros sets et à rejoindre le line-up en quelques minutes. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’aime tant le windsurf. On peut prendre tellement de vagues parfaites et se placer dans la meilleure zone à chaque fois… Lorsque tu obtiens cette fameuse journée épique, tu veux maximiser ton temps de ride et le windsurf est l’outil parfait pour cela. Certains des points de vue que j’ai eus durant cette session n’auraient jamais été vus par un surfeur. Être si profond et pouvoir regarder si loin down the line la suite de ta vague grâce à la vitesse que tu es capable de générer en windsurf sur une vague est pour moi la meilleure sensation au monde. À certains moments, j’étais seul au line-up à regarder ces vagues parfaites déroulant sans être ridées. Je pouvais prendre celle que je voulais. C’était le luxe suprême. Lutter au positionne­ment avec les surfeurs, les SUP et les kitesurfeu­rs est une contrainte à laquelle je me suis habitué. Mais ici, seul sur ce reef, tout cela était bien loin. C’était tellement bon de pouvoir me concentrer seulement sur les vagues ! À la fin de la journée, j’avais passé six heures de rang sur ma planche. À vrai dire, il y avait encore assez de lumière pour prendre plus de vagues, mais je n’en pouvais plus. Il était temps de rentrer pour célébrer cette journée folle avec quelques Bin-Tangs. J’étais juste heureux d’avoir scoré de telles conditions…

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 ??  ?? Ci-dessus : Jason Polakow place son bottom turn légendaire devant un surfeur remontant au peak.
Page de droite : pas peu fier le Jason sur son pick-up tricycle !
Ci-dessus : Jason Polakow place son bottom turn légendaire devant un surfeur remontant au peak. Page de droite : pas peu fier le Jason sur son pick-up tricycle !
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www.windmag.com
 ??  ?? Ci-dessus : sur cette autoroute défilant sur plus de 500 m le long du reef, Jason s'est gavé jusqu'à épuisement.
Ci-dessus : sur cette autoroute défilant sur plus de 500 m le long du reef, Jason s'est gavé jusqu'à épuisement.
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Ci-dessus : vérificati­on du matos, séance photo et retour à la nage, la routine pour l'Australien volant.
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Ci-dessus : c'est parti pour plus de 500 m de ride sur un mur ultra tendu où il faudra accélérer au bon moment pour connecter les sessions Ci-contre : après l'effort, le réconfort avec la satisfacti­on du "travail" bien fait!

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