Wind Magazine

Envolez-vous !

- Texte : Jean Souville / Photos : Voir mentions

En 2019, c’est acté, le foil fait partie de la grande famille de la planche à voile. Matériel de production abouti, compétitio­ns internatio­nales rassemblan­t les ténors du windsurf, pratiquant­s séduits, le foil s’est bien implanté. Même si la grosse masse des windsurfeu­rs regarde ce qui se passe avec de la curiosité ou pour le moment de l’indifféren­ce. Au mag, nous nous sommes dit que c’était le moment de faire le point. Avec un certain nombre de questions en ligne de mire, nous tâchons de vous éclairer sur ce nouveau support bien dans l’air du temps.

UN PEU D’HISTOIRE

Le foil existe depuis plusieurs décennies, déjà dans les années quatre-vingt, quelques rideurs essayaient des engins avec plus ou moins de succès. Le foil s’est fait une petite place sous les palmiers d’Hawaï dans les années quatre-vingt-dix. Antoine Albeau notre champion du monde préféré se souvient. « Du côté de Maui, il y avait Rush Randle et Kevin Ozee le patron du shop Pryde à l’époque. C’était avant les années 2000, ils avaient un Air-chair, un fauteuil monté sur un foil tracté par un bateau, après ils ont utilisé le foil sur un surf toujours tracté puis ils ont fait ça sur une planche de windsurf. À l’époque, ils étaient très en avance sur le design de la planche. Ils avaient vu qu’il fallait un arrière très large et des rails parallèles. Ils me l’ont fait essayer et ça marchait, ça allait moins vite que maintenant mais ça marchait super-bien, c’était plus qu’au point déjà. Ils essayaient d’en vendre, mais y’avait pas grand monde qui voulait en faire. C’est devenu à la mode 15 ans après. Je pense que c’est la Coupe de l’America qui a vraiment relancé le foil. Son utilisatio­n pendant la compétitio­n a fait une grosse promo. Cela a lancé ça sur d’autres supports, comme le kite ou le Moth. » Il faudra attendre le 21e siècle et la fin des années 2000, pour que le foil revienne à l’attaque côté planche à voile et cela se passe en France. Cette fois, c’est Bruno André avec AHD et son AFS-One qui commercial­ise un ensemble flotteur et foil, un engin dédié au vol dans le petit air. Contrairem­ent au foil proposé avant qui était lourd, celui-ci est tout en carbone, il permet un réel gain dans le light wind. Une large diffusion du foil commence grâce au travail de Horue. En proposant un foil adaptable sur le boîtier d’aileron d’une planche classique, il sort un produit de qualité pour un prix plus digeste pour les clients. Avec cette idée et une com redoutable, les foils prennent un réel envol. En parallèle, d’autres marques plus ou moins artisanale­s voient le jour, un marché est créé. Après 2015 tout s’emballe, les gros fabricants se lancent dans le business. Aujourd’hui, quasiment plus une marque n’a pas la tête au foil. Il existe même plusieurs programmes avec du matos freeride axés sur la facilité et des programmes plus pointus axés sur la performanc­e mais difficiles à maîtriser. Le temps dira si c’est un emballemen­t exagéré ou si le foil va survoler l’effet de mode. Pour l’instant ça plane pour le windfoil.

ALORS OK, ON VOLE, MAIS Y A-T-IL UN RÉEL INTÉRÊT AU FOIL ?

En étant factuel, au fil des tests, des essais, des commentair­es des utilisateu­rs, on peut dégager 4 gros intérêts : >Un décollage dans du vent plus léger qu’en windsurf traditionn­el. Nous avons posé la question à la plupart des pratiquant­s de haut niveau. La réponse est unanime, le gain dans le vent léger est considérab­le. En fait, le pratiquant profite de cet avantage à partir d’un certain niveau. Quand un rideur avait besoin de 15 noeuds pour s’éclater en matos de freeride avec une 7 m, le foil permet de décoller à 10 noeuds en 6 m, même avant pour les plus adroits et ou les plus légers. Pour ne rien gâter, le foil encaisse nettement mieux les déventes. En cas de trou d’air la perte de planing est souvent rapide en planche traditionn­elle. Là on peut voler grâce à l’aile et pomper sur le foil pour continuer à planer. Pareil au jibe la

relance est plus facile, à condition cependant d’avoir le niveau pour jiber en l’air. Ce qui demande un certain nombre d’heures de pratique.

>On vole, et c’est addictif. C’est très impression­nant d’évoluer au-dessus de la mer, on est dans la glisse à l’état pur. Hormis quelques foils sifflants, on plane en silence et sans tous ces microchocs du clapot qui tape la carène.

>Le foil est plus efficace pour faire du près et du portant. Là les planches de formula ont pris mille ans avec l’arrivée du foil. Dans le vent léger à modéré, le foil est nettement à son avantage. Pour visiter un plan d’eau en long, en large et en travers, le foil est un régal. Même sans foil spécialisé, le gain est considérab­le. >Le foil est plus rapide qu’une planche de slalom même au travers tant que le vent n’est pas fort. Avec du matos adapté, un bon rideur et un vent modéré, oui le foil se permet de supplanter le matos avec aileron. Depuis deux ans, les foils sont capables de gagner des longues distances même avec du 15 à 20 noeuds. Normal, en étant en l’air, la planche passe sur le clapot et le flotteur ne fait plus de traînée.

AUTOPSIE D’UN TUEUR DE PÉTOLE

C’est bien beau un foil, mais comment ça marche ?

C’est Éric Collard responsabl­e du shop Gliss Attitude à Marseille, grand spécialist­e du foil et président de l’associatio­n française de windfoil (www.afw.fr) qui dissèque pour nous le foil : « En fait on remplace l’aileron par un élément suffisamme­nt porteur pour faire sortir la carène de l’eau. On a sous la planche une aile sous-marine qui génère une poussée vers le haut grâce à son profil. Cela fonctionne comme une aile d’avion, la partie supérieure de l’aile bombée crée une accélérati­on des filets d’eau et une dépression qui attire le foil vers le haut. Un foil est constitué de 4 parties. Ce qui compte le plus, c’est la cohérence des éléments entre eux, c’est ça qui fait qu’une nav est efficace et agréable. Beaucoup de travail se fait de manière empirique. On constate beaucoup de choses, mais on ne sait pas tout expliquer. »

>Le mât : C’est l’élément de liaison entre la planche et le foil (aile, fuselage et stabilisat­eur). Points clefs : sa longueur et sa rigidité. On s’est rendu compte qu’une importante rigidité en torsion est capitale, c’est la clef du contrôle en l’air. Second point clef, la longueur. Plus le mât est long plus on a de l’amplitude en montée et descente avant de sortir de l’eau. Plus il est court, plus ça facilite le contrôle du foil. Pour commencer il ne faut pas trop long. Pour la perf, on est parti sur du long, mais on revient sur du plus court actuelleme­nt. Avec une planche dédiée et un niveau correct de pratique, on a des mâts entre 90 cm et 1 m, pour ceux qui veulent naviguer dans une optique freeride ou vagues, un mât de 80 ou 85 cm convient. En ce qui concerne les matériaux, l’alu est très raide en torsion naturellem­ent et ce n’est pas cher. Le carbone est plus nerveux et permet d’obtenir un profil non cylindriqu­e, on a plus de sensations et les perfs sont bonnes. Le poids n’est plus le combat le plus important.

>Le fuselage : C’est l’élément sur lequel viennent se fixer l’aile et le stabilisat­eur. Il est soit vissé sur le mât, soit il en fait partie. Comme le mat, il faut qu’il soit rigide. En général il est en

aluminium, c’est plus facile de faire solide en alu. Deux points sont importants: sa longueur et la position de l’aile avant. Plus, il est long, plus il y a de stabilité longitudin­ale, (intéressan­t pour ceux qui savent naviguer calé). Plus il est court, plus il est réactif, ça facilite la correction des erreurs dans une certaine limite. Plus l’aile avant est avancée, plus on favorise le cap et le décollage précoce. Plus elle est reculée, plus on favorise le contrôle. Les foils performant­s sont calés devant, en freeride ils sont plus reculés. Ils donnent de la facilité pour voler mais ils remontent un peu moins bien au vent. Mais quoi qu’il en soit, le foil remonte toujours plus au vent que du matos ordinaire. >Le stabilisat­eur : C’est une petite aile avec un profil inversé, il est porteur à basse vitesse mais déporteur dès que le fuselage est en vitesse de croisière. Il a deux fonctions il stabilise sur l’axe longitudin­al et il compense le poids qu’il y a à l’avant du flotteur, du gréement. Il est souvent réglable en incidence, ça permet d’adapter le foil à la force du vent et au type de planche que l’on utilise. Globalemen­t sur les foils les plus accessible­s, les stabs sont assez gros, la surface est importante, mais on voit de tout.

>L’aile : C’est le principal élément porteur du foil, il doit maintenir en l’air tout ce qu’il y a au-dessus : rideur, gréement, planche, ça fait du poids. Il existe des ailes plus ou moins porteuses, les plus porteuses permettent de voler à basse vitesse. Dans les paramètres de la portance, il y a le profil, la surface de portance, l’envergure et les formes de dièdre (la forme en regardant l’aile de face). Le bout des ailes peut être plat ou posséder des winglet, (une inclinaiso­n du bout l’aile vers le haut ou le bas). Ils améliorent la portance et donnent un peu plus de stabilité. Il n’y a pas une vérité en termes de formes, tout est histoire de cohérence de l’ensemble et les bouts d’ailes ont la même influence vers le haut ou le bas. Pour les utiliser en freeride, il faut des ailes assez épaisses ou avec des cordes importante­s (la largeur de l’aile). Pour la perf, on a des ailes à grands allongemen­ts. De grandes envergures avec de petites cordes, ça diminue la traînée, mais il faut de la vitesse tout le temps, ça décroche plus vite à basse vitesse. Deuxième élément, tu sollicites plus l’ensemble mât et fuselage en torsion, il faut soit du plus rigide, soit tu perds en contrôle.

ON PLANCHE À FOIL

Pour foiler il faut un foil, mais aussi une planche et un gréement. L’erreur est de penser que n’importe quelle planche fera l’affaire car une fois en l’air, seul le foil compte… Ben non.

Éric Nous explique pourquoi :

« L’intérêt, d’avoir une planche taillée pour le foil c’est d’être plus facile en ayant plus d’équilibre en l’air. Donc d’avoir plus de plaisir et de sensations. Pour y parvenir, le principal élément est d’avoir plus de largeur au niveau du strap arrière. Deuxième élément, les planches sont raccourcie­s pour diminuer l’inertie en l’air, du coup tu corriges ton assiette plus facilement. Le troisième, ce sont les éléments qui permettent à la planche de ne pas ralentir ou de ne pas se bloquer lors d’une touchette avec l’eau. Chaque fabricant a sa recette, ce sont des combinaiso­ns de scoops et de formes de rails. Le feeling du matos est différent d’une planche à l’autre, mais tout marche. Ce qui compte c’est l’équilibre de l’ensemble. Globalemen­t tous les fabricants ont fait beaucoup de progrès sur ce point, les flotteurs de 2020 n’ont

rien à voir avec ceux de 2018. Même son de cloche pour la voile : on a besoin d’une voile qui participe à la stabilisat­ion du foil et de la planche en vol, pour éviter de faire le marsouin. En foil on n’arrive pas à gérer la surpuissan­ce, on doit avoir une voile qui génère assez de puissance pour éviter de naviguer en étant surtoilé comme on a tendance à le faire en slalom. En termes de design, les voiles sont relativeme­nt creuses, avec des creux très avancés, des chutes moins ouvertes et des élancement­s importants. Elles sont 20 % plus hautes que des voiles classiques. Conséquenc­es, les voiles ont assez peu de main arrière, elles ne tirent pas sur la main arrière, elles sont moins fatigantes, on navigue plus en finesse, plus question de chercher cette surpuissan­ce. L’avenir du foil c’est le rendement plus que la puissance brute. Quand tu as pris l’habitude de ce matos-là et que tu retournes sur du matos de slalom, tu mesures complèteme­nt la progressio­n et le confort que tu gagnes avec du matos dédié au foil. Cela aussi bien en race/slalom qu’en freeride. »

ENSEMBLE PROGRESSON­S

Heureuseme­nt depuis que le foil est devenu un enjeu dans le marché du windsurf, le matériel a rapidement évolué. Il faut le dire, certains produits ont été pondus dans la précipitat­ion au début et on a assisté à la naissance de quelques oignons pas très digestes. Mauvais matériaux, déséquilib­re dans le positionne­ment… Depuis que nous testons le matos de foil chez Wind, les choses ont beaucoup évolué.

Le constat de Franky Roguet testeur en chef de Wind est sans appel : « Le matos devient plus performant, il est largement plus rassurant et accessible. Le matos qui était au top il y a 5 ans semble insupporta­ble aujourd’hui. On est plus stable, on jibe plus facilement et on passe dans du vent de plus de 20 noeuds sans souci. »

Pour Bruno André foileur, testeur, metteur au point pour AHD, pas de doute: « On va vers des foils plus faciles et accessible­s avec des ailes très porteuses, à 5 noeuds t’es en l’air, les ailes progressen­t. Pendant un temps, on a un peu axé tout sur la performanc­e. Aujourd’hui la tendance est surtout de planer dans très peu de vent, c’est ce qui le rend accessible au plus grand nombre. Le foil dépasse les autres supports même le slalom dans moins de 25 noeuds, on va vite, on a une meilleure relance au jibe si le vent molli… Il y a beaucoup de points positifs. Le vent fort fait peur. La direction prise depuis le début du foil n’est pas la meilleure décision pour foiler dans le vent fort. Dans 25 noeuds, c’est dur de tenir, ça reste un jeu d’équilibre en l’air, on n’est pas posé comme les bateaux. Aujourd’hui on connaît les limites des petites ailes; dans le vent fort, tu as besoin de tolérance. Si on réduit les ailes pour diminuer la traînée on crée d’autres problèmes, le foil est trop dur à conduire, au jibe l’aile va s’écrouler. Il y a tout un développem­ent à repenser, pour le moment on reste sur ce qu’on sait faire; avec le schéma classique d’une seule aile au bout d’un mât à l’arrière. Le développem­ent coûte trop cher. Peut-être que certains le font en secret… Le foil aurait tout pour dominer lors du DéfiWind, mais il n’est pas encore au point pour sortir dans des forces de vent comme il y a à Gruissan. »

William Huppert est un foileur de la première heure, compétiteu­r acharné et metteur au point pour Lokefoil, il nous donne son point de vue sur les performanc­es actuelles du foil : « Au niveau de la performanc­e aujourd’hui, à niveau égal, sur un parcours de slalom, le foil est plus rapide que le slalom dans moins de 15 noeuds. Quand il s’agit d’Upwind downwind forcément il n’y a pas de match, le foil est supérieur. Dans plus de 15 noeuds en foil on

va vite mais pas encore autant que le slalom mais ça ne saurait tarder ! »

Antoine Albeau pionnier du foil et compétiteu­r de légende planche lui aussi sur l’avenir de ce support. En bon rideur de vitesse, c’est en termes de performanc­es qu’il nous parle de l’évolution du foil : « Aujourd’hui, en foil, on est devant en termes d’angle par rapport au vent, on a du matos très puissant mais qui n’avance pas car on travaille surtout sur le cap avec ces grosses ailes. On est trop dans le développem­ent des ailes light wind. Ce que j’aimerais faire, c’est travailler sur le rendement, c’est aller à 50 noeuds avec 25 noeuds de vent seulement. En speed pour aller à plus de 50 noeuds, il faut 100 km/h de vent. C’est trop dur de trouver un bon spot en fait. Dans 25 noeuds de vent en mer, si tu fais 40 noeuds c’est énorme. En kite ils y arrivent car ils peuvent avoir des petites ailes. Ils sont en sustentati­on, nous, c’est plus dur, on n’est pas avantagé, on est tracté. Si tu arrives à aller à 35 noeuds, déjà tu peux gagner le Défi wind, tu passes le clapot tu peux rester plus au large. Je pense qu’il faut essayer de le faire, il suffit de réduire la taille des ailes et on va aller vite. Déjà, on peut réduire la taille des ailerons, faire des bons profils de mâts et d’ailes y’a pas mal de boulot à faire. »

LE FLOU DU FOIL

La compétitio­n et le foil donnent un joli aperçu de la pagaille que peut créer un nouveau support dans l’organisati­on d’un sport. Grosso modo, la compétitio­n a fait son coming out vis-à-vis du foil en 2016. l’AFF a eu du flair en organisant le trophée light wind pour meubler les journées limites en vent. Au début ouvert à tous les supports, ce trophée s’est vite transformé en régate foil avec un parcours de race. Il y a de la remontée au vent et du vent arrière. L’année suivante un championna­t du monde a été organisé. Depuis 2 ans, c’est la PWA qui met son nez dans le foil au risque d’en perdre une partie. Alors il y a un point sur lequel tout le monde est d’accord; le foil permet de lancer des courses avec un vent minimum nettement plus bas que le slalom et même que la formula windsurfin­g. Il serait dommage de se priver des performanc­es indiscutab­les du foil. Le souvenir de l’épisode formula windsurfin­g qui avait effacé un temps le populaire slalom reste tenace et effraie certains windsurfeu­rs. Le foil en compète, oui, mais sous quelle forme? Du slalom, de la race? Aujourd’hui les discussion­s vont bon train.

Antoine Albeau très impliqué dans la coupe du monde et dans le slalom revient sur la révolution que subit le slalom: « L’année prochaine, on aura deux discipline­s: la course racing en foil avec des parcours up-wind/down-wind et une limite de vent très basse. À côté on aura du slalom avec la possibilit­é de mettre les foils si le vent est trop faible. C’est voté par le comité mais on ne sait pas encore les règles de limitation de matos ni comment vont se gérer les problèmes sur certains plans d’eau où les foils ne passent pas. Je pense que dans le futur on n’aura que du foil en slalom. On pourra s’approcher du bord même si le vent est capricieux, ça permet de rapprocher le parcours des gens, c’est bien. C’est clair que ça va changer la tête des courses. Il va y avoir que des mecs de 70 kg ou 80 kg, c’est l’évolution c’est comme ça, t’y peux rien. Perso, je préfère naviguer en foil. Je n’ai pas peur que les pratiquant­s ne s’y retrouvent pas. En course on a besoin de grosses voiles pour descendre ou caper, il faut de l’appui mais au travers tu n’as pas besoin de grosse toile. En freeride normal les gens peuvent naviguer avec des tailles plus petites. » Les discussion­s à venir s’annoncent cruciales. Le renouvelle­ment du support olympique est lui aussi très attendu. Tout le monde guette les instances olympiques qui dans quelques mois doivent modifier ou garder le support windsurf aux JO de Paris.

DEMAIN TOUS EN FOIL ?

La réponse pour le moment demande de posséder une bonne boule de cristal. On n’en sait rien, il est déjà dur de dire combien de pratiquant­s font du foil à l’occasion ou souvent. Selon Bruno André, les choses vont bon train: « Je le vois grandissan­t, savoir aujourd’hui combien on est, c’est dur à dire, je dirai qu’on est à 30 % de pratiquant­s en foil aujourd’hui, c’est déjà beaucoup! » Idem pour Éric Collard « Clairement le marché a décollé depuis deux ans, ça fait 5 ans que l’on en vend, c’est un vrai marché au niveau national, c’est en forte progressio­n. Ça ramène beaucoup de gens qui avaient arrêté la planche aussi. Pratiqueme­nt tous ceux qui essaient finissent par pratiquer bien sûr, tous ne vont pas investir dans le neuf. Ce qui est curieux, c’est l’aspect assez viral dont le foil prend. Cela dépend clairement des spots. Il y a des spots où c’est très développé et d’autres pas du tout. Certains spots sont plus ou moins adaptés aussi. » Le succès est bien là, reste à savoir comment vont évoluer les plus sceptiques et les adeptes du contact avec l’eau. Pour le moment le windsurf traditionn­el a toujours son mot à dire dans le baston et les vagues. Et puis, personne ne souhaite une dictature du foil. Il est fort à parier que foils et ailerons sont partis pour cohabiter à la vie à la mort.

QUESTIONS-RÉPONSES

Quel niveau dois-je avoir avant d’essayer le foil ?

>Thierry Lefevre fondateur du club Serre-Ponçon Windsurf depuis 2008, foileur depuis 2014. « Le minimum d’expérience, c’est d’être capable d’être au planing et de gérer sa direction, au moins le pied avant dans le strap. On ne peut pas commencer la planche par le foil si on cherche à voler. Pour voler c’est très variable, certains y arrivent en un quart d’heure, c’est en fonction du vécu de chacun. D’autres au contraire peuvent mettre des heures à l’extrême. La moyenne pour voler sur un bord avec le matos actuel c’est une heure, une heure et demie. Plus t’es fin, plus tu progresses vite. Le gabarit est important, quelqu’un de léger est avantagé, le profil freestyleu­r vagueux a plus de chance de décoller vite et bien. Les slalomeurs ont plus de mal par exemple à s’adapter, par leur habitude de verrouille­r, l’ennemi du foil c’est de s’agripper à la voile, il faut naviguer plus debout sur le flotteur. Ce qu’il faut bien aussi savoir, c’est que physiqueme­nt, le foil est moins dur que le windsurf classique. Beaucoup moins exigeant passé la phase d’apprentiss­age où l’on est souvent crispé. Je conseille de faire un début encadré, on est dans la démarche progressiv­e. Si le mec n’a jamais fait de foil, on ne lui loue pas le foil, il faut au moins un petit briefing avec un encadrant ou un mec qui s’y connaît, lâcher quelqu’un comme ça, je ne le recommande pas, c’est bien mieux d’avoir quelques explicatio­ns. »

Avec quel type de foil dois-je commencer? >Éric Collard de Gliss Attitude: « Il y a des foils plus faciles que d’autres, le dilemme c’est que les plus faciles sont connotés plus débutant, et les gens ont peur d’acheter un foil qui ne soit pas adapté sur du long terme. À cette interrogat­ion je réponds que de plus en plus, les foils accessible­s peuvent être un investisse­ment pérenne pour ceux qui veulent faire une utilisatio­n freeride. Beaucoup de gens veulent trop vite avoir du matériel pointu, mon conseil, c’est, prenez votre temps. Aujourd’hui, même si en progressan­t ta nav va vers la performanc­e, le matos est facile à revendre, donc on peut basculer sur du matos plus pointu facilement. Mais on peut beaucoup progresser en restant en freeride, les gens ont peur de saturer à cause du matos, mais en réalité il y a de la marge. Du matos typé freeride correspond à des ailes épaisses qui apportent de la portance avec peu de vitesse, les accélérati­ons sont plus douces, autre caractéris­tique, c’est d’opter pour des modèles rigides. Le contrôle est plus facile. Les dernières génération­s freeride sont toutes très rigides, la plupart des marques ont compris. Il faut un peu désapprend­re ce que l’on a appris en fun. Il faut d’abord chercher à voler avant d’aller vite. »

Que risque-t-on en foil ?

>Bruno André l’homme qui a sorti le foil de l’eau en windsurf: « On risque de se faire plaisir ! On ne risque pas grand-chose en réalité. Comme dans toute nouveauté il y a cette appréhensi­on et on trouve des trucs genre la hauteur d’eau pose problème, on tombe de haut on se fait mal… mais franchemen­t il n’y a pas plus de risque qu’en planche normale. Des gamelles en planche à voile, on en prend depuis 50 ans, ça fait mal, ce n’est pas parce que tu es 1 m plus haut que tu te fais plus mal, une catapulte en slalom est bien plus dangereuse. Les profils de foils sont coupants mais souvent moins que la plupart des ailerons de slalom. Y a pas plus d’accidents qu’avant. Il ne faut pas voir le côté extrémiste de la discipline. Dans le vol pour se faire plaisir, comme vont le faire la grande majorité des pratiquant­s le risque est le même qu’avec une planche normale. Le conseil qu’il faut donner aux gens, c’est de ne pas oublier l’appendice dessous qui est nettement plus gros qu’un aileron, les ailes dépassent de l’arrière, même quand tu marches pour aller naviguer, il faut penser à ce volume, tu risques de mettre un coup de pied dedans. Comme pour le water-start il faut l’oublier, souvent on navigue sous-toilé, donc il faut sortir au tire-veille cela permet d’éviter de balancer un coup contre le foil. Il faut s’adapter à cet appendice, si tu es bien concentré y’a pas de souci. Il faut une combi pour se protéger les jambes. Les accessoire­s de sécu deviennent à la mode. On a peur de passer pour un blaireau si on met un casque, un gilet, une combi sur les jambes… Mettre de son côté toutes les chances de ne pas se blesser, c’est pas idiot. En vélo la question ne se pose plus, les mentalités ont évolué dans d’autres sports, pourquoi pas nous. Tout le monde appréhende le début, donc c’est bien de se sentir plus en sécurité. »

Est-ce que je peux adapter ma planche classique au foil ?

>Éric Collard : « oui on peut, mais c’est une solution temporaire qui répond aux premières sessions d’apprentiss­age très vite quand on progresse et qu’on se détend, il y a un réel intérêt pour le plaisir et la facilité à passer sur un flotteur dédié. La période de transition apparaît quand on commence à se mettre au harnais et à pousser sur les pieds. »

Avec quel vent mini puis-je espérer voler? >William Huppert: « Pour apprendre le windfoil il vaut mieux 15 noeuds de vent avec une voile un peu plus petite 6 m ou 7 m, cela permet de ne pas avoir à se préoccuper de la partie départ au planning mais seulement de la partie vol. Ensuite une fois qu’on prend l’habitude et qu’on monte en niveau, on peut aller chercher plus bas en plage de vent. Conclusion, le foil permet un gain dans le vent léger, mais pas lors de l’initiation. Après un peu de pratique, un rideur moyen peut voler avec 7 ou 8 noeuds seulement, c’est déjà un gain énorme. Après, quelques rideurs possédant un physique d’athlète et un très haut niveau technique peuvent décoller avec 5 à 6 noeuds moyens et espérer passer des molles de 4 noeuds. »

Puis-je faire du foil dans le vent fort? >Nicolas Huguet, compétiteu­r et entraîneur: « Oui, mais c’est moins marrant au-delà de 30 noeuds. Soit tu adaptes le matériel, soit tu adaptes le type de nav. Avec une petite voile et une petite planche, tu peux sortir dans tous les temps, mais avec du petit matos, ça guidonne et c’est trop puissant, du coup ce n’est pas très marrant. Mais au fil des ans on gagne en contrôle grâce au matos. Les foils typés freeride, comme ils ne vont pas très vite, on peut naviguer dans du vent fort sans trop se faire peur. »

LES CONSEILS DE PROS

> Bruno André : « Déjà, il faut essayer de ne pas être trop stressé, il faut se détendre et démystifie­r les premiers bords. Quand on découvre le foil, la traînée au démarrage est importante, elle ralentit et donne de la puissance à la voile. Du coup beaucoup de windsurfeu­rs rapprochen­t la main avant sur la voile, c’est l’inverse de ce qu’il faut faire. Les gens sont crispés et pensent être bordés, si tu recules ta main avant ton mat repart dans le bon axe et du coup il prend du vent tu peux ramener ta main arrière et border vraiment. Ça aide à partir. Ce phénomène de surpuissan­ce s’annule quand t’es en l’air, après tu n’as plus de puissance dans la voile, tu peux voler sans harnais pendant des heures. Il faut aussi prendre une taille de voile en dessous au début. Tu vas te faire exploser si tu surtoiles. Un facteur clef c’est de prendre du petit matos, avec une 5,5 tu sors avec moins de 10 noeuds. Aujourd’hui, la bonne fourchette pour se faire plaisir, c’est un vent autour de 8/18 noeuds avec une 6 m. »

>Thierry Lefevre : « Pour débuter je conseille de ne pas mettre de harnais, ça permet de désynchron­iser le haut du corps et le bas, il ne faut surtout pas naviguer en étant verrouillé. »

>William Huppert: « Pour débuter les conseils sont de naviguer très droit et non pas au rappel comme en aileron. Ça permet de garder la planche à plat et gérer l’assiette. Il faut aussi naviguer moins en puissance qu’en aileron, ça veut dire que quand tu es déjà en l’air, tu peux naviguer voile très ouverte et n’utiliser que 50 % de la puissance de la voile, ça permet aussi de se focaliser sur l’assiette du foil. »

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© Jean souville Éric Collard décolle sur son spot fétiche de Serre-Ponçon.
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 ?? © Jean souville ?? Session de test pour le mag, c’est confirmé, le matos progresse et le foil attire l’attention.
© Jean souville Session de test pour le mag, c’est confirmé, le matos progresse et le foil attire l’attention.
 ?? © Jean souville ?? En haut : attention en manipulant la planche, c’est là qu’il y a le plus de coupures.
© Jean souville En haut : attention en manipulant la planche, c’est là qu’il y a le plus de coupures.
 ?? © Jean souville ?? Ci-dessus : Bastien Escofet montre que même avec un foil on peut faire des choses incroyable­s en vagues. Gros back-loop dans un vent particuliè­rement nul.
© Jean souville Ci-dessus : Bastien Escofet montre que même avec un foil on peut faire des choses incroyable­s en vagues. Gros back-loop dans un vent particuliè­rement nul.
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 ??  ?? Ci-dessus : les formes des foils : typés race performanc­e à gauche et freeride freemove à droite. © Jean souville
Ci-dessus : les formes des foils : typés race performanc­e à gauche et freeride freemove à droite. © Jean souville
 ??  ?? En haut : Jibe en toute décontract­ion pour NIcolas Huguet à Serre-Ponçon. © Jean souville
En haut : Jibe en toute décontract­ion pour NIcolas Huguet à Serre-Ponçon. © Jean souville
 ??  ?? Ci-dessus : les planches spécialisé­es foil, à gauche pour de la race, au milieu polyvalent­e rapide, à droite pour un pilotage facile et ludique. © Jean souville
Ci-dessus : les planches spécialisé­es foil, à gauche pour de la race, au milieu polyvalent­e rapide, à droite pour un pilotage facile et ludique. © Jean souville
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 ??  ?? En haut : la course de foil dans le vrai baston de Costa Brava n’a pas laissé que des bons souvenirs. © John Carter/PWA
En haut : la course de foil dans le vrai baston de Costa Brava n’a pas laissé que des bons souvenirs. © John Carter/PWA
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Un premier slalom en foil testé sur la PWA, deux champions du monde de slalom attaquent. Le foil aura-t-il raison des gros gabarits ? © John Carter/PWA
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 ??  ?? Pour tous les âges, pour toutes les pratiques, le foil colonise de plus en plus de spots. Savines est le spot parfait pour s’éclater et progresser dans une brise légère. © John Carter/PWA
Pour tous les âges, pour toutes les pratiques, le foil colonise de plus en plus de spots. Savines est le spot parfait pour s’éclater et progresser dans une brise légère. © John Carter/PWA
 ??  ?? Vague ou freestyle, Balz Müller repousse les limites des discipline­s avec son foil. Il peut envoyer de grosses manoeuvres dans un vent ultra-light. © John Carter
Vague ou freestyle, Balz Müller repousse les limites des discipline­s avec son foil. Il peut envoyer de grosses manoeuvres dans un vent ultra-light. © John Carter

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