Israël en long, en large et en funboard
Qui connaît Israël? Vu de la planète windsurf hexagonale, nos connaissances du pays sont en général bien limitées ; Les projecteurs de l’actualité ont tendance à se focaliser sur un contexte géopolitique particulier. Mais si le pays hébreu est modeste par la taille, il possède de nombreux atouts, dont le windsurf. Et ça nous arrange. Notre trip est parti d’une rencontre avec le pro rideur Arnon Dagan, numéro un Israélien faisant partie du top 10 au classement Slalom PWA depuis plus de 10 ans. Arnon nous a invités Esteban de Cruz, Benjamin Augé et moi-même pour une virée en mer sur des rivages chargés d’histoires.
DU WINDSURF EN OR
L’état Hébreux est logé à l’extrême est du bassin méditerranéen, blotti entre la mer d’un côté et le désert de l’autre. Les 273 km de côtes sont soumises à des régimes de vents favorables mais changeants au fil des saisons. Entre les puissants thermiques l’été et les vents dépressionnaires l’hiver, la planche à voile a trouvé sa planche tout naturellement en Israël. Freeride, slalom, vagues, RSX, freestyle… il y en a pour tous les goûts. vue de France, on peine à imaginer l’engouement que peut susciter le windsurf ici. Mais indiscutablement, aujourd’hui, c’est devenu un sport apprécié par de nombreux locaux. 10 000 pratiquants, c’est une estimation, mais avouez que pour un pays de 9 millions d’âmes, c’est très respectable. Le windsurf a fourni quelques héros locaux. C’est la planche à voile montée par Gal Fridman qui a rapporté sa seule médaille d’or à l’État hébreu aux jeux olympiques de 2004. Aujourd’hui la filière olympique est très structurée et vraiment solides avec des rideurs très compétitifs comme Sahar Zubari (médaille de bronze au JO de 2008), Ofek Elimeleh, Maya Moris… On windsurfe, on surfe et on SUPe en Israël toute l’année. Beaucoup d’écoles accueillent un public nombreux surtout l’été, désireux de connaître les plaisirs du windsurf et du surf. C’est aussi l’endroit idéal en fonction des saisons pour apprendre à naviguer avec un personnel qualifié et des conditions de navigation appropriées. En 2003, la fameuse marque aux 2 taureaux a organisé en Israël à Haïfa une épreuve du Red bull Storm Chaser avec des conditions de navigation titanesques. Les creux approchaient les 8 mètres et ce n’est pas si rare dans la région. Cette épreuve qui devait être unique sera reconduite pendant 10 ans au regard de son succès.
EILAT À LA CROISÉE DES CHEMINS
Notre arrivée en Israël se fera à Tel Aviv. De nombreuses compagnies desservent la capitale économique, la plus amicale avec les board-bags étant Turkish Airline. Nous sommes partis de Nice avec une
compagnie low cost pour un vol direct de 3 h 30 et 3 boards bags de 32 kg (voir plutôt 42 kg). 100 km au nord et 1 heure de route après, nous arrivons à Haïfa, la Silicon Valley d’Israël. Google, Microsoft et bon nombre de World Compagnies sont représentées ici avec leurs bâtiments imposants. « Ici tout le monde navigue » me glisse Arnon. Entre midi et 14 heures ou après le boulot les Business Unit se vident et chacun se retrouve à l’eau pour partager une session. Les quelques gouttes qui tombent sur notre camp de base à Haïfa en février nous motivent à rejoindre l’autre spot emblématique d’Israël, Eilat. Eilat est situé à l’opposé du pays, tout au sud d’Israël. Ce sont 4 h 30 de route qui s’annoncent, le réseau routier et autoroutier est juste parfait, Netanya, puis Tel Aviv, le plus spectaculaire reste la traversée du désert du Negev, vaste étendue rocheuse. Vous croiserez peut-être quelques chameaux et antilopes qui y ont élu domicile. Vos plus belles photos seront bien sûr faites au lever et au coucher du soleil sur ces vastes étendues, l’arrivée sur le spot est toute aussi spectaculaire. Eilat marche toute l’année avec des vents variant entre 15 et 35 noeuds en fonction des saisons. Le vent qui descend de la vallée bénéficie d’un fort effet venturi l’été. Il est side, c’est le royaume du slalom, du freestyle, et du foil. Cet « entre-spot » remarquable marque la frontière entre 4 pays. En face c’est la Jordanie et la vieille ville d’Accaba. Un peu plus haut c’est l’Arabie Saoudite et à côté l’Égypte (Dahab est juste un peu plus bas). Le jeu des plus jeunes est de ramener du sable qui vient de l’autre côté de la frontière en évitant les garde-frontières, on doit virer normalement à 500 mètres des côtes ! L’ambiance est cool, de nombreux hôtels pour tous les budgets vous accueilleront avec toutes les formes de restauration. Des possibilités de location de matos pour ceux qui viennent les mains vides vous permettent de naviguer. De larges lits sont installés sur la plage pour occuper les non-pratiquants. La lumière à partir de 15 heures est juste sublime, l’ambiance et la navigation sont uniques.
DU SUD AU NORD.
Nous décidons de remonter au nord après ces 2 jours passés à naviguer full speed dans cet incroyable décor. Là aussi, nos 2 h 30 de route passeront très vite, car d’autres paysages sublimes nous mèneront à la Mer Morte. Stop obligatoire sur le retour, à mi-chemin se trouve la Mer Morte, l’endroit le plus bas sur terre ! La concentration hyperélevée de sel fait de cette petite mer un lieu de soin et de repos unique. Les berges sont entièrement cristallisées de sel, nos pieds s’en souviennent encore ! La seule consigne est de ne surtout pas ouvrir les yeux sous l’eau. Une fois immergé, c’est la grande flottaison, votre corps entier se retrouve en lévitation. Les touristes du monde entier viennent toute l’année pour connaître cette sensation unique. Retour tard dans la nuit à Bat Galim (littéralement la fille de la mer). Le lendemain s’annonce sans vent, moment idéal pour découvrir Tel Aviv. Après plus de vingt ans à parcourir les spots de la planète au travers de l’organisation de la PWA, Arnon signe aujourd’hui l’acte d’enregistrement officiel de création de sa marque de planche FUTURE FLY. Moment exceptionnel dans la carrière d’un coureur au palmarès bien fourni, 2 fois vice champion du monde, que nous ne manquerons pas de fêter plus tard dans la nuit, dans cette ville aux milles visages. Le quartier de Jaffa fera notre affaire pour la journée. On y trouve un mélange culturel juif et arabe qui fait de ce quartier une transition entre un mode de
vie moderne et un peu à l’ancienne. Le front de mer est un énorme spot de surf, avec de nombreux surf-shops et écoles de surf ambulantes. À la fin d’après-midi nous sommes rejoints par Arnon et Ilan son « associé », c’est la tournée des bars de Jaffa, des heures à nous remémorer nos plus belles navigations, Ilan à grand renfort de photos gardées précieusement sur son smartphone nous expliquera comment il a appris à Francisco Goya à tourner ses premiers front-loops ! Musique et ambiance cool au programme pour finir sur Rothschild Street où la fête bat son plein.
THE CHURCH.
8 heures du matin, mercredi, le vent souffle déjà à 25 noeuds. On arrive sur le spot nommé The Church (l’église). Une vingtaine de gars sont déjà à l’eau à ma grande stupéfaction. C’est l’équipe d’Intel, Arnon me dit qu’ils sont tous là, rejoints par d’autres à partir de 6 heures du matin, ils profiteront des conditions jusqu’à 10 heures, puis iront tous travailler dans la Silicon Valley d’Haifa. La journée passera très vite au travers de longs bords full speed ponctués de racing jibes bien acérés sous une lumière éclatante. Nous sommes invités le lendemain à découvrir la ville d’Akko par le service culturel de la ville. Cette ville comme beaucoup en Israël conserve les traces de 2000 ans d’histoire. Akko a été le port d’entrée des Croisés en route pour Jérusalem, maintes fois conquise puis reprise par les Ottomans. Le centre historique conserve des vestiges uniques de l’époque. Akko organisera l’année prochaine une étape de la coupe du monde slalom. À l’instar du Red Bull Storm Chaser organisé pendant des années à Haïfa elle compte bien bénéficier de l’engouement d’un public nombreux et d’importantes retombées médiatiques, pour faire connaître son patrimoine de
2000 ans d’histoire. Notre seul problème est que Jésus n’a jamais mis les pieds ici me confiera notre guide durant la visite! Le vent monte, il est temps d’abréger la visite, pour un retour au plus vite sur le spot de the Church. Un bon 2 mètres de vague nous attend déjà avec 25/30 noeuds, Arnon en 5.0, Babou en 4.6 et Esteban en 3.3. Au programme sauts et surfs toute la journée. Fronts, backloops et push-loops ponctueront cette session avec quelques beaux surfs bien appuyés. Fin de la navigation au coucher du soleil ; les conditions du lendemain s’annoncent solides !
BIG END
Dernière journée de navigation. le vent a forci pour dépasser les 35 noeuds, les vagues atteignent une bonne taille de mât. Nous remontons la route pour atteindre le prochain spot. La mise à l’eau se fait derrière le centre de recherche océanographique, Esteban, 14 ans, a le coeur serré, c’est du lourd, yala on y va !!! C’est le moment d’enquiller les rollers sur ces vagues bien formées, les gars se gavent de surf, session entrecoupée des quelques séances de natation dignes d’un entraînement olympique! Malgré ces grosses conditions le spot est peu dangereux. Hormis pour Babou, le reef ne coupe pas trop et laisse les vagues vous ramener sur une plage de sable. Pour varier les plaisirs, l’équipe décide de redescendre sur The Church histoire de finir le trip en enquillant de gros sauts et les dernières rotations. L’ambiance générale en Israël et sur les spots est très détendue et conviviale loin des péripéties d’une actualité parfois chargée. Vous voyagez tranquille, le coeur léger et profitez au mieux des conditions de navigation exceptionnelles. Le seul spot non couvert et non des moindres car il ne marche que du mois de mai à août est le lac de Tibériade ou « mer de Galilée ». Jésus aurait marché dessus et laissé la consigne de réserver son accès l’après-midi au Windsurf! Il peut y avoir plus de 200 personnes qui y naviguent! Tous les jours à partir de 14 heures c’est 25 noeuds garantis, une vraie machine à vent. Un incontournable si vous êtes en Israël l’été. Nous avons eu le droit à un dîner familial préparé pendant 2 jours par Monsieur Dagan père pour notre soirée de départ qui a ravi nos papilles. Tard dans la nuit, c’est le derushage des photos, tout le monde est d’accord sur celles qui illustreront notre aventure. En une semaine, nous avons pu traverser Israël du nord au sud, profiter de la diversité de ses spots, de son climat tempéré à chaud, en hiver, de découvrir une destination à l’histoire doublement millénaire et surtout partager notre passion avec une population ouverte et accueillante où le windsurf à l’instar d’Arnon Dagan, est en plein développement et où ce sport est résolument tourné vers l’avenir. Israël est bel est bien, la terre promise du Windsurf.