Le recyclage de vos combinaisons, c’est parti !
Soöruz invitait tous les défieurs de Gruissan, à déposer leurs vieilles combis afin qu’elles ne finissent pas en décharge. Rip curl faisait la même chose ponctuellement dès 2008 sur un contest de surf à Hossegor, mais l’action s’inscrit cette fois dans la durée : Il s’agit là du lancement d’une collecte à grande échelle auprès des clubs, écoles et shops afin de valoriser et réutiliser ce tissu moelleux, isolant mais difficile à recycler.
Le polychloroprène (ou néoprène) est potentiellement recyclable, toutefois la combi est un assemblage très élaboré de couches de mousse et de jerseys polyester collés. Le recyclage implique de pouvoir séparer ces tissus, or ça n’est malheureusement pas possible sans l’utilisation de solvants polluants et un surcoût rédhibitoire pour l’industrie. La marque charentaise Soöruz s’intéresse, comme quelques autres (Patagonia, Picture, Xcel…), à sa responsabilité environnementale même si elle n’en fait son fonds de commerce. Elle a établi un plan afin d’agir sur toutes les phases du cycle de vie, dont la mort de la combi. Car si on peut estimer à environ 3 kg eq CO2 les émissions liées à la fabrication et la vente d’une combi, sa fin de vie génère environ 1 kg. Avec un marché mondial annuel dépassant le million d’unités, toute économie est bonne à prendre !
PAS DE NÉOPRÈNE SANS PÉTROLE
Les alternatives au néoprène issu du pétrole et à celui du calcaire (le Limestone), probablement pas moins sale (voir Wind 368) peinent à percer le marché. Les Yulex et Naturalprene (en latex de guayle ou d’hévéa, voir Wind 404) restent confidentiels, quand ils n’ont pas disparu des catalogues, faute d’avoir pu rallier plus de fabricants et de consommateurs. Soöruz et son partenaire développent aujourd’hui une mousse à base de sève de canne à sucre et d’hévéa FSC, d’huiles végétales et de néoprène issu du calcaire des coquilles d‘huîtres finement broyées, une solution plutôt élégante dont nous reparlerons en temps venu. Le Limestone fait son retour en force dans la communication écologique de tous les fabricants. Cependant aucun Bilan Carbone n’a encore été divulgué pour confirmer qu’excavation, concassage, broyage, transport, chauffage de la roche à 1 700°, génèrent malgré tout une économie de CO2. Aussi nous nous abstiendrons de colporter cet argument. Les marques communiquent aujourd’hui aussi sur la réutilisation de vieux pneus dans la recette, sous forme de « noir de carbone ». Ce « carbon black » est un matériau de charge utilisé en général à hauteur de 5 %, qui participe à la consistance de la mousse et à sa protection contre les UV. On retrouve cette poudre dans à peu près tout ce qui est noir et en plastique. Le carbon black de pneu est obtenu par traitement
pyrolytique, c’est-à-dire chauffage à haute température sans oxygène, qui produit également de l’acier, des huiles et des gaz. Menée dans les règles de l’art, la pyrolyse peut générer peu d’émanations toxiques. Elle n’est en tout cas pas pire que la méthode traditionnelle, par combustion incomplète d’hydrocarbures et offre en plus un débouché à un déchet. Picture a remplacé sa gamme en latex (pour des questions de coûts) par un mélange limestone contenant jusqu’à 30 % de pneu.
OPÉRATION DÉFI WIND
250 vieilles combis de toutes marques ont été collectées à Gruissan pendant le défi. Elles ont déjà rejoint les milliers d’autres dans la machine à découper le néoprène rêvée par Soöruz. À défaut de pouvoir être facilement recyclé, le néoprène peut être réutilisé, mais cela n’a de sens que s’il remplace un matériau neuf polluant et surtout que le produit est utile. Condamné à la poubelle dans une échéance brève, comme l’est par exemple un bracelet, la démarche serait contre-productive, car elle aura coûté de l’énergie. Après séparation des zips aux ciseaux, les beaux panneaux sont affectés en interne à la confection d’oxymoroniques « goodies utiles », dont Soöruz fera des cadeaux: isolants pour boissons, pochettes, etc. Tout le reste est broyé en copeaux dont Soöruz ou des entreprises partenaires rembourrent les coussins et les poufs. En offrant une seconde vie à un déchet, ils évitent la fabrication de billes du polystyrène qu’on retrouve ensuite dans la nature, lorsque le pouf commence à fuir. Les Rochelais se sont engagés à en fournir 10 tonnes à un fabricant d’accessoires en voiles recyclées et ambitionnent de traiter 20 à 30 tonnes de combinaisons en 2021. Le patron, Yann Dalibot, nous confie vouloir recycler autant de combinaisons qu’il n’en produit dès 2023 malgré une rentabilité très hypothétique de l’opération. Soöruz a testé avec plus ou moins de bonheur de nombreuses voies : tapis de sol, granulats de terrains de foot synthétiques (pour remplacer ceux, toxiques, issus de pneus), la litière pour poneys… Ils explorent actuellement les pads et ponts de sup/surf et s’inspireront peut-être un jour des costards et blousons du biarrot Tom Combhard, assemblés en patchwork de néoprène usagé ou issu des chutes d’usine. Les chutes de l’usine de Soöruz en Asie sont envoyées directement chez son voisin, un fabricant de matériel de boxe, afin de garnir les sacs de frappe !
LA VIE AVANT LA MORT
Avant de songer déchetterie on peut aussi prolonger la vie. En effet, doubler la durée de vie de la combi divise son Bilan Carbone par deux et pour cela, il n’y a pas de secret, il faut de la qualité. Du bon tissu, de belles doubles coutures et la possibilité de réparer une combi abîmée. La question du transport semble pour l’instant sans réelle solution, dans la mesure où trop peu de clients sont disposés à payer le prix du made in France, d’autant plus que le savoir-faire et le néoprène se trouvent actuellement en Asie.
LES GRANDS ET LES PETITS
Les grands gabarits du calibre de Rip curl, Quiksilver, O’neil ou Billabong évoquent souvent l’environnement, mais ne proposent pour ainsi dire pas grandchose. Quel dommage. Sur le néoprène, ce sont les acteurs secondaires qui mènent le bal écologique, mais ils ne disposent pas d’épaules assez larges pour emmener jusqu’où ils le voudraient les gros fournisseurs tels le mastodonte Sheico, qui reste in fine le vrai décideur. Un expert nous confiait que le surcoût pour intégrer des composants plus écologiques, tels que des doublures en polyester recyclé et des colles à l’eau n’est que de 3 à 4 euros par combi, mais cela se chiffre à plusieurs centaines de milliers de dollars sur les volumes d’une grande marque, c’est beaucoup plus cher qu’un peu de communication et de greenwashing.
LES VOILES ET TOUT LE RESTE
En ce qui concerne le matos de wind, le recyclage est au point mort pour les flotteurs et les mâts. Le shaper écolo Notox déplore : « plus personne ne veut collecter un matériau aussi encombrant pour si peu de matière. Le composite est irrécupérable et les mousses sont considérées comme souillées ». Les voiliers sont en revanche très inspirés par les tissus de nos voiles et les kites aussi. La Voilerie de la Glisse à Brest travaille le néo et les voiles sur des housses à foils, des kits de rangement pour camions et même des pouf-bags à parapentes. Le monofilm tramé est tout indiqué pour une utilisation comme abat-jour élégant avec « j’ai cassé ma voile.com » à Vannes. Importer l’ambiance visuelle de sa voile préférée chez soi, c’est assurément un bon moyen de prolonger les sessions dans son salon sans en faire un dépotoir !