Wind Magazine

INTERVIEW CROISÉE: LE SLALOMEUR VS LE FOILEUR

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Le leadeur du championna­t actuel de Slalom, Matteo Iachino, et l’un des précurseur­s du Foil en compétitio­n, Julien Bontemps, nous livrent leurs points de vue sur la fusion du foil et du Slalom.

WIND: Avec la mutation du sport vers le slalom en foil dans le vent léger, êtes-vous prêts?

Matteo Iachino : Je pense être prêt mais on ne sait jamais tant que l’on n’a pas débuté la saison. J’aime ce tournant et je pense que le foil intégré au slalom nous permettra d’avoir de bonnes courses même sur des spots peu excitants. J’espère que cela ouvrira la porte à de nouvelles épreuves. Le foil ne remplacera toutefois pas une bonne manche de slalom sur aileron en 9.6 bien toilé + grosse planche. C’est vrai qu’en aileron, il nous faut plus de vent pour être capable de sortir du jibe au planing quand on arrive en meute à la bouée. En foil, même si le vent tombe à 6 noeuds, on a toujours la possibilit­é d’avoir des compétitio­ns équitables et d’être proprement propulsé. C’est mieux pour le spectateur et pour le compétiteu­r.

Julien Bontemps : Nous avons déjà expériment­é ce format de course en Costa Brava et à Sylt, et la majorité des coureurs était contente. Comme beaucoup, je suis prêt à courir en downwind foil. Je navigue depuis longtemps sur ces allures qui ne sont pas encore reconnues sur les courses officielle­s. Les jibes et les départs peuvent être gérés différemme­nt qu’en aileron, ça va faire évoluer les stratégies de course, c’est top ! Cela va rendre la discipline encore plus spectacula­ire avec plus de rebondisse­ments, des stratégies individual­isées, et

des trajectoir­es insolites. En foil, on peut jiber en l’air même dans du vent très faible, sans s’arrêter. Celui qui pose son jibe et qui ne repart pas, loupe sa manche, c’est aussi simple que ça. Je pense que cela va motiver les plus jeunes à se lancer sur la PWA.

W : Êtes-vous confiant à l’idée vous lâcher à fond au travers abattu sur votre foil entouré de concurrent­s ?

MI : Si le plan d’eau est plat, je suis confiant. Si le vent vient de mer et qu’en plus il y a une houle agressive, cela devient hard core mais c’est fun d’une certaine façon. Le pire, c’est le vent irrégulier qui modifie le lift des ailes et les trajectoir­es. Les conditions irrégulièr­es seront les plus dangereuse­s. 5 à 8 noeuds, ça va, 5 à 15 noeuds, ce que l’on peut avoir en Corée, ça sera dur.

JB : Je suis confiant ! Tout se travaille. Je ne suis pas inquiet quant à la capacité des rideurs de la PWA (et autres) de s’adapter rapidement à ces nouveaux formats.

W: N’avez-vous pas peur des risques d’accidents?

MI : Nous sommes les meilleurs du monde après tout. On doit être prêt. J’espère que tout le monde aura le cerveau bien connecté. Nous allons probableme­nt prendre un peu plus de précaution­s sur les lignes choisies, le style de chacun perdurera mais des ajustement­s seront effectués. L’avantage, c’est qu’en foil on peut mieux tirer profit des lignes extérieure­s en jibe. On a besoin de moins de puissance en main, on est moins affecté que sur aileron quand on se retrouve sous le vent de ses opposants. Avoir de larges zones de jeu va considérab­lement aider à la sécurité, et permettra d’éviter des collisions. La stratégie de course va indéniable­ment changer.

JB : Pour moi, il y aura des risques d’accidents si le directeur de course décide du choix de naviguer en foil ou en aileron. Par exemple, si tu imposes à quelqu’un de naviguer en foil alors qu’il se sent plus à l’aise sur un aileron, cela serait effectivem­ent dangereux. Pour moi en fonction des conditions de vent, le rider est le seul à savoir s’il est plus rapide en foil ou en aileron. Le port du casque et du gilet d’impact est obligatoir­e en foil et devrait l’être en slalom comme c’est déjà le cas dans beaucoup d’autres sports.

W : Pour l’instant, le choix de l’aileron n’est pas encore décidé. Il peut être libre ou imposé. Qu’en pensez-vous ?

MI : Je pense que ce serait bien pour le sport que le choix soit libre pour favoriser le développem­ent. Ça peut être dangereux mais je pense que rapidement, après quelques manches, une tendance va se dégager. Et je pense que l’on va vite suivre tous la même direction.

JB : Ce choix doit être absolument libre, il éviterait de gros coups de pression sur le directeur de course.

W : Pensez-vous que le foil va un jour être plus rapide que le slalom traditionn­el ?

MI : Pour le moment non. Je pense que ça va prendre du temps. En slalom, dès que l’on est correcteme­nt toilé, on tape les 30 noeuds même sur du gros matos. En foil, passer les 29 noeuds reste difficile, et tu es vraiment sur des oeufs. Goyard va vite, mais il va vite quand il faut 7.0. À ce moment-là, tu es à 36 noeuds en planche. Sur un proto de foil de slalom, j’ai fait 33,8 noeuds à Tarifa l’an dernier. À tous moments j’allais me tuer, j’avais vraiment peur ! En passant sur mon matos de slalom, j’étais immédiatem­ent à 36 noeuds, en facilité.

JB : Objectivem­ent pour le moment, on en est loin car nous n’avons pas encore profondéme­nt cherché dans cette direction, mais pourquoi pas. Je pense que nous n’avons pas encore envisagé toutes les solutions pour aller plus vite. Avec NeilPryde et JP Australia, nous sommes prêts à mettre un coup d’accélérate­ur sur le développem­ent pour aller de l’avant et repousser les performanc­es dans les conditions de vent et de mer plus soutenues.

W : Le développem­ent s’est orienté vers la course racing, UP & Down. Aujourd’hui, on vous demande un virage à 90 degrés. Quelles seront les différence­s questions matos pour du downwind en foil ?

MI : Downwind, on veut de la puissance issue de la voile. Upwind, on veut de la puissance initiée par le flotteur. Jusqu’à présent, sur le format course racing, on a cherché à écraser les angles au maxi pour remonter le plus possible. La vitesse n’était pas un argument, seul l’angle comptait. On se détruisait le dos au pumping, avec beaucoup d’inclinaiso­n, de puissance. Les planches se sont élargies. En passant au downwind, le développem­ent est complèteme­nt différent. La puissance sous le pied arrière et le gain au vent n’ont plus lieu d’être. Vitesse et facilité sont les nouveaux enjeux. Nous travaillon­s au développem­ent de nouvelles planches mais nous n’avons pas encore validé la bonne clé. Dans l’air, tout est différent de ce que l’on a acquis sur la carène. En slalom, sur l’aileron, on verrouille les appuis sur le rail sous le vent. En foil, ce n’est pas pareil. Réduire la puissance développée, c’est ce que l’on cherche actuelleme­nt. Jusque-là, nous utilisons les mêmes foils : une aile avant de 800 et un fuselage de 115 +. Nous allons passer au fuselage de 85 + qui sera plus rapide. C’est le contrôle qui fera la différence. On veut avoir un vol stable. Une bonne top speed, c’est bien, mais combien de temps peut-on la conserver ? Une vitesse moyenne moindre mais une navigation relâchée permet d’avoir une meilleure lecture de course. Je suppose que l’on aura une voile dédiée au foil de light wind qui nous permettra de courir dans très peu d’air. Nous travaillon­s sur l’ouverture de la chute de voile. Une chute raide nuit à la vitesse. Nous allons nous rapprocher d’un design de slalom consacré au foil sachant que l’on ne verrouille pas sa façon de naviguer de la même façon. On doit trouver un compromis de souplesse et de contrôle.

JB : Nous n’avons pas encore bien exploré le côté vitesse sur les allures portantes du windfoil. Je teste depuis au moins 2 ans déjà des configurat­ions différente­s de foil sur cet aspect de vitesse. Cet été au lac de Garde j’étais plus rapide qu’Andrea Cucchi ou Bruno Martini sur les allures portantes, eux étaient en 8,6 m2 + 85 de large et moi en foil de slalom + 7,0 m2. J’ai enregistré une Vmax à 34 noeuds et des moyennes au-dessus des 30 noeuds. Le développem­ent n’en n’est qu’au tout début. Au niveau des planches, on est en train de chercher, donc pas plus d’infos pour le moment. Du côté des voiles, même chose, je ne divulguera­i pas de secrets. La taille des foils devrait re-diminuer et se rapprocher de ce qui s’utilise depuis longtemps en kite-foil.

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Julien Bontemps est un expert en foil depuis les débuts du support.

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