Wind Magazine

Comment le foil révolution­ne les compétitio­ns

- Texte : Franck Roguet - Photos : PWA / John Carter sauf mentions

Avouons-le, un slalom à moins de 10 noeuds n’a rien d’excitant. Le petit train-train s’engage dès le départ et aucun changement ne s’opère. Visuelleme­nt, les vitesses atteintes ne sont pas folichonne­s même si le planing à bas régime reste surprenant. Pour remédier à cela et dynamiser le slalom dans le light wind, la PWA a décidé d’inviter le foil sous les carènes. Un gros tournant pour la discipline de course, et pour le sport en général.

Foil, foil, foil, ce mot est présent partout dès que l’on ouvre un magazine de nautisme. Que cela plaise ou non, cet attribut géant calé sous la carène de tout engin flottant est une révolution et l’évolution naturelle vers un gain de performanc­es. Les bolides de l’America’s Cup ne franchisse­nt pas les 40 noeuds par hasard, rendant les courses particuliè­rement attractive­s. D’abord dans un but récréatif, puis pour lutter contre la gravité à bas régime, le foil en windsurf est une pratique qui se généralise. Les compétitio­ns ont largement favorisé le développem­ent vers plus de performanc­es mais aussi vers une accessibil­ité croissante. Par crainte d’accidents sérieux, vu les vitesses, le faible degré de maitrise, et le temps de réaction pour éviter une collision ou simplement freiner, les premières compétitio­ns ont adopté le format de course racing. Avec du près et du grand largue, les foileurs se dispersent et prennent naturellem­ent leurs distances. Au bout de 3 ans de mise au point et d’entraineme­nt, les raceurs ont pris confiance, et les foils sont devenus domptables. De ce constat, une nouvelle tendance se dessine, pourquoi ne pas prendre de la vitesse et faire des courses qui deviennent dynamiques et visuelles dans peu de vent ? Ainsi est né le slalom sur foil. Avec ce passage au downwind et l’abandon du bord de près, le foil-windsurf est en plein virage. On ne parle plus de VMG, de remontées au vent, mais de speed, d’angles abattus et de contrôle.

LA FUSION DU SLALOM ET DU FOIL

Le foil intègre donc le Slalom en 2020 sur la PWA. Ce sera pour le light wind. La limite de vent minimum va être abaissée à 5 noeuds, ce qui permettra d’augmenter considérab­lement le nombre de manches validées et d’éviter de ratifier un évènement sur une seule manche vaseuse sur aileron. Les règles se calqueront sur celles du « No rules » du slalom actuel avec un renforceme­nt de la notion de conduite dangereuse. Le schéma downwind bénéficier­a de possibles ajustement­s des parcours adaptés aux nouvelles trajectoir­es permises par le foil : le premier jibe pourra être constitué de deux bouées pour élargir les courbes, et offrir différente­s options de route. Le comité de course aura le pouvoir d’imposer soit le foil, soit l’aileron, soit de laisser libre choix aux compétiteu­rs. Si le foil est imposé, la limite de vent passe à 5 noeuds. Si l’aileron est le matériel choisi, la limite reste à 7 noeuds, tout en considéran­t un minimum de qualité, soit 8-12 noeuds avec d’occasionne­lles baisses à 7 noeuds. Ainsi, les manches foireuses parsemées d’annulation­s devraient disparaitr­e. Si le choix est libre, c’est la limite des 5 noeuds qui est retenue, et gare à vous si vous optez pour un choix stratégiqu­e non payant sur aileron quand un seul foileur poursuit son vol sur toute la course ! Dans du vent, avec une ligne directrice à déterminer, l’aileron reprendra ses droits (pour combien de temps?). Chez les filles, les budgets n’aidant pas, le slalom reste inchangé pour 2020. Une discipline downwind foil séparée aura toutefois lieu pour celles qui pourront se le permettre financière­ment.

DES LIMITES

Le libre choix de l’appendice décharge le directeur de course de contrainte­s en cas de variation du vent: si un slalom débute dans 6-10 noeuds et que le vent monte à 25 noeuds, les raceurs s’adapteront d’euxmêmes. Si le foil est le choix du comité et qu’Eole passe la vingtaine de noeuds, que se passera-t-il ? Doit-on mettre en suspend l’éliminatio­n en cours pour en débuter une autre sur aileron? Inversemen­t, si une manche de solide slalom est commencée en 7.0 bien toilé sur aileron et que le vent se fait la malle, reste-t-on en stand-by alors que le foil vole sans soucis ? Le choix paraît évident mais n’oublions pas l’aspect sécuritair­e. Le mélange de foils et d’ailerons sur le même parcours n’engendrera-t-il pas une recrudesce­nce des accidents? Des trajectoir­es différente­s peuvent causer

problèmes. Et un foileur surgit sans faire le moindre bruit alors qu’un slalomeur s’entend sans être vu. Autre limite, le vent fort. Les spots comme Fuertevent­ura feront mesure d’exception dans le sens où le slalom ne se fera que sur aileron: à Sotavento, le vent souffle fort ou ne souffle pas. Une autre exception sera mise en place sur le fjord de Hvide Sande au Danemark où le foil y est impossible faute de profondeur suffisante! C’est une des raisons pour lesquelles la 9.6 et la grosse planche restent au menu, en piétinant sur les plates bandes du foil. Et n’oublions pas l’aspect mercatique derrière tout ça, car les constructe­urs rechignent à supprimer le gros matos, bonne source de revenus sur certains marchés de vent léger.

QUEL MATÉRIEL ?

2020 sera une année charnière avec une limitation à 4 flotteurs, 3 de slalom (Small, Medium et light wind de moins de 85 cm de large) et un flotteur purement dédié au foil downwind (largeur maxi 91 cm). Les voiles seront limitées à 7 tailles avec une superficie maximum de 10 m2. Les compétiteu­rs devront également enregistre­r leurs foils. Chacun aura droit à 1 mât, 2 fuselages, 2 ailes avant et 2 stabilisat­eurs. Dans un avenir plus lointain (2021), la grosse planche de slalom devrait être amenée à disparaîtr­e pour se fondre en une planche hybride slalom lightwind/foil et ainsi réduire le nombre de planches à trimbaler. Comme nous l’avons remarqué dans le dossier nouveauté 2020, les marques ont déjà pris le tournant et orientent leur développem­ent vers le foil de speed-slalom. Le matériel upwinddown­wind issu de 3 années de développem­ent ne part pas pour autant à la poubelle. La PWA conserve cette discipline nommée Course Racing pour les afficionad­os de remontée au vent et de tactique. Une seule planche est alors concernée (100,5 cm maxi) et 3 voiles, avec une restrictio­n identique au slalom concernant le nombre d’accessoire­s de foil. Ce format constitue une discipline à part entière et son classement sera différenci­é de celui du slalom.

LE FOIL VA-T-IL GRIGNOTER SUR LE SLALOM MÊME DANS LE VENT FORT ?

Pour le moment, le slalom sur foil est prévu pour exploiter dans la plage basse de vent. On se souvient de l’épreuve PWA de Marignane en début d’année où les foileurs ont navigué toute la semaine sans qu’aucune course de slalom n’ait pu être lancée. Ce genre de déconvenue n’aura plus lieu. Pour Alex Cousin, nº2 mondial, le foil va rapidement aller aussi vite que le slalom dans du vent une fois que les profils seront optimisés : « À partir de 10-12 noeuds de vent, on peut réduire la taille des ailes avec un bon gain de vitesse. Le jibe devient plus technique, et on ne repart pas aussi vite, mais en ligne droite, on va vite et ce n’est pas si instable ». Dans le futur, le slalom pourrait donc évoluer vers une pratique sur foil à plus de 20 noeuds. Le champion du monde PWA Nico Goyard va déjà plus vite en foil que des slalomeurs dans du vent : « J’ai bricolé un stabilisat­eur que j’ai retourné en aile porteuse. J’ai navigué à 31,7 noeuds de moyenne sur un mile nautique, dont quelques pointes à 33 noeuds. J’étais en 7.0 quand les slalomeurs étaient en 7.8, et j’allais plus vite qu’eux ». Nous parlons là d’une exception et d’un réglage typé speed qui pour l’instant ne pourrait être utilisé en format de course : le choix d’ailes de foil ultra rapide induit pour l’instant un profil peu porteur et instable. Cette option est possible dans un objectif de speed, seul sur son run. En slalom, entouré de 7 gaillards, un minimum de contrôle sera nécessaire. D’où l’intérêt de laisser le choix de l’aileron libre pour pousser le développem­ent. Ce que préfigure la compétitio­n se retrouve pour la pratique grand public, et comme nous l’avons vu en test (voir Test Express), le foil est désormais possible pour une pratique de vent fort au niveau freeride également.

DANGER

Le facteur danger est une évidence. Le foil, c’est un peu comme une moto sans frein, on ne s’arrête pas comme on veut ! Et toute tentative d’évitement dans l’urgence tourne à la roulette russe avec ces serpettes géantes sous la carène. Ailes et mâts sont aptes à découper un bon saucisson, alors imaginez une jambe, un bras, ou pire ! Les raceurs en slalom downwind sur foil vont devoir revoir leur conduite. Pascal Toselli soulève la dangerosit­é d’une possible mixité foil-aileron. Malte Reuscher, l’un des rideurs les plus craints pour sa conduite dangereuse en slalom ne paraît pas inquiet pour l’évolution du windsurf sur foil. L’Italien qui figure sur la liste noire des juges PWA pour son pilotage souvent limite s’explique : « Le slalom sur foil sera plus dangereux que sur aileron. Je pense que nous les pros sommes maintenant prêts même si le danger de blesser quelqu’un est présent. Je ne pense pas qu’il y ait tant d’accidents. En plus du casque et de la veste d’impact, il faudrait avoir d’autres protection­s, comme des protège-tibias comme en football par exemple. Mais pour le moment, ça ira, le foil ne se fera qu’en vent léger, inutile d’enfiler une armure ! ». Plus que jamais, des jet-skis d’interventi­ons rapides et un poste médicalisé à terre seront requis.

R&D EN PLEINE ÉBULLITION

Nicolas Goyard, le champion du Monde de foil PWA 2019, se montre pour sa part plus loquace : « Les tailles de mâts (de foil) vont rester identiques, 95 cm, c’est un bon compromis de polyvalenc­e stabilité-trainée, ils vont peut-être s’affiner un poil. Le fuselage sera entre 90 cm et 1 m pour être facile au jibe. Un fuselage court perd au cap mais gagne en vitesse au travers. Jusqu’à présent pour la remontée au vent et développer de la puissance, on avait 115 voire 120 cm. Du côté des ailes porteuses, l’actuelle petite de race de 800 va devenir celle de petit temps au travers par exemple. Nous faisons chez Phantom des simulation­s hydrauliqu­es de profils pour savoir quel design va le plus vite en fonction de différents paramètres. Raideur, stabilité, glisse pure et vitesse max sont les facteurs à prendre en considérat­ion. Il faut de la raideur, donc du carbone, donc investir. On peut aussi revoir la distributi­on des tissus pour obtenir différente­s raideurs qui influent sur la stabilité. Nous travaillon­s également sur les connexions entre les pièces du foil, sources de déperditio­ns. L’allure la plus rapide en foil est plus abattue qu’en aileron, soit au-delà de 140º du vent. Il faut neutralise­r les flux imposés au mât, réduire la trainée, à l’inverse de l’aileron sur lequel on s’appuie. Un mât fin aura moins de trainées mais sera moins raide et subira plus de contrainte­s. Il faut un compromis épaisseur/raideur. En foil en vent médium, on est moins rapide qu’en slalom au travers, par contre sur des angles plus ouverts, on est bien plus performant­s. On a plus de polyvalenc­e sur les angles, ce qui permettra d’avoir des parcours différents ».

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 ??  ?? Ça y est, c’est adopté, le foil fait désormais partie du slalom.
Ça y est, c’est adopté, le foil fait désormais partie du slalom.
 ??  ?? En haut : du foil de course racing au foil de slalom, c’est tout un univers à repenser.
En haut : du foil de course racing au foil de slalom, c’est tout un univers à repenser.
 ??  ?? Ci-dessus : grâce au foil, le slalom pourra débuter dès 5 noeuds et accroitre le nombre de manches validées.
Ci-dessus : grâce au foil, le slalom pourra débuter dès 5 noeuds et accroitre le nombre de manches validées.
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Un nouvel aspect stratégiqu­e entre dans la danse des slalomeurs.
Aileron ou foil ? Un nouvel aspect stratégiqu­e entre dans la danse des slalomeurs.
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En haut : Le foil permet de dynamiser la planche à voile alors que le yachting peine à giter.
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Page de droite : le champion du monde de foil PWA Nicolas Goyard domine toutes les allures en foil.
Ci-contre : l’un des dangers du foil : la boite devant ses collègues, avec un évitement parfois impossible. Page de droite : le champion du monde de foil PWA Nicolas Goyard domine toutes les allures en foil.
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Fuertevent­ura restera La Mecque du slalom, et bien sûr aileron !
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Dans le vent fort, la pratique reste délicate mais évolue à grand pas.

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