Mieux connaitre les algues
Les algues font l’actualité de certains spots en été. Tantôt catastrophes naturelles, parfois désastres industriels, les algues offrent aussi et surtout de sacrées opportunités. Il nous semblait judicieux d’en parcourir la palette afin de distinguer la bonne algue de l’ivraie.
LES MATTES DE POSIDONIES
Ces herbes marines, qui ne sont pas des algues, stabilisent les sédiments sur les fonds méditerranéens et contribuent ainsi à la limpidité de l’eau. Lorsqu’elles se détachent elles viennent former de grosses mattes sur l’estran, épaisses parfois de plusieurs mètres. Ça pue, ça grouille de vie et c’est très pénible à traverser, c’est cependant un dispositif essentiel de la protection des fines plages méditerranéennes contre l’érosion. Certains herbiers forment des structures comparables à des récifs coralliens, dotés de rôles comparables de protection de la côte mais aussi d’une fonction écologique : les herbiers sont les nurseries de très nombreux poissons. Ils sont menacés par les ancres des bateaux, les algues invasives et par les barrages en rivières, qui empêchent les sédiments d’arriver en mer.
LES ALGUES VERTES
La star de l’été est assurément la laitue de mer, ulva, surtout connue pour ses blooms en Bretagne: les marées vertes. Il s’agit d’une algue innocente qui peut même être mangée. Cependant lorsque les eaux sont trop riches en nutriments (eutrophisées), elles se multiplient en grandes quantités et s’échouent en tas sur les plages. Leur décomposition anaérobie libère de l’hydrogène sulfuré mortel en quelques minutes. Si vous voyez des tas d’algues desséchées (qui virent couleur sable), ne touchez à rien et ne traînez pas ! Les coupables sont connus, il s’agit de l’élevage intensif, du lobbying agricole de la fnsea, de l’état complaisant et in fine du consommateur avide de cochon industriel. Précipitez-vous sur la BD-enquête passionnante d’Inès Léraud « algues vertes, l’histoire interdite », un best-seller, un roman noir, qui soulève de graves questions quant à la prise en compte de ce danger contre lequel les autorités se cantonnent encore trop sur le curatif. Cette année le « killer slime » fut précoce et abondant et a fait parler de lui lorsque l’usine de traitement de Lantic dut fermer, submergée par les odeurs d’algues et de vase. Une autre vedette que nous avons déjà évoquée en Méditerranée est l’invasive Caulerpe. Sans qu’on se l’explique, la taxifolia a cessé de proliférer il y a dix ans et ne montre pas de recrudescence, tandis que cylindracea (ex-racemosa) poursuit sa razzia sur les herbiers. On ignore encore si les canicules marines de ces deux derniers étés auront un effet délétère sur cette espèce dont les origines tempérées au SW de l’Australie ne la prédisposent pas à de telles températures.
LES ALGUES BRUNES
Peut-être avez-vous déjà observé dans le sol près des spots bretons ou même méditerranéens des fours à goémon (ou varech)? Les algues laminaires et fucales, pêchées ou ramassées sur l’estran y étaient cuites, afin de faire de la soude (carbonate de sodium), utilisée pour la fabrication du verre et du savon, pour blanchir le linge et dégraisser la laine. Aujourd’hui les algues brunes sont pêchées industriellement ou cultivées pour plusieurs types d’usage : agar-agar, alginates et carréghénanes sont des gélifiants très prisés de l’agroalimentaire, mais on utilise aussi les phénophycées dans des usages industriels, médicamenteux et bien sûr agricoles pour amender les sols. Les cultures d’algues sont très développées en Asie et dans certains lagons. Les jeunes pousses sont simplement fixées à des cordes immergées. C’est une agriculture qui doit se dispenser d’engrais et de pesticides et lorsque les monocultures sont attaquées, il n’y a plus grand-chose à faire. À Zanzibar les petits producteurs traversent de grandes difficultés, vraisemblablement en raison du changement climatique qui diminue le rendement et la qualité des algues. En France, 99 % de la production est pêchée ou ramassée sur l’estran. On croise de-ci de-là quelques champs, qui génèrent parfois des problèmes de cohabitation. Verra-t-on après les innombrables parcs à huitre, fleurir les champs d’algues? La cour d’appel a autorisé cet hiver un projet de culture sur 187 ha à Moëlan-sur-mer, contre lequel pêcheurs et plaisanciers ont combattu vigoureusement. Les algues brunes peuvent à certains endroits être surexploitées, mais elles sont parfois aussi invasives. Les massifs coralliens fragilisés peuvent être submergés par les phénophycées. On peut aussi parler de submersion pour une autre algue brune bien connue des Antillais…
LES ALGUES BRUNES DES SARGASSES
Les plages antillaises ou mexicaines n’en finissent plus d’être envahies par les algues brunes flottantes Sargassum natans et fluitans, probablement sous l’influence des nutriments charriés par l’amazone. Impossible de naviguer (voire de respirer) dans des spots recouverts de 1 m d’algues. Nous avons récemment consacré un article à ce sujet et aucune nouvelle solution miracle n’a émergé depuis, il faut donc les ramasser avant qu’elles ne se décomposent en dégageant du sulfure d’hydrogène,
comme les algues vertes. Des Américains en font de la bière et des Français du bioplastique pour des lunettes, des emballages, des urnes funéraires… ou encore des coussins pour cochons encagés.
ALGUES ROUGES
Vous connaissez peut-être mieux l’algue rouge Nori dans vos assiettes de sushis ou makis que sur les spots, ce sont pourtant des algues très communes, visibles dans la moitié nord de la France. Elles poussent à faible profondeur et ne sont pas tellement rouges, plutôt violettes. On parle parfois aussi de marées rouges, mais celles-ci n’ont pas de rapport avec les macro-algues. Elles sont dues à une coloration par des algues microscopiques de type dinoflagellées, qui prolifèrent naturellement lorsque la température de la mer et l’ensoleillement sont couplés à un faible courant. Cela étant dit, mieux vaut éviter d’y barboter, car parmi les espèces susceptibles de provoquer ces marées, une centaine est toxique (ex : Karenia brevis).
ALGUES BLEUES ET PHYTOPLANCTON
Il ne s’agit en réalité pas d’algues mais de cyanobactéries. Elles réalisent la photosynthèse et ce sont elles qui ont permis l’oxygénation de l’atmosphère primitif. Elles peuvent vivre dans tous les milieux. Depuis les années 50, elles envahissent par bloom les plans d’eaux français, boostées par les nitrates et les phosphates balancés dans la nature. Le problème est qu’une quarantaine parmi les 2 000 espèces connues produisent des toxines potentiellement dangereuses. Des chiens qui jouent dans l’eau stagnante un peu colorée de marron, ou irisée comme avec des huiles en meurent régulièrement. Les sports nautiques sont interdits quand les algues bleues prolifèrent sur les spots d’intérieur car le simple contact avec les aérosols suffit à provoquer vomissements, diarrhées et irritations. 76 patients d’un hôpital brésilien sont morts d’en avoir bu en 1996. Cependant tout n’est pas sombre: bien d’autres algues bleues sont extraordinaires. Au premier rang desquelles la Spiruline dont on fait un complément alimentaire très riche. Parmi les microalgues qui constituent le phytoplancton, certaines ont une capacité à produire rapidement beaucoup d’huiles et suscitent beaucoup d’espoirs pour en faire des biocarburants. Les progrès sont toutefois lents et les techniques de production en bioréacteur sont aujourd’hui tout sauf compactes et sobres en énergie. Du côté obscur, il y a notamment les microalgues Ostreopsis ovata, qui donnent de la fièvre aux planchistes, ou Gambierdiscus toxicus, responsable de la ciguatera.
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