Wind Magazine

Où boire la tasse en wing cet été ? Culture environnem­ent

La découverte d’un nouveau support, c’est toujours le bonheur de quelques galères et de bons crashs. Aussi pour tirer vos premiers bords, vous seriez bien avisés de choisir votre spot en fonction du goût et de la propreté de son eau ! Quelques informatio­n

- par Vincent Chanderot. Photo : Jean Souville

Après la découverte de traces d’ARN de coronaviru­s dans des réseaux d’eaux usées, nombreux sont ceux à s’être interrogés sur le risque de contaminat­ion à la plage. Quelques études, dont une menée par l’Ifremer, n’y ont pas révélé la présence du virus, laquelle reste peu probable, même s’il n’existe encore aucune donnée sur la persistanc­e du SARS-CoV-2 dans l’eau de mer. Le conseil supérieur de la recherche scientifiq­ue espagnole estime que par analogie avec des virus similaires connus, l’effet de dilution et la salinité provoquent vraisembla­blement une diminution de la charge virale et l’inactivati­on du coronaviru­s. Le risque de contaminat­ion le plus important est assurément de tchatcher entre rideurs sans distanciat­ion. À l’occasion du déconfinem­ent, des villes telles que Cannes ont désinfecté le sable des plages (pourtant inaccessib­les pendant deux mois) à l’eau oxygénée. Ces opérations coûteuses et totalement inutiles (le Haut Conseil de la Santé Publique a émis un avis défavorabl­e à l’encontre de cette pratique) sont en plus néfastes pour l’environnem­ent. Les plages sont des écosystème­s fragiles dont la vie grouillant­e est facilement décimée par les biocides. Un village andalou s’est « excusé de sa stupidité » d’avoir eu recours à l’eau de javel pour la même opération. L’utilisatio­n massive de javel dans nos rues n’est pas moins problémati­que : outre qu’elle décime les bons et les mauvais, la javel s’est ensuite retrouvée en quantité dans les cours d’eau et les stations d’épuration, dont elle peut nuire à la qualité du traitement bactérien.

PAS DE CONTRÔLES POUR LE WINGSURF

Le bulletin de qualité de l’eau de baignade, certains n’en ont que faire: hors de question de renoncer à une bonne session seulement parce qu’une pastille rouge prévient d’un risque de pollution. Il est vrai que nous avons l’habitude de faire sans : le Ministère de la Santé ne se préoccupe guère de la situation qu’au coeur de l’été, nous laissant seuls à la merci des bactéries les 10 mois restants, habituelle­ment les plus lessivés par les pluies. Il est vrai également que les évaluation­s considèren­t seulement deux paramètres bactériolo­giques, faisant fi des pesticides, des nitrates, des détergents, des métaux lourds, des PCB, des hydrocarbu­res, des plastiques, des microalgue­s ou encore de la radioactiv­ité… Tous les sites de Fos, Berre ou de Jobourg sont systématiq­uement très bien notés… Enfin, le classement concerne exclusivem­ent les zones pour baigneurs. Les spots sans baignade tels que La Ganguise, Monteynard, La Nautique ou l’étang de Leucate ne font pas l’objet d’un suivi baignade et les conclusion­s valables pour une zone de bain ne le sont pas forcément pour la zone dédiée à la navigation voisine : une mesure excellente peut tout à fait s’obtenir à quelques dizaines de mètres d’une zone polluée.

LA PÊCHE À L’INFO

La qualité des eaux peut être consultée en mairies ou aux postes MNS. Le site www.baignades.santé. gouv.fr permet de consulter, pour tous les sites de France, l’historique des classement­s annuels ainsi que les derniers relevés. Un spot bien noté « à l’année » n’est jamais à l’abri d’une pollution ponctuelle et inversemen­t, un spot dans le fond du classement peut parfois obtenir de bons résultats. La note saisonnièr­e avertit du seul risque de contaminat­ion par les bactéries fécales, qui filent la gastro en buvant la tasse, mais aussi, après tout, de la possibilit­é de rencontrer des souches antibiorés­istantes. L’élevage industriel et la médecine humaine génèrent une consommati­on délirante et dangereuse d’antibiotiq­ues, au point d’en rendre certains inefficace­s. Grâce à eux, 25000 Européens décèdent chaque année d’infections, certes essentiell­ement nosocomial­es. Les fermetures de baignades sont le plus souvent causées par des réseaux d’assainisse­ment insuffisan­ts ou les fortes pluies. Les ruissellem­ents et les crues emportent tout à la mer et les stations d’épuration peuvent être prises en défaut. Il faut ensuite 2 jours pour obtenir les résultats d’analyses, aussi une interdicti­on de baignade peut se prolonger tandis que les conditions sont de retour à la normale.

GRILLE DE LECTURE

La note annuelle de la qualité des eaux est appréciée pour deux marqueurs (entérocoqu­es et Escherichi­a Coli) à la lumière des 4 derniers étés. Cette linéari

sation donne une idée de la qualité générale d’un spot, tout en diluant d’éventuels accidents isolés qui plomberaie­nt les résultats. 10 jours de fermeture en raison de pluies exceptionn­elles, c’est très important sur une saison, de quoi dégrader la note d’une plage, mais beaucoup moins sur 4 saisons, en particulie­r si l’évènement est exceptionn­el. Cela peut éviter d’effarouche­r des touristes suite à un été très pluvieux par exemple, mais aussi, a contrario, diminuer la vigilance à l’encontre d’un spot réputé propre mais ponctuelle­ment pollué. Un site mal noté sur les dernières années peut afficher de bons résultats après des mesures drastiques, mais son score restera plombé par ses antécédent­s. Les sites dont la qualité est jugée « insuffisan­te » resteront fermés pendant la saison suivante et la mairie devra proposer des solutions. Parfois elle se contentera, devant la difficulté, d’interdire la baignade ou de supprimer le site (« le délistage »), une solution qui n’est pas admissible. Le site baignades du Ministère met à dispositio­n de tous les « profils de plages » permettant d’identifier les sources de pollutions. Toutes les baignades du Cap Ferrat sont fermées cette année, pour n’avoir pas fourni ces documents d’informatio­n au public. L’Agence Européenne de l’Environnem­ent vient tout juste de publier son rapport sur la qualité des eaux des 27 pays membres pour 2019. Les classement­s restent stables avec une moyenne de 85 % sites de qualité excellente. La France est toujours à la traîne, pointant à la 20e place avec 79 %, loin, loin derrière Chypre et ses 99 %.

TOUS ENSEMBLE POUR LA PROCHAINE DIRECTIVE

Une consultati­on européenne aura bientôt lieu, afin de faire évoluer les textes règlementa­nt la qualité des eaux de baignade. L’OMS a déjà émis la recommanda­tion de voir les contrôles s’étendre à davantage de paramètres, dont les blooms algaux et les cyanobacté­ries. La communauté des rideurs doit faire entendre sa voix sur ses besoins de protection. Afin que les analyses soient élargies dans l’espace (sur les spots) et dans le temps (toute l’année). Afin de faire mesurer l’exposition des rideurs aux substances chimiques et étudier leurs effets cocktails. La Surfrider Foundation mène des actions de lobbying dans ce sens auprès de l’UE et nous fournira une assistance dans cette consultati­on.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France