ALEX AGUERA « LET’S GO FOIL! »
Certains de nos lecteurs issus du windsurf connaissent probablement déjà ton nom et se souviennent peut-être aussi de ton numéro de voile : US 151. Mais comment es-tu venu à la planche à voile ?
J’ai grandi à Clearwater en Floride. Un jour, nous sommes partis en vacances en famille aux îles Vierges britanniques et le capitaine du voilier sur lequel nous nous trouvions faisait de la planche avec son ami à Sopers Hole, Tortola. Ce nouveau jouet a attisé la curiosité de mon père, Joe. Lorsque nous sommes rentrés du voyage, il en a commandé une à Hoyle Schweitzer (l’un des inventeurs de la planche à voile - N.D.L.R.). C’était en 1975.
Comment a débuté ton parcours en tant que compétiteur ?
À peine quelques mois après avoir appris en 1975, j’ai participé à des compétitions “One Design”. J’ai en fait grandi dans cet environnement, en prenant part à de nombreuses régates de planches à voile.
En quelle année as-tu mis fin à ta carrière de compétiteur ?
Je n’ai jamais vraiment arrêté en fait ! J’ai toujours cette impression d’être en compétition. D’abord en windsurf, puis en kitesurf et maintenant en wingsurf. Mais j’ai réellement stoppé ma carrière de windsurfeur pro en Coupe du monde vers 1990. Je me disais que le circuit devait être géré de manière plus professionnelle. Alors j’ai intégré le World Tour PWA, mais en tant que directeur de course. J’ai ensuite dirigé pendant quelques années les plus grands évènements de windsurf autour du globe.
Il semble qu’après, tu te sois intéressé au monde du kitesurf…
Oui, j’ai été intrigué par ce sport dès l’instant où je l’ai vu en action. Et plus particulièrement ce jour où j’ai aperçu Flash Austin envoyer des sauts du côté de Kanaha. Après un certain temps, j’en ai eu marre d’être juste spectateur alors je me suis dit que je devais moi aussi essayer ce truc ! J’ai commencé à faire du kitesurf à l’époque où les ailes étaient montées avec juste 2 lignes… C’était vraiment une période dangereuse !
T’es-tu également impliqué dans l’univers de la compétition dans cette discipline ?
Oui, mais pas en tant que compétiteur. Je venais d’abandonner mon poste de directeur de course PWA. Peut-être parce que j’étais alors quelqu’un de très respecté dans cette fonction, Mauricio Toscano m’a demandé d’être le directeur de course du World Kitesurfing Tour. Mauricio a lancé la coupe du monde pro en kitesurf et le circuit est devenu le PKRA. J’ai ensuite dirigé plusieurs étapes du tour mondial de kitesurf pendant les deux premières saisons. Puis j’ai mis un terme à tout cela afin d’entamer la construction de mes nouvelles maisons là où je vis actuellement, à Haiku (sur l’île de Maui à Hawaii - N.D.L.R.).
Puis arrive le stand-up paddle. T’es-tu également impliqué dans ce domaine? J’ai fait un peu de SUP, mais je ne m’y suis jamais vraiment intéressé, jusqu’à
ce que j’invente de nouveaux concepts de foils. J’ai pris part à quelques courses en downwind ici à Maui, ce qui était assez amusant lors des toutes premières compétitions de stand-up paddle.
Justement, l’expansion du foil a rapidement touché tous les sports nautiques: windsurf, kitesurf, surf et même stand-up paddle. Mais sur quel(s) support(s) as-tu découvert le foil?
J’ai commencé à m’intéresser au kitefoil lorsque Rob Douglas, ancien détenteur du record du monde de vitesse à la voile, m’a échangé un foil contre une planche qu’il voulait que je lui fabrique pour pratiquer le kitefoil. C’était en 2012 et c’est là que j’ai commencé à être captivé par cette discipline. Cependant, je n’ai jamais été intéressé par le foil en Tow-in comme le pratiquaient Dave Kalama et Laird Hamilton. Je trouvais assez fou et plutôt dangereux de voir ces gars-là rider en foil des vagues géantes, les pieds attachés avec des fixations de type snowboard, sans aucun moyen de s’éjecter en cas de problème. À l’époque, nous jouions tous ensemble au volley-ball chez Brett Lickle.
Le sujet avait donc souvent été abordé. Moi, je ne faisais du Tow-In qu’avec des planches équipées de footstraps, ce qui était très à la mode. Mais celui d’entre tous qui rendait le foil très attrayant, c’était Rush Randle. Les jours de petites vagues, il s’amusait bien plus que nous et pendant que nous attendions les sets, lui, il exploitait toutes les séries grâce à son foil ! Il envoyait des backflips en atterrissant comme un chat retombe sur ses pattes. Rush était très doué pour ça. Quand on jouait au volley-ball, il préférait aller s’amuser sur le trampoline pour balancer ses flips, les pieds calés dans les straps d’une petite planche en bois.
Est-ce à cette époque que l’histoire de Go Foil a commencé ?
Oui, j’ai lancé la marque Go Foil en tant que produit spécifique pour le kitefoil, puis j’ai participé à de nombreuses compétitions comme la “San Fran”, “La Ventana”, etc.
Qu’est-ce qui t’a décidé à créer ta propre marque ?
En fait, j’ai toujours eu ma propre marque (Aguera Designs) pour shaper de nombreuses planches de windsurf et de kitesurf, principalement pour les meilleurs professionnels de chaque discipline. Quand j’ai créé mes premiers foils, j’ai utilisé ce même nom. Ensuite, je suis parti à l’usine Kinetic au Vietnam pour former des personnes à construire mes planches ainsi que des hydrofoils. C’est lorsque j’étais sur place que j’ai eu l’idée de renommer la marque de foils et de l’appeler “Go Foil”. En fait, j’essayais d’expliquer aux gars de Kinetic que le nom “Go Foil” serait bien en anglais. Alors je leur ai dit « » (« » - N.D.L.R.). Peut-être que pour eux la traduction n’était pas parfaite, leur langue maternelle n’étant pas l’anglais, mais pour moi ça claquait bien. Un peu comme le slogan de Nike « », le mien serait « »
Go Foil est rapidement devenu une référence en matière de foils haut de gamme, non seulement à Hawaii, mais aussi dans le monde entier. Comment expliques-tu ce succès ?
Je pense qu’un bon foil repose sur deux principes de base. Le premier, c’est qu’il doit être résistant ou être un produit de qualité. J’ai toujours détesté quand le matériel ne tient pas le coup. Le second, c’est qu’il doit être performant ! La réputation de la marque revient aux 2 principes de base: fabriquer des foils de qualité et performants (à un bon prix également).
Quelles étaient les demandes spécifiques en foil à l’époque ? Tes produits étaient-ils spécialement conçus pour une discipline particulière ?
Lorsque j’ai lancé mes premiers foils dédiés au kitefoil, tout était axé sur la vitesse ou les vagues. L’époque des courses race en kitesurf sur des planches équipées de 3 ailerons touchait alors à sa fin quand le support foil a débarqué. Il s’agissait de modèles aux profils très fins, conçus pour aller vite. Et plus le profil était fin, plus le foil était rapide. De mon côté, pour m’amuser, je faisais du kitefoil dans les vagues de Maui. J’utilisais alors un profil plus épais. Il était plus facile à rider, surtout à des vitesses plus lentes. Ce sont ces expériences avec les kitefoils qui m’ont aidé à développer des idées sur la façon de rendre les SUP et les surf foils plus performants, sans source d’énergie extérieure telle qu’une aile de kitesurf, une voile ou un jet-ski.
Qu’en est-il du matériau, de la conception, des connexions ?
J’aime utiliser la fibre de carbone, car elle est légère. Cela permet au foil de bien fonctionner. Elle est aussi très résistante si elle est fabriquée correctement. La conception est le fruit d’innombrables idées et de l’expérimentation de ces idées. J’ai un gros avantage dans ce domaine, car je peux tester moi-même les nouveaux modèles sans avoir à les prêter à quelqu’un d’autre pour obtenir son retour. Les connexions de mes foils sont simples et solides. Chaque aile avant ou arrière n’utilise qu’un minimum de vis pour être montée. La connexion à la planche se fait soit avec 2 vis pour une base en tuttle ou 4 vis pour une fixation standard avec platine. downwind. Il avait déjà testé avec l’un de mes kitefoils que l’on avait monté sur l’un de ses SUP Naish. Kai m’avait alors fait comprendre que c’était dangereux et qu’il avait besoin de plus de portance. Grâce à toutes mes recherches sur les kitefoils, je savais que des modèles plus épais étaient moins rapides, mais avec de meilleures qualités à des vitesses plus lentes. Cette idée en tête, j’ai alors pris une aile de kitefoil de 16 mm d’épaisseur (ce qui était gros à l’époque) et je l’ai transformé en une aile avant de plus de 30 mm pour que Kai fasse un test. Il a embarqué les tout premiers prototypes et après que nous ayons mis au point le placement des boîtiers sur sa planche, il est parti faire un downwind. Sur l’eau, il a alors dépassé tout le monde, même les canoës biplaces qui étaient jusqu’alors les embarcations les plus rapides sans source d’énergie extérieure. C’est donc à ce moment que j’ai commencé à réfléchir à de “nouveaux” types de foils. En fait, la nouvelle “révolution du foil” comme certains l’appellent, a démarré à partir de là.
Et puis survient ce jour où Flash Austin débarque à la plage avec sa wing artisanale et saute sur un SUP équipé d’un de tes foils avec ce type d’aile avant porteuse. Peux-tu nous raconter cette histoire avec ton point de vue ?
Si je me souviens bien, Flash travaillait déjà sur ce concept d’aile sur un autre spot régulièrement. Nous étions tous en train de l’observer quand Ken Winner (designeur kitesurf chez Duotone - N.D.L.R.), qui pratiquait le kite au même endroit, l’a alors vu et s’est exclamé : «
» C’est comme ça que ce concept d’aile est réapparu, car dans les années 80, Tom Magruder avait déjà inventé le “Wind Weapon” qui est certainement à l’origine des nouvelles ailes que nous utilisons aujourd’hui. À l’époque, cela ne fonctionnait pas très bien tant que le vent ne soufflait pas à plus de 35 noeuds, mais actuellement, avec les nouveaux foils, les ailes atteignent des performances qu’elles n’avaient jamais pu atteindre auparavant.
Il se dit aujourd’hui que le wingfoil n’existerait certainement pas si tu n’avais pas développé de tels foils. Mais aussi si Flash n’avait pas réintroduit ce concept d’aile que l’on tient en main. Mais toi, qu’en dis-tu ? Je dirais que les deux commentaires sont en partie vrais. Mais il y a quelques années,
Tony Logosz de Slingshot avait lui aussi mis au point une aile gonflable. C’était avant que Flash ne fasse son truc, donc finalement, Tony aurait pu essayer sa wing juste après l’avoir développée avec un de ces nouveaux foils et cela aurait certainement fonctionné. Mais comme Flash était ici à Maui et que j’avais déjà les foils, tout cela s’est mis en place rapidement.
Si les ailes avant étaient très grandes et avec beaucoup de portance il y a deux ans, quelles modifications as-tu apportées à tes derniers profils pour les adapter à la pratique actuelle ?
En ce moment, il existe beaucoup d’ailes de foil qui fonctionnent très bien pour le wingfoil. Pour les débutants ou les vents très légers, il faut des foils plus “lents” offrant plus de portance. Nous sommes en train de partir vers un équipement qui tend davantage vers une pratique avec des wings plus rapides et avec des foils équipés d’ailes avant et arrière de type course. Cela dépend donc vraiment du modèle de wing que l’on utilise, de la force du vent et du poids du rideur. Ce sont ces éléments qui détermineront alors le type de foil que l’on doit utiliser à ce moment-là.
Les recherches sur les foils se sont-elles beaucoup améliorées en deux ans ?
Oui, nous avons fait des progrès sur les hydrofoils et les fabricants de wings font également progresser les performances des ailes. En wingsurf, cela devrait continuer, tout comme cela s’est produit en windsurf et ensuite en kitesurf.
Quels seraient tes conseils pour nos lecteurs qui veulent débuter ou qui pratiquent déjà le wingfoil ?
Il faut être patient lors de l’apprentissage et commencer avec le bon matériel pour faciliter les premiers bords. Par conséquent, il n’est pas conseillé de débuter sur une planche qui coule. Équipez-vous d’un stand-up paddle de plus de 2 mètres de long et d’un minimum de 75 cm de large sur lequel vous pouvez confortablement tenir debout avec l’aile en main. Avec une planche de SUPfoil ou de wingfoil, procurez-vous un foil qui offre une grande portance, comme un Go Foil Maliko 200 avec l’aile arrière Kai, et un mât relativement court au début. Une fois les bases acquises, vous pourrez opter pour une autre planche et un autre type de foil. Par la suite, une planche plus petite est plus amusante à rider (sauf quand le vent tombe !). Un mât plus haut est préférable pour ne jamais toucher l’eau. Les ailes de foil plus rapides vous permettront d’atteindre des vitesses que vous n’avez encore jamais atteintes.
À quoi peut-on s’attendre désormais dans l’univers du wingsurf en matière de performances ?
De meilleures performances tant au niveau des foils que des wings. Si ces dernières sont actuellement peu performantes et peu rapides, je suis sûr que les fabricants travailleront de plus en plus sur les progrès à réaliser dans ce domaine.
Si en été 2019, on a pu voir l’apparition d’une toute première course de wingfoil à Hawaii, ce sport ne se pratique pas (encore) vraiment dans un esprit de compétition mais plutôt dans un pur état d’esprit de liberté, en mode « freeride ». Pourtant, certains rideurs en repoussent déjà les limites en envoyant des « tricks » de freestyle ou en claquant des sauts www.windmag.com incroyables pendant que d’autres enchaînent de longs rides en surf toujours en foil - sur les vagues ou la houle du large. Kai Lenny, quant à lui, se lance dans d’incroyables runs dans le but d’atteindre les plus hautes vitesses. Si cela peut paraitre déjà très radical pour un sport aussi récent, les photos de wingfoil qui circulent depuis l’été dernier sur les réseaux sociaux et sur le web ont un réel impact. Elles intriguent, fascinent, font rêver et attirent de nouveaux pratiquants. Alors étant donné l’incroyable vitesse à laquelle ce sport se développe et au regard des nombreux supports sur lesquels on peut adapter une wing, on se demande jusqu’où cela ira! Les différents avis que nous avons recueillis sont intéressants.