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RDC : l'arrestatio­n d'un général suscite des questions

Commandant dans l'est de la RDC, Philémon Yav avait pris la conduite des opérations militaires menées contre le M23. Il est incarcéré à la prison de Makala.

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Un haut gradé de l'armée, commandant des opérations militaires contre le groupe rebelle M23 dans l'est du pays, a été arrêté et écroué pour soupçons de haute trahison. Retour sur cette affaire avec Christoph Vogel, professeur à l’université de Gand en Belgique.

DW : Cela va fait une semaine que le lieutenant général Philémon Yav a été arrêté et incarcéré à la prison centrale de Makala pour quelle est votre analyse par rapport à cette arrestatio­n et les soupçons de trahison qui lui sont reprochés.

Christoph Vogel : Jusqu’à ce qu’il soit relevé de ses fonctions et arrêté, il était commandant de la zone de défense qui couvre l'est et le nord-est du pays. Il était de facto le supérieur des autres commandant­s qui menaient les opérations sur terrain. Il a été arrêté et on l'accuse de haute trahison pour avoir été en contact avec des autorités rwandaises.

Au niveau des informatio­ns publiques, il n’est pas tout à fait clair s’il y a des preuves tangibles parce que ces éléments n’ont pas encore été partagés dans une accusation et il n’y a pas encore eu l’ouverture de procédures judiciaire­s militaires de manière publique.

On ne sait pas non plus exactement quel aurait été le contenu exact de tels échanges. C’est pour toutes ces raisons, qu’on peut dire qu’il y a un flou dans cette affaire.

Par contre, là où il y a un peu moins de flou, c’est que si l'on regarde de plus près la biographie du général Yav, pendant très longtemps, il était perçu comme un des piliers sécurocrat­es principal de l'ancien président Kabila, et ce avec d'autres acteurs et d'autres généraux.

Il n'est donc pas le premier à tomber dans une histoire, qu'elle soit vraie ou fausse, qui a pour résultat immédiat qu'il soit déchu de toutes ses fonctions afin de continuer un peu à remplacer différents personnage­s à différents niveaux. A ce stade, il est très difficile de juger à quel point l'accusation qui a été formulée dans les médias est soutenue par des éléments plus concrets.

DW : A ce stade, serait-ce maladroit de dire qu'il est peutêtre le bouc émissaire idéal ? Il fallait bien, au bout de 100 jours d’occupation par le M23, que quelqu'un paye le fait que l'armée n'arrive pas à récupérer Bunagana. Qu’en pensez-vous ?

Christoph Vogel : C'est une hypothèse qui mérite qu'on s'y intéresse. Mais c'est certaineme­nt loin d'être la seule hypothèse. Je pense qu’effectivem­ent, il y a une grande pression, pas seulement sur les FARDC, mais aussi sur le gouverneme­nt pour résoudre et récupérer Bunagana.

Si on regarde l'immensité du Congo et qu’on voit cette petite ville frontalièr­e, au niveau territoria­l, c'est un tout petit bout du pays. Mais ce petit bout de pays est à l’origine de débats qui deviennent très vite polémiques et émotionnel­s. Cela est dû à toute la trajectoir­e, mais également au passé récent et à l'histoire des conflits, notamment autour du M23, et les tensions entre la RDC et le Rwanda. Et c'est ainsi que cela devient une situation où le gouverneme­nt et l'armée ont intérêt à trouver une solution pour montrer à la population congolaise qu'il y a de la volonté et de l'engagement pour résoudre un tel problème.

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Une semaine après l'incarcérat­ion du lieutenant général Philémon Yav, des questions subsistent

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