Deutsche Welle (French Edition)

Des interrogat­ions en Allemagne après le décès d'un jeune Sénégalais

Des questions demeurent, après le décès d'un Sénégalais lors d'une opération de police. L'opération se seraitelle déroulée autrement si ce n'était pas un réfugié africain ?

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Lundi après-midi (08.08.2022), un surveillan­t d'un centre d'aide à la jeunesse appelle la police à l'aide. Il craint que Mohammed D., un réfugié mineur , seul, ne se tue avec un couteau. Le jeune est considéré comme mentalemen­t instable, hospitalis­é en psychiatri­e avant le drame.

Onze officiers arrivent. Ils utilisent des pistolets paralysant­s et du gaz poivré. En vain. Le jeune ne se calme pas.

La situation dégénère complèteme­nt lorsque Mohammed D. menace les agents avec le couteau. Des coups de feu sont tirés.

Cinq balles d'une mitraillet­te touchent le jeune homme. Peu de temps après, il meurt à l'hôpital.

Une enquête est en cours : le policier de 29 ans qui a tiré les coups de feu doit notamment s'expliquer. Une procédure courante dans les cas où un policier tire des coups mortels.

Cette interventi­on fatale pour le jeune Mohammed D. vient s'ajouter à une série d'opérations policières, qui se sont toutes soldées par des décès, en à peine une semaine d'intervalle : à Francfort-sur-le-Main et à Cologne, la police a abattu deux hommes, chacun étant armé d'un couteau. Dans la ville d'Oer-Erkenschwi­ck, dans la région de la Ruhr, un homme de 39 ans est décédé après que du gaz poivré a été utilisé pour le maîtriser.

Pour beaucoup de gens, la dernière tragédie est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Des centaines de manifestan­ts, majoritair­ement de gauche, ont protesté contre les violences policières cette semaine et crié "meurtrier, meurtrier" en passant devant les forces de sécurité.

Il faut dire que le quartier où Mohammed D. a été tué se trouve dans le nord de Dortmund et défraie souvent la chronique. Les relations entre la police et les habitants, dont beaucoup sont issus de l'immigratio­n, sont considérée­s comme extrêmemen­t tendues comme l'explique Thomas Feltes, juriste et criminolog­ue, de l'Université de la Ruhr à Bochum.

"La police du nord de Dortmund n'est pas vraiment connue pour agir indépendam­ment de la couleur de la peau. Les contrôles à caractère raciale sont donc d'actualité là-bas."

Du retard à rattraper

Depuis le décès de Mohammed D. une question revient sans cesse : l'opération policière aurait-elle été différente s'il n'avait pas été un réfugié africain mais un citoyen allemand blanc ?

Il est difficile pour Thomas Feltes de répondre à cette question, mais il assure qu'un Allemand aurait pu mieux communique­r avec les policiers. La langue étant souvent une barrière quand il s'agit de personnes d'origine étrangère.

Ce qui est sûr, c'est qu'audelà de ce drame, la police a beaucoup de retard à rattraper dans la lutte contre le racisme et l'antisémiti­sme, et pas seulement à Dortmund.

Selon une nouvelle étude menée par une associatio­n nationale de chercheurs en matière de migration en Allemagne, ces sujets sont rarement évoqués dans la formation des policiers. Jusqu'à présent, il n'y a eu d'études indépendan­tes sur le racisme qu'à Berlin, en BasseSaxe et en Rhénanie-Palatinat.

Le ministre de l'Intérieur de Rhénanie du Nord-Westphalie, Herbert Reul, n'a pas encore reconnu de bavure de la part de ses fonctionna­ires dans l'affaire actuelle. Selon lui, l'utilisatio­n d'une mitraillet­te est assez courante lors d'interventi­ons qui s'aggravent.

L'arme à feu en dernier recours

Dans cette affaire, Michael Maatz le coordonnat­eur adjoint du syndicat régional de la police de Rhénanie du Nord-Westphalie met en garde contre les "raccourcis" et prend la défense de son collègue.

"Les attaques au couteau sont extrêmemen­t dangereuse­s. Un coup de couteau ou une coupure lorsque vous frappez une artère est généraleme­nt mortel car vous saignez à mort immédiatem­ent. De telles situations sont diࢄciles parce que mes collègues doivent décider en quelques secondes comment arrêter l'attaque au couteau. Et quand quelqu'un s'approche avec

un couteau, si d'autres ressources ne sont pas disponible­s ou ont été utilisées sans succès, le dernier recours reste l'arme."

Un argument que la porteparol­e adjointe du groupe parlementa­ire de la gauche au Bundestag,

Nicole Gohlke, dit ne pas comprendre.

Dans un tweet, elle estime que c'est "inexplicab­le que les onze policiers présents n'aient pas pu mettre en garde à vue un jeune de 16 ans".

La présidente des Verts au parlement de Rhénanie du NordWestph­alie,

Verena Schäffer, a déclaré pour sa part qu'elle était "choquée" par la mort du jeune qui avait fui en Allemagne "pour avoir un avenir sûr ici".

Les experts de la police critiquent également les actions violentes des forces de sécurité. Le criminolog­ue Rafael Behr de l'Académie de police de Hambourg a qualifié d'inhabituel­le, l'utilisatio­n de la mitraillet­te dans ce genre d'interventi­ons. Bien que ces armes fassent partie de l'équipement des voitures de police allemandes, elles ne sont destinées qu'à des "cas absolument exceptionn­els".

L'Associatio­n allemande des avocats (DAV) exige que les circonstan­ces du décès du jeune homme de 16 ans fassent l'objet d'une enquête approfondi­e. Les investigat­ions n'en sont qu'à leurs débuts.

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Quatre interventi­ons de la police se sont soldées par quatre morts en une semaine en Allemagne
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Le quartier de Dortmund où le drame est survenu est souvent le théâtre d'actes de violence

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