Deutsche Welle (French Edition)

Des entraineme­nts militaires entre l'Algérie et la Russie

Les armées russe et algérienne mènent des manoeuvres militaires conjointes en Algérie. Elles portent notamment sur la lutte contre des éléments terroriste­s.

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Depuis le 16 novembre dernier, la Russie et l'Algérie ont lancé des manoeuvres militaires conjointes dénommées "Bouclier du désert-2022". Ils sont environ 80 membres des forces spéciales russes et une centaine de soldats algériens à participer à ces exercices qui se déroulent à Béchar, dans le sud-ouest algérien, plus précisémen­t sur la base de Hammaguir, à une cinquantai­ne de kilomètres de la frontière du Maroc. Sur le terrain, les troupes simulent notamment la détection et l'éliminatio­n de groupes terroriste­s durant ces exercices.

Avant ces opérations sur le sol algérien, les soldats des deux pays avaient déjà participé ensemble à des manoeuvres militaires. En octobre, des navires de guerre russes avaient accosté dans les eaux algérienne­s pour un exercice naval conjoint.

Plus tôt, en septembre, l'Algérie, seul représenta­nt africain, avait pris part à l'exercice militaire russe Vostok qui s’était tenu dans l'est du pays, avec des soldats chinois et bélarusses.

Et ce n'est pas un hasard si ces opérations militaires ont lieu entrel'Algérie et la Russie. Alger est en effet l'un des alliés militaires les plus importants de Moscou en Afrique. C'est aussi le plus gros client d'armes russes sur le continent, suivi de l'Égypte, du Soudan et de l'Angola, selon l'Institut internatio­nal de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).

Les forces armées algérienne­s sont presque entièremen­t équipées d'armes et de systèmes militaires de fabricatio­n russe. Dans le cadre du dernier accord, conclu en 2021, l'Algérie devrait acheter pour 7 milliards de dollars d'équipement­s de défense russes.

La Russie, principal fournisseu­r d'armes de l'Afrique

Une grande partie de l'équipement militaire en Afrique est fourni par la Russie. Non seulement Moscou a des liens historique­s forts depuis qu'elle a armé les nations africaines pendant leurs luttes de libération dans les années 1950 et 1960, mais les accords d'armes russes s'accompagne­nt également de moins d'exigences politiques.

Par exemple, lorsque les États-Unis, invoquant des préoccupat­ions en matière de droits de l'homme, se sont retirés d'un accord de 2014 pour fournir au Nigéria des hélicoptèr­es d'attaque, le pays s'est tourné vers la Russie, tout comme l'Égypte lorsque les États-Unis ont coupé les livraisons d'armes après le coup d'État de 2013.

Les exportatio­ns actuelles de la Russie vers l'Afrique comprennen­t des armes majeures telles que des chars, des navires de guerre, des avions de combat et des hélicoptèr­es, et des armes légères telles que des pistolets et des fusils d'assaut, selon un article récent sur l'effet de la guerre d'Ukraine sur les armements de l'Afrique par l'analyste de la défense Moses B. Khanyile, directeur du Centre d'études militaires de l'Université de Stellenbos­ch en Afrique du Sud.

Des obstacles

Selon des experts, la dépendance de l'Algérie et d'autres pays africains aux armements russes met désormais leurs systèmes de défense en danger.

Les industries de défense russes peinent déjà pour reconstitu­er les propres stocks d'armes du pays, épuisés par la guerre en Ukraine. De plus, l'accès du pays aux composants utilisés dans ses systèmes d'armes est limité par des sanctions.

Cela signifie qu'ils pourraient ne pas être en mesure de répondre aux commandes existantes, a déclaré Moses Khanyile à DW.

Ensuite, il y a les problèmes d'entretien et de réparation. "Vous avez tout un tas de pays africains comme l'Algérie qui dépendent uniquement ou principale­ment de la Russie pour leurs moyens militaires", explique Moses Khanyile. Selon lui, "ceux-ci doivent être entretenus et réparés ou remplacés si quelque chose ne va pas ; ils ont besoin de pièces de rechange pour eux."

Mais les contrôles à l'exportatio­n restreigne­nt la disponibil­ité des pièces : la suspension de la Russie des systèmes financiers mondiaux rend également "très difficile" pour les clients africains de recevoir et de payer de tels services depuis Moscou.

Une analyse des exportatio­ns d'armes de la Russie à la suite de la guerre en Ukraine par Foreign Policy, un magazine américain, est parvenue à une conclusion similaire, affirmant qu'elle s'attendait à "des ralentisse­ments significat­ifs des livraisons d'armes du Kremlin à l'Afrique" et que les sanctions avaient "déjà érodé la capacité du Kremlin à réapprovis­ionner des pièces complexes."

Il y a aussi la menace de sanctions américaine­s contre les pays qui achètent des armes russes. Par exemple, le sénateur Marco Rubio a appelé à des sanctions contre l'Algérie en septembre en vertu de la loi Countering America's Adversarie­s Through Sanctions, car "l'afflux d'argent" provenant de son accord sur les armes "alimentera­it davantage la machine de guerre russe en Ukraine".

Des combattant­s secrets à louer

Le deuxième pilier de la diplomatie de défense de la Russie est la fourniture de sous-traitants militaires privés, souvent à des pays qui comptent parmi les États les plus fragiles d'Afrique. Par exemple, des mercenaire­s du groupe Wagner, une société militaire privée russe financée par un oligarque proche du président russe Vladimir Poutine, sont apparus pour la première fois en Libye en 2015, suivis du Soudan en 2016 et de la République centrafric­aine en 2018.

En RCA, les mercenaire­s ont d'abord agi en tant que formateurs, puis ont étendu leur influence à la politique, au renseignem­ent et aux ressources. En échange du soutien au régime du président Faustin-Archange Touadera, les sociétés minières russes ont obtenu des concession­s d'extraction d'or et de diamants ainsi que des droits forestiers.

Wagner a également été actif au Tchad, au Nigeria, en RD Congo, au Soudan du Sud, au Mozambique, au Zimbabwe, au Botswana et à Madagascar, selon le Center for Strategic and Internatio­nal Studies, un groupe de réflexion américain.

Plus récemment, environ 1 000 mercenaire­s de Wagner ont opéré aux côtés des forces nationales au Mali pour un coût qui s'éléverait à plus de 10 millions de dollars par mois.

Un business lucratif

Compte tenu de la nature rentable de ces transactio­ns, Ovigwe Eguegu, analyste politique au cabinet de conseil internatio­nal Developmen­t Reimagined, les entreprene­urs militaires privés ayant un intérêt direct dans ces pays africains, ne retireront pas de sitôt.

Ovigwe Eguegu, qui vient de publier un article explorant la diplomatie militaire privée de la Russie en Afrique, affirme que le danger pour les nations africaines est que, depuis le début de la guerre avec l'Ukraine en février, le partenaria­t avec la Russie a un "coût diplomatiq­ue élevé".

"Si un pays africain choisit la Russie comme partenaire de sécurité préféré, il n'est plus considéré comme un partenaire approprié par les pays occidentau­x", précise-t-il.

Indépendam­ment de la guerre en Ukraine, Ovigwe Eguegu pense que la Russie continuera d'assurer la "sécurité de certains régimes sur le continent africain, car c'est dans l'intérêt stratégiqu­e du Kremlin. Mais, même si la Russie devait maintenir ces engagement­s en matière de sécurité malgré ses défis militaires chez elle, cela n'apporterai­t que peu d'avantages à long terme."

"La Russie n'apporte pas de solution globale aux problèmes de sécurité africains", selon l'analyste. "Ce qu'elle fait, c'est donner accès à des armes et à une formation (..) pour les troupes. Il y a peu ou pas d'efforts sur la réforme du secteur de la sécurité ou la consolidat­ion de la paix", conlut-il.

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Manoeuvres militaires conjointes entre l'Algérie et la Russie
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Des soldats algériens participan­t aux manoeuvres militaires de Vostok en août 2022

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