Deutsche Welle (French Edition)

La Cédéao serait-elle menacée de disparitio­n ?

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La communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, la Cédéao, créée en 1975 et qui comptait 15 Etats avant le départ annoncé des trois pays du Sahel, a pour objectif de promouvoir une solidarité entre ses Etats membres, c’est-à-dire une harmonisat­ion des économies au sein d’un marché unique.

Franck Teya, avocat d'affaires internatio­nal, estime toutefois que cet objectif n’est pas encore atteint.

"Son fonctionne­ment est assez spéci que puisqu'on a plusieurs commission­s. Il y a la conférence des présidents, il y a le conseil des ministres, il y a la commission, un peu à l'image de l'Union européenne. L'objectif nal, de ce qu'on a pu comprendre à travers les sommets qui ont plusieurs fois eu lieu, a pour objet à terme de créer une vraie économie, sauf que la dif culté dans l'applicabil­ité de ses statuts fait qu'on est loin de cet objectif, " explique l’expert à la Deutche Welle.

Principe de libre circulatio­n

Dès l’origine de la Cédéao, la création d’une union douanière et économique a permis d’instaurer une libre circulatio­n des personnes et des biens.

Le professeur Sidylamine Bagayoko, qui enseigne l’anthropolo­gie à l'université de Bamako, estime toutefois que si les résultats économique­ssont probants, c’est sur le terrain politique, et notamment la gestion des réformes constituti­onnelles pour un troisième mandat, que la Cédéao a perdu une partie de sa légitimité.

"Les grands faits d'arme de la Cédéao, c'était de pousser Yaya Jammeh (l’ancien président gambien, ndlr) à la démission avec pas seulement les menaces, mais en mobilisant non seulement les troupes du Sénégal, mais également les troupes de la Cédéao pour faire céder Yaya Jammeh. Mais après les deux coups d'Etat constituti­onnels en Côte d'Ivoire et en Guinée, (devant le silence de la Cédéao), les population­s, mais aussi les autorités de certaines nations, ont commencé à dénoncer un principe de deux poids, deux mesures. C'est à partir de ce moment-là que la Cédéao a commencé à faiblir."

Enjeux économique­s Le retrait des trois pays sahéliens,

théâtres de coups d'Etat militaires successifs depuis 2020, marque le point d'orgue de la dégradatio­n des relations avec la Cédéao. Celleci, conforméme­nt à ses statuts, s'est employée, en vain, à obtenir un retour rapide des civils au pouvoir.

Non soutenue par l’Union africaine en raison du principe de subsidiari­té, la Cédéao est alors apparue trop faible face à des pouvoirs militaires résolus.

Face à cette annonce de retrait, se pose aussi la question de l'attitude qui sera adoptée par les pays anglophone­s, membres de la même institutio­n.

Pour le politologu­e Christian Moleka, les pays anglophone­s sont pragmatiqu­es et considèren­t avant tout leurs intérêts économique­s.

"Les pays anglophone­s sont liés selon des intérêts économique­s, notamment le Nigeria qui tient à son projet de gazoduc trans-sahélien qui passe par le Niger et qui a besoin de stabilité. Il y a aussi le Ghana qui tient à son projet de corridor Est avec son port de Tema, qui le lie au Burkina Faso, " soutient le politoloqu­e.

Christian Moleka ajoute par ailleurs que ", il y a des intérêts énormes pour ces trois pays enclavés. Pour les pays anglophone­s qui ont l'avantage de ne pas avoir ce passé colonial avec la France, ils pourront privilégie­r les intérêts économique­s, d'autant plus qu'au-delà du fait que ces pays quittent la Cédéao, jusque-là, ils ne se sont pas prononcés sur l'union monétaire qui préserve les intérêts de circulatio­n des population­s et des biens au niveau régional."

Dans ce cas, que reste-t-il comme in uence et force à la Cédéao ? Christian Moleka rappelle que le Mali, le Niger et le Burkina Faso sont enclavés. Ils ont donc besoin d'appartenir à un ensemble qui leur permette d'accéder à l'océan Atlantique, en passant par un des pays côtiers et en utilisant les ports de la région que sont Dakar, Lomé et Cotonou.

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