Deutsche Welle (French Edition)

R ugiés ukrainiens, repartir ou rester en Allemagne

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"On a d’abord hésité à quitter l’Ukraine, mais on a ni par réaliser que c'était trop dangereux de rester là-bas", con e Anastasia, 26 ans. En mars, cette jeune femme a fui le pays avec sa mère et ses deux jeunes frères. Tous vivaient à Soumy, dans l'est de l'Ukraine. Dès le début de l’invasion russe n février, la ville a été le théâtre de violents combats urbains et de bombardeme­nts contre ceux qui tentaient de fuir.

Le petit ami d'Anastasia et son père sont restés sur place pour combattre. "Les adieux ont été déchirants", se souvient Anastasia.

La jeune femme et sa famille ont décidé de se réfugier en Allemagne, comme 900.000 autres Ukrainiens. Ils sont désormais en sécurité à Cologne, dans l’ouest de l’Allemagne, où ils sont hébergés dans un hôtel.

"Nous n'avons pas l'intention de rester en Allemagne"

Anastasia et sa famille n'ont qu'un souhait : retourner en Ukraine dès que la situation le permettra. "Au début, nous pensions que ce serait en mai. Maintenant, nous espérons rentrer à l'automne. Tout dépend de la durée de la guerre. Nous avons peur de rentrer pour nous retrouver dans une poudrière à Soumy, où les roquettes russes pourraient frapper à tout moment. Mais nous voudrions vraiment rentrer chez nous le plus tôt possible."

Anastasia et sa mère s'inquiètent chaque jour pour ceux qu'elles ont laissés derrière elles en Ukraine. "Vivre avec l’incertitud­e de ne pas savoir comment vont mon père et mon petit ami est très dif cile. Ma mère et moi avons versé beaucoup de larmes", soupire la jeune femme.

Anastasia se dit très reconnaiss­ante de l’accueil réservé à sa famille. Malgré tout, beaucoup d'Ukrainiens ne se sentent pas à leur place en Allemagne, selon elle.

Le manque de connaissan­ces de la langue allemande est l’un des obstacles majeurs. "Les forums de discussion de réfugiés sur les réseaux sociaux ont été notre salut. On y a trouvé des informatio­ns utiles pour résoudre de nombreux problèmes qu’on n’aurait pas pu résoudre autrement", ditelle.

Sa famille est désormais enregistré­e auprès des autorités et perçoit une aide nancière pour couvrir les dépenses quotidienn­es et le loyer. "Mais nous n'allons pas chercher d’appartemen­t", assure Anastasia. "C'est dif cile à Cologne et nous n'avons de toute façon pas l'intention de rester en Allemagne", insiste-t-elle.

Une récente enquête des Nations unies a révélé que la majorité des Ukrainiens ayant quitté leur pays espèrent retourner chez eux dès que la situation sécuritair­e le permettra.

Fuir la discrimina­tion

Pour Anna et Alexandra en revanche, les choses sont différente­s. Avant la guerre, le couple vivait à Odessa, sur les rives de la mer Noire. Lorsque la Russie a lancé son offensive, les deux femmes ont immédiatem­ent quitté la ville portuaire, non seulement parce qu'elles sont ukrainienn­es, mais aussi en raison de leur homosexual­ité.

"Ce 24 février [jour du début de l’invasion, ndlr], il est devenu évident pour ma partenaire et moi que nous risquions d’être doublement prises pour cible", explique Alexandra. "L'idée que les lois russes interdisan­t les relations entre personnes de même sexe pourraient bientôt s'appliquer en Ukraine était horrible".

Le couple fuit alors vers l'Allemagne et se réfugie à Cologne. En arrivant, elles cherchent immédiatem­ent un logement temporaire. "On a consulté les o res sur les forums en ligne. C'est ainsi qu’on a trouvé la première famille qui a accepté de nous accueillir, nous et notre chat, pour une durée indétermin­ée", raconte Alexandra.

Après s'être inscrites auprès des autorités allemandes et avoir reçu une aide nancière, elles se sont mises à la recherche d'un appartemen­t. Mais trouver un logement à Cologne reste une mission très dif cile. Alexandra assure que les forums sur internet sont remplis d'escrocs, qui font de la publicité en russe et en anglais pour proposer leur aide en échange d’argent. "La plupart des soi-disant agents de location disparaiss­ent une fois que vous avez effectué le premier paiement", ditelle.

Début juillet, elles ont nalement trouvé la perle rare, un propriétai­re acceptant de leur réserver son appartemen­t le temps que l'agence pour l'emploi allemande approuve leur allocation logement. “Nous avons reçu un appel de l'agence et une con rmation écrite pour le paiement du loyer pour un petit studio à Cologne. On était au septième ciel."

"J'ai souvent été confrontée à la violence en Ukraine"

A Odessa, Anna travaillai­t dans un institut de beauté et étudiait la psychologi­e tandis qu'Alexandra était serveuse dans un bar. Dans quelques semaines, elles vont commencer à suivre un cours d'allemand et espèrent pouvoir s'inscrire à l'université en Allemagne.

Désormais, les deux femmes n'imaginent pas un seul instant retourner en Ukraine. "Je ne peux plus imaginer une vie à Odessa après avoir vu comment les personnes LGBTQ vivent à Cologne", explique Alexandra. Cologne possède en effet une importante scène gay et béné cie d’une bonne réputation auprès des LGBTQ.

Début juillet, le couple s'est rendu à la parade du Christophe­r Street Day (CSD) de Cologne, à laquelle participen­t chaque année plus d'un million de personnes et qui constitue l’une des plus grandes gay pride en Europe. "Pour la première fois de notre vie, nous avons pu assister à une parade du CSD sans avoir peur", se réjouit Alexandra.

"J'ai souvent été confrontée à la violence en Ukraine. Mais ici, à Cologne, je peux vivre librement. On se tient la main en public et on peut se présenter comme un couple partout où on va. Cela n'a pas de prix et permet d’avoir une qualité de vie que nous n’aurions pas chez nous".

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Image : Victor Weitz/DW Anastasia et son frère Artjom ont fui la ville ukrainienn­e de Soumy pour se réfugier à Cologne. Ils vivent dans un hôtel depuis quelques mois

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