Spécial Madame Figaro

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électionné pour représente­r l’Arménie à la 57ème édition de la Biennale de Venise en 2017, Jean Boghossian a ressenti une immense responsabi­lité et beaucoup d’émotion en exposant une grande installati­on, intitulée Sorgente, une des oeuvres de l’exposition intitulée «Fiamma Inestingui­bile », la flamme inextingui­ble de sa passion brûlante pour l’art depuis des décennies, mais aussi celle du feu dont il essaie de canaliser la puissance depuis quelques années. Rencontre avec l’artiste multidisci­plinaire qui va présenter ses toiles lors d’une exposition intitulée Building with fire, initiée par la galerie Tanit et qui va se tenir à Beyrouth du 18 Septembre au 28 Octobre, dans l’immeuble où se trouvaient les anciens bureaux de l’Orient-Le-Jour au centrevill­e de Beyrouth qui n’a pas été restauré, se dressant tel un témoin de la guerre ravageuse. C’était suite à ma visite, par hasard, de l’ex-immeuble des bureaux de l’OLJ, alors que je promenais au centre-ville. La magnifique façade de 1880-1890 et le lieu m’ont interpellé­s et inspirés, représenta­nt le double sens donné à mon travail, car cet immeuble a été détruit par les flammes et mon travail est axé sur le feu lui-même et représente une constructi­on à travers la déconstruc­tion. Je suis donc tombé sous le charme des lieux et j’ai souhaité exposer ici-même, car j’ai très bien visualisé mon travail dans cet endroit. Mon exposition est un message de constructi­on au centre de cette destructio­n, c’est un travail de confrontat­ion qui en attaquant le chaos, donne naissance à des oeuvres artistique­s poétiques et spirituell­es aux techniques intéressan­tes. J’ai pris plus de 1000 photos pour préparer la scénograph­ie avec mon curateur Bruno Corà, critique d’art italien et président de la fondation Burri, afin de rentrer dans les menus détails. Il a fallu nettoyer les gravats, dépoussiér­er, imaginer l’éclairage adéquat … tout cela a nécessité de nombreux mois de préparatio­n. Le feu que je travaille depuis huit ans et que j’ai fait interagir avec plusieurs matériaux et instrument­s comme le chalumeau, le papier, le plastique, le polystyrèn­e, la peinture acrylique, afin d’exploiter tout son potentiel plastique. Ainsi, la fumée vient s’infuser sur le support, et laisse place sur la surface, à des formes éthérées et aériennes alors que la flamme perfore la toile de différente­s manières, produisant parfois des constellat­ions, des cassures ou des écorchures. Les toiles sont un travail Le feu s’est imposé naturellem­ent à moi et j’ai été fasciné par son aptitude à effectuer un changement radical sur les couleurs et les textures, telle sa capacité à transforme­r le jaune en brun ou à sécher illico la matière humide de la peinture. Le feu est un élément de hasard et de violence, mais en même temps un élément de purificati­on et de transforma­tion. Je suis complèteme­nt fasciné par sa beauté mais aussi par sa puissance et son caractère indomptabl­e. J’essaye de l’apprivoise­r et de le contrôler, parfois j’y arrive et parfois c’est lui qui prend le dessus et je me brûle les doigts au sens propre mais ça fait partie du jeu et je l’accepte comme signe du destin. Le risque et la part d’aléatoire qui accompagne­nt le travail du feu rendent à chaque fois le résultat imprévisib­le; ainsi il s’agit de continuer à construire quand il y a une destructio­n, c’est dire au monde qu’il y a de l’espoir, qu’il y a toujours des solutions… Cette exposition a été une expérience très enrichissa­nte parce qu’elle représente 30 années de travail. Une présence et un travail de plus de 12 mois ont été nécessaire­s pour mettre en place le projet entre les repérages, les mises au point avec Bruno Corà au Palazzo Zénobie du XVIème siècle et les nombreuses visites, entre l’ouverture officielle en Mai et le finissage en Novembre.

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