Luxemburger Wort

Une explosion de couleurs et de formes

Les fresques urbaines de Street Art City réveillent la campagne auvergnate

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Lurcy-Lévis. Au détour d'une petite route de campagne bordée de pâturages, une explosion de couleurs inattendue. A Lurcy-Lévis (Allier), des fresques urbaines ont métamorpho­sé un ancien centre de France Télécom, devenu en cinq ans un vaste musée à ciel ouvert.

Street Art City, où se côtoient tous les styles de l’art urbain, détonne dans ce paysage très rural du nord de l'Auvergne. Ici, un vieillard, aux mains ridés d'un réalisme saisissant, s’affiche sur un immeuble de 14 mètres de haut, hommage de l’artiste Aero à son grand-père. Là, une Alice aux pays des merveilles sous les traits fins d'une fillette aux yeux bleus, entourée de mille détails impression­nants de précision, anime le mur d'un hangar abandonné.

«Il y a toutes les manières de taguer, que ce soit à la bombe, au pochoir, tous les styles, tous les univers. Certaines oeuvres vous parlent, d’autres moins, mais c’est une explosion d’art», affirme, conquise, Karine Moitry, une passionnée de street art venue spécialeme­nt du Luxembourg.

Street Art City est d’abord une résidence d’artistes. Plus de 300 d’entre eux, de 60 nationalit­és différente­s y ont séjourné. «Ici les artistes n’apportent rien, seulement leur art: nous les logeons, nous les nourrisson­s, nous leur procurons tout le matériel nécessaire y compris les bombes ou les nacelles, et leur proposons plusieurs murs au choix pour s’exprimer», détaille Gilles Iniesta, propriétai­re des lieux avec son épouse Sylvie.

«C’est un site unique au monde puisque c’est la seule résidence de street art pérenne», affirme-t-il. La plupart des friches consacrées à cet art sont vouées à la destructio­n. L’aventure commence en 2015: le couple possède depuis plusieurs années ce site désaffecté de dix hectares, envahi par les ronces. «Un soir, mon épouse a eu un flash et imaginé sur les murs des tags, du graff, elle ne savait pas vraiment comment le nommer...», raconte le jovial propriétai­re, cheveux grisonnant­s noués sur la nuque, chemise colorée assortie au décor.

Progressiv­ement, le couple se familiaris­e avec cet univers et tout s’enchaîne: aujourd’hui, près de 950 artistes patientent sur la liste d'attente. Les sélections se font «sur dossier, à l'aveugle par un jury de cinq membres», précise le responsabl­e. Et face aux nombreuses demandes, le site a ouvert au public en 2017, le tout sans aucune aide ou subvention publiques, assure M. Iniesta. Jusqu’à 1.000 personnes par jour, simples visiteurs ou collection­neurs du monde entier, déboursent entre 12 et 20 euros, pour admirer les 22.000 mètres carrés de fresques.

Un monde d’enfants

«C’est une grande surprise», s’enthousias­me Martine Laurent, qui déambule sous le soleil entre les bâtiments, admirative. Cette néophyte venue en voisine de Clermont-Ferrand avec des amis s’émerveille du «contraste entre cette nature dans laquelle il n’y a rien et toute cette pensée foisonnant­e des artistes... On peut imaginer, inventer, rêver, on est un peu dans un monde d’enfants, c’est très magique!»

Point d’orgue de la visite: l'Hôtel 128 et ses 128 oeuvres-cellules. Chaque chambre de ce centre d’hébergemen­t décrépit, digne d’un décor de film d'horreur, a été investie par un artiste qui a laissé libre cours à son imaginatio­n. «Ici on a le temps et la liberté.

Chaque nouveau venu réalise des toiles qui sont exposées au public pour être vendues. Pour Gilles Iniesta «le but n’est pas d'avoir des artistes connus, mais de mettre en lumière ceux qui ne le sont pas, afin qu’ils puissent vivre de leur talent». AFP

 ?? Photo: AFP ?? La seule résidence de street art pérenne se trouve à Lurcy-Lévis, une friche désaffecté­e qui propose ses surfaces et espaces aux artistes de la bombe, du pochoir et de toutes autres formes d’expression.
Photo: AFP La seule résidence de street art pérenne se trouve à Lurcy-Lévis, une friche désaffecté­e qui propose ses surfaces et espaces aux artistes de la bombe, du pochoir et de toutes autres formes d’expression.

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