La loi belge sur l’avortement attendra
Les négociateurs du futur gouvernement «Vivaldi» mettent entre parenthèses le texte législatif qui bloquait leurs travaux
La proposition de loi qui assouplit les conditions de l’avortement repartira en commission de justice de la Chambre. L’annonce faite avant-hier sur les ondes de la chaîne LN24 par le libéral francophone Benoît Piedboeuf n’a guère surpris. Ce texte passe pour un des derniers obstacles à la participation des chrétiens-démocrates flamands au prochain gouvernement fédéral. Il fallait donc le neutraliser. Au cas contraire, le risque était grand que les négociations en cours ne reviennent à la case départ, presque seize mois après les élections du 26 mai 2019.
Le Parti socialiste, qui a initié en 2016 la proposition de loi controversée, s’est contenté d’expliquer que son président, Paul Magnette, a toujours fait valoir que ce dossier était l’affaire du Parlement, non du gouvernement – comme l’avait exigé un moment le parti chrétien-démocrate flamand CD&V. Les apparences sont sauves.
Mais ceux qui attendaient impatiemment cette réforme législative en sont pour leurs frais. Il leur faudra encore attendre de longs
Une militante prend part à une manifestation à Bruxelles pour protester contre le marchandage politique avec le droit à l’avortement. mois avant de savoir dans quelle mesure la loi de 1990 sur l’avortement sera effectivement assouplie. Le délai légal laissé à la femme enceinte avant de procéder à l’IVG sera-t-il allongé de 12 à 18 semaines? Le délai de réflexion entre l’annonce de la grossesse et la décision d’avorter sera-t-il ramené de 6 à 2 jours? Toutes les poursuites pénales seront-elles bien abandonnées contre celles qui avorteraient au mépris des conditions de la nouvelle loi? Il y a fort à parier que chacune de ces propositions fera de nouveau l’objet de vastes débats au sein de la future coalition «Vivaldi», du moins si celle-ci est confirmée.
Les paris sont ouverts
Chaque jour amène en effet son lot d'incertitudes. Côté positif, les présidents des sept partis qui négocient la «Vivaldi» ont tous été testés négatifs au Covid-19, ce qui va permettre une reprise prochaine des discussions en présentiel. Il y a une semaine, le préformateur Egbert Lachaert avait été testé positif. Sa mise en quarantaine avait chamboulé partiellement les négociations.
Côté négatif, le chrétien-démocrate flamand et actuel ministre de l’Intérieur Pieter De Crem a fait part au quotidien flamand ‘De Standaard’ de ses réticences à intégrer la coalition Vivaldi – laquelle associerait, rappelons-le, son parti aux libéraux, aux écologistes et aux socialistes (flamands et francophones). De Crem explique que cette participation mettra sa formation politique en porte-àfaux avec la majorité des Flamands – la «Vivaldi» ne représente que 48% des électeurs néerlandophones. Il en profite pour faire monter les enchères. Faute de garanties, prévient-il, ce sera la cure d’opposition pour son parti. La manoeuvre ne trompe personne: il s’agit pour le CD&V d’obtenir de nouvelles concessions à l’heure où les négociations entrent dans la dernière ligne droite. L’attaque est d’autant plus prévisible que l'actuel gouvernement Wilmès a besoin de tous les soutiens pour prolonger son mandat de 15 jours avant de passer au vote de confiance, le 1er octobre à la Chambre.
Mais qu’obtenir de plus après le rabotage annoncé de la réforme de la loi sur l’IVG? Le poste de Premier ministre bien sûr, qui permettrait de faire accepter la Vivaldi à la Flandre. Le nom du chrétien-démocrate Koen Geens est volontiers cité. Celui du socialiste Johan Vande Lanotte lui est désormais opposé. L’un ferait pencher le gouvernement à droite. L’autre à gauche, ce qui le rendrait plus acceptable pour les socialistes francophones. Les paris sont ouverts…