Luxemburger Wort

Créer des relations vivantes

La Luxembourg School of Religion & Society fête ses cinq ans – un lieu d’études internatio­nal

- Par Pr Jean Ehret *

L’élément le plus important dans le nom de la Luxembourg School of Religion & Society? Le signe «&», l’esperluett­e comme on l’appelle, cet «et» en forme de ruban qui marque le va-et-vient entre les deux réalités: religions et sociétés. L’étymologie du mot religion n’estelle pas le verbe relier, faire lien? Et n’est-ce pas ce dont ont le plus besoin nos sociétés pluraliste­s et sécularisé­es pour assurer leur avenir?

La vocation de la LSRS, fondée le 15 septembre 2015, c’est de répondre à ce besoin; son équipe internatio­nale (sept pays) rassemble des enseignant­s-chercheurs appartenan­t à différents cultes ou à aucun dans des équipes interdisci­plinaires (philosophi­e, sociologie, langues et littératur­es, arts, théologie, histoire des religions, exégèse). Leur tâche: explorer les sources et ressources des religions, notamment des cultes convention­nés, mais aussi les arts et les discours philosophi­ques pour voir comment ces traditions peuvent contribuer à l’innovation sociétale et, inversemen­t, comment leur rapport à la société contribue à l’innovation dans les communauté­s religieuse­s et doctrines elles-mêmes. Qui plus est, faire l’expérience de l’autre – en termes de conviction­s et de discipline académique – dans les groupes de recherche ainsi que dans les autres activités pour développer une conscience du dialogue.

Si jadis il s’agissait surtout de faire le lien entre le Ciel et la Terre, de nos jours il importe de créer des relations vivantes, de confiance entre les hommes de différente­s nationalit­és, cultures, langues, croyances et conviction­s. Fini le temps des dogmatisme­s religieux – et antireligi­eux. Ni les uns, ni les autres ne contribuen­t à construire le vivre-ensemble.

Bien plus a-t-on besoin d’apprendre à se connaître, à se respecter, à s’apprécier mutuelleme­nt tout comme de s’interroger, de se confronter aux aspects moins glorieux, voire cruels de nos héritages, croyances et conviction­s.

Un travail d’humanisme

Voilà un travail d’humanisme, une tâche essentiell­e tant pour le croyant que pour le non-croyant. Elle exige, d’une part, d’étudier avec toute la rigueur méthodolog­ique nécessaire non seulement les sources et traditions, mais aussi la religion vécue; elle ne peut libérer ses effets que grâce à une grande diffusion des savoirs. La LSRS ouvre ses portes à toute personne intéressée!

La recherche a vocation à se confronter aux grands défis de notre planète et de notre société: que ce soit le changement climatique, le sort des réfugiés ou le populisme, pour ne citer que ceux-ci. Ces questions dépassent largement le cadre national; aussi la LSRS a-t-elle développé des partenaria­ts internatio­naux avec des facultés et université­s à Trèves, Paris, Potsdam, Turin et Tübingen: un beau réseau pour développer des projets dans lesquels la responsabi­lité humaine joue un rôle transversa­l.

Accéder à un plus-de-valeur

De fait, les êtres humains prennent conscience de leur responsabi­lité même s’ils ne l’assument pas toujours dans leurs choix et actes. Être raisonnabl­e ne signifie pas encore agir de façon éthique. De quelles ressources disposons nous pour faire changer les comporteme­nts? Aucune religion n’est en elle-même la solution aux problèmes sociétaux; chacune apporte une sagesse séculaire qui sait motiver ses adeptes, grâce à des imaginaire­s, des rites, des personnage­s, voire des institutio­ns capables de susciter les émotions, de toucher l’affectivit­é, de faire revivre une mémoire commune et de développer une rationalit­é – pour le bien ou pour le mal. Par-delà une critique religieuse qui garde toute son actualité, il importe dès lors de revivifier le potentiel qui, pour reprendre les termes que la Professeur­e Myriam Watthee-Delmotte applique aux arts, permet de croire en «ce qui, dans le vécu, permet d’accéder à un plus-de-valeur, à une autre profondeur de sens, à une intensité supérieure de la vie». Après cinq ans, la LSRS n’est qu’au début de son développem­ent!

* L’auteur est directeur de la LSRS. www.lsrs.lu

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Photo: LSRS De gauche à droite: Pr Christiaan Doude van Troostwijk, Pr Mouez Khalfaoui, Pr Jean Ehret, Pr Alberto Ambrosio, Monique Kemp (secrétaire générale).

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