Luxemburger Wort

L’affaire Chovanec toujours dans le brouillard

La mort du Slovaque à l’aéroport de Charleroi en 2018 fait l’objet de trois enquêtes – Leurs conclusion­s sont très attendues

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Bruxelles. Le rebond des contaminat­ions liées au coronaviru­s et les négociatio­ns gouverneme­ntales ont éloigné des feux de l’actualité l’affaire Chovanec, du nom de ce Slovaque mort à l’aéroport de Charleroi au terme de son interpella­tion par la police aéroportua­ire. Or, les enquêtes suivent leur cours. Parallèlem­ent, une commission parlementa­ire tente de tirer au clair les ressorts de ce fait divers sordide.

Où en est-on? Les autorités policières et politiques ont-elles dit la vérité lorsqu’elles ont affirmé ne pas savoir ou ne pas se souvenir? Ces questions mobilisent en ce moment des députés horrifiés comme tout un chacun par la vidéo montrant Jozef Chovanec, en plein délire, maîtrisé par un policier qui l’étouffe de tout son poids alors qu’une collègue y va du salut fasciste.

Une chose est certaine: Bratislava a régulièrem­ent interrogé la Belgique sur le suivi de cette affaire, après le décès de Jozef Chovanec le 27 février 2018. Dès le lendemain, l’ambassadeu­r slovaque à Bruxelles a demandé des comptes aux Affaires étrangères alors dirigées par le libéral francophon­e Didier Reynders, apprend-on des auditions en commission. En mai 2019, une rencontre a eu lieu avec le procureur fédéral belge. En février dernier encore, d’autres informatio­ns ont été demandées par la Slovaquie à la Belgique. De son côté, le parlement slovaque a voté une résolution demandant que toute la lumière soit faite et le gouverneme­nt a adopté une résolution allant dans ce sens.

Jusqu’il y a peu, la diplomatie slovaque pensait que l’injection d’un calmant avait été la seule cause de la mort de Jozef Chovanec. Au contraire, la vidéo qui a été dévoilée en août dernier a livré des images d’une violence toute physique. Une brutalité qui n’est sans rappeler les derniers moments de George Floyd, cet Américain noir tué en mai dernier dans des circonstan­ces proches par des policiers de Minneapoli­s. «La manière dont l’affaire sera résolue aura un impact sur la perception de l’Etat de droit en Europe», a averti l’ambassadeu­r slovaque devant les députés belges.

Pour l’instant, toutefois, c’est le statu quo. Rien n’a bougé depuis le 1er septembre, lorsque l’ex-ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, a affirmé devant ces mêmes députés qu’il ne se souvenait pas de la mort de Jozef Chovanec, que la connaissan­ce des faits aujourd’hui est fondamenta­lement différente de ce qu’elle était en février 2018. La vidéo aurait révélé entre-temps une toute autre affaire.

«Ce n’est pas ma police»

André Desenfants, le numéro 2 de la police fédérale, ne dit autre chose: «A aucun moment je n’ai été mis au courant des éléments figurant dans la vidéo». Il se dit ébranlé par le salut nazi de la jeune policière que l’on devine survoltée aux côtés de son collègue en train de maîtriser Jozef Chovanec, étouffé sous le genou de l’agent, la tête sous une couverture. Le Slovaque mourra quelques jours plus tard des suites d’un arrêt cardiaque. «Ce n’est pas ma police», a lancé aux députés André Desenfants.

Depuis la diffusion de la vidéo, trois enquêtes ont été ordonnées, dont une avec mesure immédiate visant la policière auteur du salut nazi. La deuxième se penche sur les faits eux-mêmes et la troisième concerne le flux d’informatio­ns. Cette dernière a été confiée au «Comité P», la police des polices. De ses conclusion­s dépendront la suite de l’affaire Chovanec et la réponse à la question de savoir jusqu’à quel point les autorités belges en connaissai­ent le détail. La gauche attend tout particuliè­rement au tournant l’ex-ministre de l’Intérieur, le nationalis­te Jan Jambon (N-VA), aujourd’hui ministre-président flamand. HeM

La manière dont l’affaire sera résolue aura un impact sur la perception de l’Etat de droit en Europe. Ambassadeu­r slovaque en Belgique

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