Alexander De Croo pilotera la Vivaldi
Sept partis se sont associés pour former la nouvelle coalition avec l’objectif de faire «fonctionner» la société
Une dernière visite chez le roi Philippe a scellé la conclusion de l’accord gouvernemental intervenu durant la nuit de mardi à mercredi entre les sept partenaires de la coalition Vivaldi qui dirigera la Belgique fédérale pendant les quatre années à venir.
Elle sera pilotée par le libéral flamand Alexander De Croo (44). Celui-ci s’impose face au socialiste francophone Paul Magnette, longtemps pressenti pour le poste. «Pour le 16, rue de la Loi, on a tiré à pile ou face, c’est tombé sur Alexander et c’est un excellent choix», a plaisanté Paul Magnette.
Le nouveau gouvernement sera composé des socialistes, des libéraux et des écologistes, chaque fois issus du sud et du nord du pays. Soit six partis auxquels s’arrime le CD&V chrétiendémocrate flamand. Cette majorité a été baptisée «Vivaldi», car elle rassemble quatre couleurs politiques, une palette complexe qu’un esprit imaginatif a associée aux «Quatre Saisons» du célèbre compositeur.
Lors de la conférence de presse qui a suivi la rencontre des deux formateurs avec le roi, Alexander De Croo a dit avoir «ressenti autour de la table (des négociations) cet esprit de trouver des solutions». «Pour un pays prospère», a-t-il continué, «un pays où tout le monde a des opportunités. Je suis convaincu que dans les mois, les années qui viennent, on va avoir besoin de tout le monde pour faire fonctionner notre société, pour répondre aux attentes de la population.»
Sortie du nucléaire confirmée
Quant à Paul Magnette, il souhaite maintenant «faire fonctionner cette équipe». «Ce ne sera pas facile, mais nous avons appris à nous connaître, avec des hommes et des femmes de talent. Notre pays a besoin de sérénité et de respect. On n'a pas toujours montré le bon exemple. Je n'ai qu'un souhait: que ces derniers jours soient le début d'un nouveau mouvement».
C’est le soulagement parmi les partenaires de Vivaldi. «Ce qui compte ici, c’est l’équilibre atteint entre les éléments de tous les partis», a estimé le chrétien-démocrate flamand Joachim Coens. «C’est un accord équilibré, ce n’était pas simple, car il y avait sept partis autour de la table. Il y a des éléments de développement durable, des éléments sociaux et des éléments de développement économique», a commenté pour sa part le libéral francophone Georges-Louis Bouchez. Même état d'esprit chez les socialistes flamands et chez les Verts.
Le résultat des négociations consiste en un accord gouvernemental qui prévoit notamment 3,3 milliards d'euros pour des politiques nouvelles, un milliard d'investissements et une croissance des dépenses de soins de santé de 2,5% par an. La sortie du nucléaire reste prévue pour 2025, mais le nouveau gouvernement se garde la possibilité de modifier ce calendrier à concurrence d’une production de 2 gigawatts d’électricité. La pension minimum pour une carrière complète est portée à 1.500 euros, etc.
Une opposition tenace
Lundi, le roi Philippe avait donné un peu de temps supplémentaire aux formateurs pour finaliser leur épure. Depuis, les négociations avaient repris essentiellement sur le budget, celui-ci tenant de la quadrature du cercle. Il fallait en effet donner une marge financière suffisante à des politiques et à des priorités fatalement différentes, sept partis s'apprêtant à monter au pouvoir. L’échéance du 1er octobre que s’étaient donnée les négociateurs est ainsi respectée. Mais il aura fallu un peu plus de seize mois pour que la Belgique ait un gouvernement fédéral.
Et presque deux ans pour qu’elle retrouve à sa tête un exécutif de plein droit. L’ancien gouvernement Michel, qui était en affaires courantes depuis décembre 2018 et la sortie fracassante de la N-VA de Bart De Wever, ne pouvait compter que sur une maigre minorité à la Chambre (38 sièges sur 150).
La coalition Vivaldi hérite d’un pays en souffrance économique. Tous les avertisseurs sont au rouge, même si la déglingue du PIB est moins forte qu’initialement annoncée. 2021 devrait être marquée par des faillites en cascade et une forte hausse du chômage.
La nouvelle majorité devra composer avec une opposition des plus tenaces. Dimanche, le Vlaams Belang (extrême droite) a réuni quelque dix mille personnes à la «frontière» entre Bruxelles et la Flandre pour dénoncer l’avènement d’un gouvernement jugé selon lui anti-démocratique, car ne représentant qu’une minorité de Flamands – les quatre partis flamands de la Vivaldi ne regroupent que 48% des électeurs du nord du pays.
Le leader de la N-VA nationaliste flamande Bart De Wever ne dit pas autre chose. Il voit dans le nouveau programme gouvernemental «une fête pour la cigale et une catastrophe pour la fourmi», la fourmi étant l’épargnant flamand que s’apprêterait selon lui à ruiner la cigale écologiste.
L’addition de la N-VA et du Vlaams Belang promet une opposition basée sur un axe «identitaire», bien davantage que socioéconomique, motivée par le combat nationaliste flamand versus l’Etat fédéral belge, expliquent les éditorialistes.