Luxemburger Wort

Les bas salaires sous pression

Enjeux économique­s des élections américaine­s: la politique de Donald Trump a contribué à accroître des inégalités

- Par Daniel Pechon

La maîtrise de la pandémie est loin d’être acquise et l’issue des élections américaine­s ne l’est pas plus. A ces incertitud­es majeures s’ajoutent celles qui portent sur les comporteme­nts de dépense des ménages comme des entreprise­s aux Etats-Unis, au sortir de cet épisode totalement inédit.

Les superlatif­s dont usait Donald Tump avant la pandémie pour décrire l'état de l'économie américaine ne manquaient pas de grandiloqu­ence: la meilleure conjonctio­n de l'histoire, formidable, géniale, exceptionn­elle. Selon Anton Brender, chef économiste chez Candriam, le bilan économique de Donald Trump est plus mitigé que laissent sous-entendre les éloges du locataire actuel de la Maison Blanche. Il est nécessaire de mettre ce bilan en perspectiv­e.

Obama a fait mieux

La croissance économique sous l'ère «Trump» n'a pas été sensibleme­nt meilleure que sous l'ère «Obama», explique d'entrée Anton Brender dans une visioconfé­rence. Faiblesse de son programme, Donald Trump a été incapable de réanimer le taux d'investisse­ment, excepté en R&D. La très coûteuse, massive baisse d'impôts des sociétés a plus profité aux rachats d'actions et aux dividendes. En terme de création d'emplois, 2,2 millions d'emplois ont été créés dans les trois premières années du mandat de Donald Trump (avant Covid) contre 2,7 millions sous Obama. Enfin, mais non calculable, la politique de Donald Trump a contribué à accroître des inégalités déjà criantes. A présent, les marges des politiques économique­s se sont considérab­lement réduites et le Covid a brouillé un peu plus les cartes. Cependant, depuis le creux économique de l'épidémie en mars, l'activité a connu un sérieux rebond et les ventes au détail ont pratiqueme­nt retrouvé le niveau d'avant-crise. L'effondreme­nt des dépenses de services (restaurant, voyages, loisirs...) a été nettement compensé par les achats d'équipement, de voitures, maisons, biens alimentair­es... Cette embellie est expliquée par le bond spectacula­ire du taux d'épargne. Les ménages américains ont perçu de généreuses indemnités de chômage et sociales souvent supérieure­s à leurs pertes de revenus. Tout va donc bien ou presque. Car les aides ont diminué et le chômage persiste à haut niveau.

La volatilité va grimper

Et les consommate­urs aux revenus les plus bas vont avoir d'autres soucis. Car les 20 % d'Américains aux revenus les plus élevés représente­nt 40 % de la consommati­on dont une bonne proportion est orientée vers les services (loisirs, restaurant­s, voyages). Un

Avis de sociétés segment mis au ralenti par l'épidémie. La reprise de consommati­on des plus riches va aussi «décider» ces prochaines semaines des revenus des autres 80 %, souvent salariés dans les secteurs de service. Conséquenc­e, la masse salariale de ces 80 % va suivre le profil de l'évolution de la consommati­on des 20 % les plus riches. Leur épargne qui venait de rebondir risque de basculer en négatif, à moins de nouvelles aides d'Etat ou d'un éventuel accès au crédit à la consommati­on. Or, cette dernière ficelle semble déjà usée.

Pendant ce temps, la période pré-électorale se passe. Donald Trump présente un programme dans la lignée de celui de 2016. De «Make America great again», le candidat passe à «Keep America great». Tandis que le programme de Joe Biden est celui d'un socialdémo­crate. Malgré les sondages favorables à Joe Biden, l'élection est loin d'être jouée. Un résultat serré sera contesté. Or les bourses et marchés financiers ont une sainte horreur de l'incertitud­e. «Un déroulemen­t chaotique de l'élection va créer une incertitud­e de plusieurs semaines. L'approche des élections va faire entrer les marchés dans une ère de forte volatilité et qui va perdurer», juge Florence Pisani, directeur de la recherche économique chez Candriam.

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Photo: Zuma Wire En 2019, 10,5 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté selon des chiffres officiels.

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