Le F-35 descendu par des députés belges
Les contre-performances du chasseur-bombardier américain attisent les critiques dans l'opposition au gouvernement De Croo
Aux yeux d’une partie du monde politique belge, l’achat du chasseur-bombardier américain F-35 serait une très mauvaise affaire. Mais comment dénoncer la commande de 34 exemplaires de cet appareil, un contrat évalué à quelque 3,8 milliards d’euros? C’est la question…
Tout au long de la législature précédente, l’énorme marché qui allait permettre de remplacer les F16 vieillissants par un nouvel appareil a fait débat. En dépit des avertissements portant sur son retard de développement et sur les multiples incidents techniques dont il aurait été l’objet, le F-35 fut préféré à ses concurrents français, suédois et européen. A l’époque, la NVA pro-atlantiste était à la manoeuvre. Seul un avion américain pouvait en outre transporter la bombe atomique (américaine) stockée sur la base de Kleine Brogel, dans le Limbourg. Depuis, le gouvernement du libéral Alexander
De Croo est arrivé aux affaires et la N-VA de Bart De Wever s’est installée durablement dans l’opposition. Ce changement de décor politique, mais aussi les temps financiers difficiles que promet d’engendrer la pandémie de coronavirus, voient le choix du F-35 remis en question.
A la Chambre, le député humaniste Georges Dallemagne n’y est pas allé de main morte : «Les EtatsUnis nous ont vendu une dinde pour financer leur aigle. Le F-35 est tellement peu fiable que l’armée américaine a réduit ses achats», a expliqué le parlementaire. Il ajoute que cet avion est «toujours mis en difficulté lors de combats avec d’autres appareils». Selon Dallemagne, «l’avionneur américain Lockheed-Martin consacre désormais toutes ses capacités et tous ses budgets au successeur du F-35, un avion de chasse de sixième génération dont un prototype a déjà volé en septembre». Ces réticences ne sont pas neuves, du moins en ce qui concerne la fiabilité du F-35 – «soldé » en 2018 à 80 millions d’euros l’exemplaire pour achever de convaincre la Belgique, selon certaines sources. Elles sont en tout cas toujours d’actualité pour le député
L'achat de 34 chasseurs-bombardiers américains F-35 coûtera 3,8 milliards d’euros à la Belgique. Dallemagne qui se demande si un «report de l’achat peut être envisagé».
La nouvelle ministre de la Défense, la socialiste Ludivine Dedonder, botte en touche. Elle évoque un futur «chantier d’actualisation eu égard à l’évolution de l’environnement géostratégique». S’ensuivra au cours de cette législature «un débat parlementaire sur l’actualisation des capacités de la Défense à l’horizon 2040.»
Le temps presse
Reste qu’il paraît impossible de faire passer à la trappe un contrat de commande pesant comme écrit ci-dessus 3,8 milliards d’euros dans un premier temps, et au total quelque 12,5 milliards d’euros d’ici 2040 en termes de logistique, d’entretiens des appareils, de formation des pilotes, etc. Quant à l’industrie belge, elle attend impatiemment de profiter des importantes contreparties commerciales à l’achat des F-35. Le temps presse.
Les F-16 vieillissent et n’ont plus toujours le niveau requis face à des appareils disposant d’une technologie dernier cri.
C’est la crédibilité de la Belgique en tant que partenaire de l’Otan et sa capacité à défendre le ciel du Benelux qui sont en jeu. Mais, dit-on à bonne source, il n’est pas interdit pour autant de demander des comptes aux EtatsUnis et d’obtenir certains arrangements. Parallèlement, l’opportunité de revenir vers le choix d’un avion européen est défendue par plusieurs parlementaires de la nouvelle majorité au nom de l’avènement si souvent espéré d’une défense qui porterait le drapeau de l’UE.
La capacité de la Belgique à défendre le ciel du Benelux est en jeu.