«Nous voulons négocier avec tout le monde»
Le président de l'Aleba Roberto Mendolia s'explique après la polémique sur la future convention collective bancaire
L'Aleba avait annoncé le 9 novembre un accord de principe avec l'Association luxembourgeoise des banques et banquiers (ABBL) et l'Association des compagnies d'assurance (ACA) pour une convention collective pour les années 2021-2023. L'annonce avait suscité la colère des syndicats OGBL et LCGB qui la considèrent comme une atteinte au front syndical commun. Quelques jours après la polémique, le président de l'Aleba Roberto Mendolia fait une mise au point.
Roberto Mendolia, les syndicats nationaux vous reprochent de jouer cavalier seul dans ces négociations sur la future convention collective.
Comment réagissez-vous à ces propos?
L'Aleba n'a certainement pas décidé de faire cavalier seul, c'est une désinformation des syndicats nationaux. Ceux-ci n'ont pas voulu nous écouter ni même accepter les réunions dans lesquelles nous voulions leur expliquer notre idée.
Que s'est-il passé exactement?
Le 9 novembre, l'Aleba a lancé un message de paix sociale et de stabilité pour le secteur. C'est un message qui se voulait rassurant pour tous les employés, pour toutes les entreprises. Concrètement, l'idée c'est de prolonger les conventions collectives actuelles de manière à ce que tout le monde sache à quoi s'en tenir et de les améliorer en intensifiant des commissions paritaires. En d'autres mots, cela veut dire: on reconduit les conventions avec des améliorations nécessaires aujourd'hui, selon les mêmes conditions que nous avions tous ensemble signées en 2018, et ensuite on intensifie les réunions de négociation en commissions paritaires pour sortir des avenants en disant par exemple: nous allons intégrer un chapitre télétravail dans la convention collective. Cela veut dire que nous travaillons à l'amélioration de la convention collective tout en ayant déjà gardé les acquis précédents sans risquer de les perdre dans un contexte qui s'annonce absolument morose par tous les analystes financiers.
Ce message n'a pas été compris?
La communication n'a pas été comprise. Mais il faut savoir aussi, qu'avant le 9 novembre, nous avions contacté l'OGBL pour savoir ce qu'il pensait d'une reconduction des conventions. Et là, nous avons été confrontés à un no go de la part de l'OGBL. Par ailleurs, les syndicats nationaux n'ont pas répondu à toutes les invitations que nous avons faites pour nous mettre autour de la table de négociation sans le patronat. J'ai ainsi envoyé quatre mails à l'OGBL, deux emails et une invitation verbale au LCGB, elles sont toutes restées sans réponse. Ce qui nous fait croire qu'il s'agit tout simplement d'une manoeuvre politique.
Qu'en est-il de la représentativité syndicale et de la possibilité de signer seule les conventions collectives pour le secteur financier? Cette question n'est toujours pas réglée ...
Il y a un grand amalgame autour de cette question. Il existe en réalité deux lois, une sur la représentativité et une autre sur les négociations de convention collective. Le seul point commun entre les deux, ce sont les 50 % de votes en entreprise. C'est cela qui implicitement donne la représentativité. C'est une question assez complexe et je salue le ministre du Travail qui ne répond pas à cette question rapidement, parce que cela nécessite effectivement un travail d'analyse derrière. Alors, lorsque nous regardons les chiffres de l'ITM (l'Inspection du travail et des mines), l'Aleba a la majorité dans les entreprises pour ce qui est du secteur financier, à savoir plus de 50 %, à l'exclusion des indépendants. Et donc, c'est ce qui donne à l'Aleba la possibilité de participer aux négociations de convention collective et potentiellement la possibilité de signer seule la convention collective, si elle devait en arriver là. Ce dont je doute fortement cependant, parce qu'encore une fois, c'est un message de paix que nous envoyons et que tout le monde devrait accepter, ou du moins écouter. Le but est maintenant de rallier tout le monde autour d'une cause qui est celle du bon sens.
Le secteur bancaire et celui des assurances ont bien résisté à la crise sanitaire. Le contexte est-il vraiment aussi difficile que vous le présentez?
Le problème, c'est que l'on parle de l'année en cours et il faut dire qu'il s'agit d'une année exceptionnelle pour tout le monde. Le problème, c'est ce qui va arriver dans les trois prochaines années. La crise du coronavirus, c'est une bombe à retardement pour le secteur financier. Nous avons les chiffres de l'ADEM qui montrent que le chômage a fortement augmenté déjà maintenant et qu'il va continuer d'évoluer vers le haut. Les entreprises, elles, s'endettent pour pouvoir s'en sortir, mais que se passe-t-il si elles n'arrivent plus payer leurs prêts? Les banques font déjà des réserves qui ont un impact direct sur leur bilan annuel et leur croissance supposée par rapport aux années précédentes. Tout cela va se ressentir fin de l'année prochaine. Les banques prévoyent aussi de limiter leurs investissements et surtout de diminuer leurs coûts opérationnels.
Je le répète, la bombe à retardement est là. Et surtout, il y a un risque là-derrière que nous nous retrouvions en train de négocier avec cette bombe à retardement qui explose réellement. Ces derniers jours, nous avons reçu des confirmations indiquant que les grands groupes vont licencier encore et que des plans sociaux vont arriver dans les prochains trois à quatre mois. Et donc je pense que nous devons tous, en attendant, voir comment sécuriser la place financière, les conditions et les acquis des salariés. D'où l'idée de reconduire ce que tous les syndicats ont accepté en 2018.
Quels sont les points à améliorer dans la prochaine convention collective?
Nous avons depuis septembre un cahier de revendications qui comprend déjà 41 points. Il y a par exemple la question du télétravail qu'il faut régler. La loi n'est pas encore prête, mais il y a une convention qui est sortie récemment. Idéalement, il faudrait écrire un article là-dessus qui va un peu plus loin que ce que prévoit la convention du Conseil économique et social. Cette convention parle du cas où l'employé de manière volontaire lève la main et dit qu'il veut travailler de la maison. Cela ne tient pas compte du fait que l'employeur dise: maintenant vous travaillez à partir de la maison. Là, le contexte juridique change. Il y a donc des corrections à apporter. D'autres améliorations concernent le temps de travail, les heures supplémentaires et les jours fériés légaux. Il reste donc encore beaucoup de travail! La question qui se pose est simple: pouvons-nous trouver des solutions en quatre ou cinq mois pour mettre tout cela en place? Je ne le crois pas, parce que cela va être un échange donnant-donnant qui va prendre du temps. C'est pourquoi une reconduction sur le principe même de l'ancienne convention, en garantissant une prime de juin, les augmentations de salaires et beaucoup d'autres acquis, nous paraissait une excellente idée.
C'est un message de paix sociale que nous lançons.
Quelles sont maintenant les prochaines démarches?
Je vais attendre l'invitation de l'ABBL et nous allons accepter une première réunion de négociation. Je vais encore une fois demander aux syndicats nationaux d'accepter de nous parler, éventuellement avant cette réunion pour nous accorder sur les principes et les points d'améliorations. Nous voulons négocier avec tout le monde. En tout cas, nous avons un discours rassembleur et non pas de désunion.
Des plans sociaux vont arriver dans les prochains trois à quatre mois.