Le «procès du siècle» reste dans le flou
La manière du procès contre les terroristes du 22 mars 2016 n’est toujours pas fixée
Les installations où se tiendra en 2022 le procès des attentats du 22 mars 2016 sont en travaux. Dix mois ont déjà été consacrés à la reconversion de vieux bâtiments sis dans la commune d’Haren (nordest de Bruxelles) en un méga-tribunal. Une ancienne cafétéria accueillera notamment la grande salle d’audience. 180 personnes pourront s’y retrouver dans le respect de la distanciation sociale.
L’endroit est connu de tous les Bruxellois puisqu’il accueillit l’Alliance atlantique de 1967 à 2018. Depuis, le siège de l’Otan s’est installé de l’autre côté du boulevard Léopold III, laissant vides des bâtiments auxquels le ministère belge de la Justice rend aujourd’hui vie. Il y flotte toujours l’odeur de la Guerre froide.
C’est là que Salah Abdeslam, Mohamed Abrini («l’homme au chapeau») et leurs complices présumés seront jugés. En tout, treize prévenus devront répondre de leurs actes.
Le 22 mars 2016, les bombes des terroristes avaient fait 22 morts et 340 blessés, sans compter les trois kamikazes qui avaient perdu la vie: les frères Bakraoui et Najim Laachraoui. Les audiences du «procès du siècle» devraient durer de sept à neuf mois, plus de trente mille questions ont été inventoriées, quelque 650 parties civiles demandent réparation. Les audiences de la chambre du conseil relatives au règlement de procédure de ce procès sont prévues dès lundi, du 7 au 18 décembre.
Le libéral flamand Vincent Van Quickenborne est le nouveau ministre de la Justice.
Vingt millions d’euros seront investis pour adapter et réhabiliter l’ex-siège de l’Otan. Une somme importante eu égard à l’enveloppe dont dispose la justice. D’où l’intention d’y organiser d’autres procès attirant la foule et/ou requérant un important dispositif policier.
Débat juridico-législatif
L’objectif est de soulager le palais de la place Poelart, un bâtiment monumental datant de 1883 et en perpétuelle réfection, qui ne correspond plus aux attentes d’une justice moderne.
Ces questions d’intendance se doublent d’un débat juridico-législatif. Faut-il aller aux Assises ou «descendre» au niveau correctionnel? Le nouveau ministre de la
Justice, le libéral flamand Vincent Van Quickenborne, demande au parlement de se prononcer sur la compétence de la Cour d’assises en matière de terrorisme avant la fin de l’année.
Deux camps s’opposent. Côté flamand, les nationalistes de la NVA et le Vlaams Belang (extrême droite) tentent de faire passer une révision de la Constitution qui retirerait à la cour d’assises les attentats terroristes. Ils craignent les soubresauts qui accompagnent traditionnellement le choix des jurés, les lourdeurs, la perspective d’un procès-fleuve, etc. Mais pour cela, il faudrait obtenir les deux tiers des voix au Parlement, ce qui paraît impossible. Côté francophone en effet, les Assises gardent de nombreux partisans.
En dépit des longues tractations qui ont précédé l’avènement du gouvernement De Croo le 1er octobre dernier, cette question n’a toujours pas été vidée. L’accord de majorité ne prévoit pas une réforme de la cour d’assises pour ce qui concerne les dossiers terroristes. Inspirée du modèle français, une nouvelle procédure pourrait toutefois être mise en place, selon certaines sources: elle verrait le jury populaire remplacé par cinq magistrats spécialisés. Une correctionnalisation des attentats du 22 mars est en revanche très peu probable.
La proposition de la N-VA d’obtenir une révision de la Constitution visant à retirer à la Cour d'assises la compétence de juger les affaires terroristes sera examinée la semaine prochaine à la Chambre.