L'université francophone belge bientôt plus exigeante
De nouvelles mesures devraient entrer en application à la rentrée 2021 dans l'enseignement supérieur
Un peu de sérieux, svp! Tel est le message que s’apprête à envoyer le monde politique francophone aux étudiants du supérieur. Le «décret Paysage» qui organise l’enseignement dans les hautes écoles et les universités est sur le point d’être revu afin d’en finir avec un mal qui hypothèque bien des cursus: la procrastination.
Procrastiner, c’est-à-dire remettre à demain ce qui peut être fait aujourd’hui. En matière d’enseignement, ce terme désigne l’attitude de ces milliers d’étudiants qui trimballent des échecs tout au long de leurs études en profitant d’un système devenu trop permissif.
Les effets pervers du «décret Paysage» appliqué dès 2014 par l’ancien ministre socialiste JeanClaude Marcourt sont connus. Les étudiants reportent d’année en année des échecs qui finissent par leur empoisonner la vie – alors qu’autrefois une non-réussite signifiait le redoublement voire l’exclusion. L’abaissement du niveau d’exigence engendre paradoxalement des formations plus longues et moins solides. Le tout produit une paperasserie qui épuise les secrétariats et un coût financier non négligeable pour la société.
Des diplômes dévalorisés
Que faire? Responsabiliser l’étudiant. C’est ce qu’entend faire le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles en charge de l'enseignement. Il se base sur des chiffres sans appel: au début des années 2010, dans l’ancien système donc, un étudiant sur trois réussissait son baccalauréat dans les temps. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’un sur quatre. Pour les étudiants venus des milieux moins favorisés (les «boursiers»), on est passé de 19 % à 11 %. Si le but du «décret Paysage» était de remplir l’ascenseur social, c’est un échec patent.
En 2018, 400 professeurs avaient déjà dénoncé les errements d’un système dévalorisant «les diplômes universitaires de la Belgique francophone, qui peuvent désormais être obtenus à l’usure». La libérale Valérie Glatigny, qui a succédé à Jean-Claude Marcourt à la tête de l’enseignement supérieur, veut en finir avec cette situation.
Les mesures qu’elle propose renvoient au temps où l’étudiant devait impérativement réussir, ou quitter l’université ou la haute école.
Ecarter les étudiants trop coûteux Plusieurs points n’ont pas encore été tranchés. Dès la rentrée 2021, un étudiant pourrait avoir l’obligation de réussir sa première année en deux ans maximum, sous peine d’être exclu du cursus entamé. En septembre dernier, la ministre expliquait vouloir «clarifier la notion de réussite». Fini de se contenter de 45 crédits (sur 60) en premier bac et de procrastiner ensuite pendant des années. Il faudra obtenir les 60 crédits endéans les deux ans. S’il n’en est pas capable, l’étudiant devra se réorienter.
Ceci n’est qu’un échantillon des mesures qui devraient ramener l'impétrant en un temps où les cadeaux n’avaient pas ou peu cours. A la marge, ce retour en arrière pourrait potentiellement améliorer la situation financière des hautes écoles et des universités en écartant un certain nombre d’étudiants devenus trop coûteux.
Ce serrage de vis intervient à un moment délicat. Les étudiants du supérieur suivent actuellement les cours en distanciel en raison de la crise sanitaire, même si certains examens pourront avoir lieu en présentiel en janvier. Revenir à un système d’évaluation moins permissif pourrait en décourager plus d’un, sachant que plusieurs enquêtes d’opinion ont révélé ces dernières semaines une baisse du moral et de la confiance en soi chez les jeunes. Au contraire, ceux qui ont besoin de défis pour se surpasser pourraient s’en trouver mieux.
Si le but du «décret Paysage» était de remplir l’ascenseur social, c’est un échec patent.