De Croo fait oublier De Wever aux Belges
Le nouveau Premier ministre réussit le pari de séduire le pays en dépit de sa politique sanitaire rigoriste
Deux mois. Deux bons mois auront suffi à Alexander De Croo pour faire oublier Sophie Wilmès au 16 rue de la Loi. Le nouveau Premier ministre belge cartonne en effet dans les sondages. Le dernier en date fait de lui la personnalité la plus populaire de Flandre. Et la seconde à Bruxelles et en Wallonie.
Ce score est inattendu. Le 1er octobre dernier, lors de l’entrée en scène de la coalition Vivaldi, tout semblait indiquer qu’Alexander De Croo et son Open VLD allaient payer cher le fait d’avoir laissé la N-VA de Bart De Wever sur le bord du chemin. Si le libéral était devenu ce jour-là Premier ministre, ce n’était guère que pour apaiser la Flandre, minoritaire au sein du nouveau gouvernement en dépit de son poids démographique. Il devait sa promotion au Parti socialiste francophone de Paul Magnette, devenu un habile faiseur de roi. La majorité nationaliste flamande, elle, se retrouvait sur les bancs de l’opposition.
Le covid a changé la donne
En temps normal, une telle configuration aurait inévitablement ramené la Belgique vers ses querelles communautaires, Flamands contre francophones. Mais le covid a changé la donne. Et Alexander De Croo réussit le pari de gagner en popularité bien qu’il ait refusé dans toutes les langues d’assouplir le confinement lors de la fête de Noël. Un exploit…
Son atout? Cette force tranquille qui contraste avec son allure de gendre idéal et son passé de pyromane politique. Elle rassure, même lorsque Alexander De Croo évoque l’inquiétante valsehésitation des contaminations et aligne les différentes mesures de confinement. Avec le ministre de la Santé, le socialiste flamand Frank Vandenbroucke, ils forment un duo soudé, le rempart de tout un peuple face au covid. Les coups bas venus de certains partis de la
Selon les derniers sondages Alexander de Croo est la personnalité la plus populaire de Flandre. coalition Vivaldi, et particulièrement du Mouvement réformateur libéral francophone, ne les ont pas (ou peu) fait plier. Huit Belges sur dix leur renvoient la politesse en jurant la main sur le coeur qu’ils respecteront les règles sanitaires lors du réveillon de Noël…
De là à conclure que le covid rassemble les Belges autour de personnalités consensuelles, il n’y a qu’un pas. La preuve par la contre-performance de la très clivante N-VA de Bart De Wever – qui descend sous les 20 % d’intentions de vote. Le Vlaams Belang (extrême droite) reste toutefois le premier parti du pays, du moins dans les urnes. L’ensemble du gouvernement De Croo ne convainc d’ailleurs que 40 % des sondés.
La crainte d'une troisième vague Ce succès est donc fragile. Une grande majorité des Belges craigne en effet une troisième vague, alors que la seconde peine à s’évaporer. Beaucoup s’attendent à ce qu’un Noël indiscipliné ne tourne au rebond pandémique, à la manière du dernier Thanksgiving américain et canadien. Un sursaut des contaminations pourrait saper les bases du gouvernement De Croo, dans la mesure où il mettrait à mal l'adhésion aux mesures adoptées. Ici comme ailleurs, beaucoup dépendra de l’arrivée d’un vaccin…
Dans une interview à «L’Echo» et au «Tijd», le président de la N-VA Bart De Wever fait savoir qu’il n’abandonne pas la partie. «Nous devons maintenant voir quelle sera la situation en 2024. Au mieux, les résultats des élections seront si dévastateurs pour les libéraux – qui nous ont abandonnés et ont déshabillé la Flandre en échange du 16 rue de la Loi – que le basculement vers le confédéralisme sera inévitable», prédit-il. De Wever compte alors négocier une réforme de l’Etat avec cette nouvelle génération de socialistes francophones pour laquelle le confédéralisme n’est pas un gros mot.