Luxemburger Wort

Un «procès de Nuremberg» en gestation en Syrie

Un représenta­nt des victimes des attentats de Bruxelles prône le jugement de djihadiste­s belges au Kurdistan même

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Impression­nante. Il n’y a pas d’autre mot pour qualifier la juge qui pourrait demain présider le procès des dix ou quinze djihadiste­s belges enfermés en Syrie. Face aux atrocités qu’a fait subir Daech aux siens, cette Kurde astreinte à l’anonymat évoque la nécessité d'une justice équitable, le droit des peuples et les lois internatio­nales. «Un membre de Daech qui a commis les pires crimes a le droit d’être défendu, d’informer sa famille, d’avoir un jugement», a-t-elle assuré à plusieurs médias belges présents au Rojava (Kurdistan syrien). Menacée par ceux qui n’entendent pas voir l’Etat islamique disparaîtr­e, elle passe aussi pour «traître et criminelle» auprès du régime de Bachar Al-Assad.

C’est dans cette atmosphère sulfureuse que pourrait se tenir un jour le procès des Belges qui ont rejoint à partir de 2012-2013 les rangs de l’Etat islamique. Ils auraient été de 400 à 500, selon divers rapports. Depuis la fin des combats, une bonne partie d’entre eux sont revenus au pays. D’autres sont morts. Enfin, ils sont une poignée à croupir dans les geôles kurdes sans avoir été jugés. La Belgique a jusqu’ici rechigné à «ré-importer» ces terroriste­s potentiels.

Les Kurdes n’ont toutefois pas vocation à détenir éternellem­ent des «foreign terrorist fighters» (FTF) en attente de jugement. Les magistrats de la haute cour de justice du Rojava appellent donc à une collaborat­ion entre les justices belge et kurde. Mais les choses traînent. Le nouveau ministre de la Justice, le libéral flamand Vincent Van Quickenbor­ne, promet d’examiner le dossier prochainem­ent.

Un homme singulier apparaît dans ce décor judiciaire d’aprèsguerr­e: Philippe Vansteenki­ste est le directeur de V-Europe, une des deux associatio­ns de défense des victimes belges du terrorisme nées après les attentats bruxellois du 22 mars 2016. Ce jour-là, il a perdu sa soeur dans l’explosion des bombes de Brussels Airport. Meurtri, Philippe Vansteenki­ste aurait pu prôner la haine et la vengeance. Il s’est au contraire transformé en un messager de justice dans les territoire­s où les djihadiste­s occidentau­x ont sévi.

Comparaiso­n avec le «procès de Nuremberg»

Le directeur de V-Europe multiplie les allers-retours entre la Belgique et la Syrie afin de contribuer à la mise en place des procès de djihadiste­s. «Depuis deux ans, a-t-il expliqué au ‘Soir’, V-Europe est en contact avec le Kurdistan syrien. L’objectif en Syrie est que des informatio­ns correctes parviennen­t aux victimes des attentats et ensuite que nous puissions nous constituer partie civile aux procès qui auront peut-être lieu ici.» Et il poursuit: «Pour les victimes, il est essentiel qu’on analyse les choses à fond et que les coupables soient jugés correcteme­nt. On peut établir une comparaiso­n avec Nuremberg: si on arrête les personnes travaillan­t dans les camps de concentrat­ion mais qu’on ne va pas chercher ceux qui ont pensé le système, c’est extrêmemen­t dommageabl­e. »

Reste à convaincre les Etats parties prenantes au dossier de l’intérêt d’une telle justice. Le Rojava ne pratique pas la peine de mort. Mais il faut aussi des moyens humains et financiers. Et une bonne dose de volonté politique…

V-Europe compte installer une antenne en Syrie, mais aussi en Irak «car Daech était aussi présent au Kurdistan irakien. Beaucoup de victimes de Daech en Syrie se sont réfugiées en Irak. On y va aussi pour recueillir des informatio­ns ou des preuves, notamment à Mossoul qui était la capitale de Daech en Irak», a confié à la presse Philippe Vansteenki­ste.

Pour les victimes, il est essentiel qu’on analyse les choses à fond et que les coupables soient jugés correcteme­nt. Philippe Vansteenki­ste, directeur de V-Europe

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