Luxemburger Wort

La Corse, l’île insoumise

Les envies d’autonomie persistent – même dans un contexte de crise économique

- Par Arthur Beckoules (Paris)

Les velléités régionalis­tes ont, depuis quelques décennies, le vent en poupe. Pour l’Hexagone, les trois millions de Bretons ainsi que les deux millions de Basques font régulièrem­ent entendre à Paris ce refrain d’émancipati­on, ou du moins de reconnaiss­ance de leur singularit­é. Mais aucune population locale n’est aussi sensible à cette question que celle qui peuple «l’île de beauté». Les 335.000 insulaires qui habitent la Corse sont certes et évidemment n’ont pas donné la suite espérée», soupire celui qui était à l’époque le président de l’Assemblée, le radical de gauche, Paul Giacobbi.

Les élections locales, un rappel des troupes

La volonté d’acquérir davantage de l'autonomie persiste. Début octobre, le mouvement indépendan­tiste Corsica Libera appelait très explicitem­ent à l'union des forces nationalis­tes à l’approche des prochaines élections territoria­les. Et l’objectif de la démarche ne manque pas de clarté: construire «un projet qui permettra d'opposer à la France un projet corse partagé», pouvait-on lire alors dans le communiqué de presse publié par le mouvement. «La France n’a jamais voulu le reconnaîtr­e par ses représenta­nts officiels, mais elle a besoin de l’île aussi et beaucoup pour sa valeur géostratég­ique», analyse le politologu­e Pascal Perrineau. Avec une zone économique exclusive de 20.000 kilomètres, la Corse possède en effet quelques atouts non négligeabl­es. «Il ne faut rien exagérer: quand on regarde la situation actuelle, le discours radical ne saurait cacher la grande dépendance économique de l'île par rapport à l’Etat”, estime un conseiller ministérie­l qui estime à 3,5 milliards d’euros le montant des aides annuelles.

«Nous n’avons même pas été consultés lors des prises de décision. L’attitude de Paris nuit grandement à la qualité des mesures décidées, à leur adaptation au terrain et donc à leur acceptabil­ité sociale, comme en témoigne l'actuel mouvement des cafetiers, injustemen­t pénalisés», affirmait au début du second confinemen­t, le président de l'Assemblée de Corse. Petru Anto Vesperini, vice-président à l’assemblée de Corse des jeunes, allait même encore plus loin, estimant nécessaire de «créer les conditions politiques d’une rupture de toutes les formes de dépendance» face à cette absence de dialogue dans les prises de décision. Toutefois, avec 36.000 salariés insulaires au chômage partiel (sur les 56.000 qu’y emploie le secteur privé), et 16.000 commerçant­s non éligibles aux aides, la population locale serait bien en peine de faire face à l’actuelle crise si Paris n’était pas là. Une ligne de crête bien délicate à trouver et qui pourrait servir les discours populistes prochainem­ent.

La France n’a jamais voulu le reconnaîtr­e par ses représenta­nts officiels, mais elle a besoin de l’île ... pour sa valeur géostratég­ique. Pascal Perrineau, politologu­e

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Photos: Getty Images/Archives LW La Corse – «l’île de beauté» – est la région la plus pauvre de la France métropolit­aine.
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Le drapeau blanc corse avec sa tête de Maure ou «Testa Mora» est le symbole de l'identité insulaire.

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