La Corse, l’île insoumise
Les envies d’autonomie persistent – même dans un contexte de crise économique
Les velléités régionalistes ont, depuis quelques décennies, le vent en poupe. Pour l’Hexagone, les trois millions de Bretons ainsi que les deux millions de Basques font régulièrement entendre à Paris ce refrain d’émancipation, ou du moins de reconnaissance de leur singularité. Mais aucune population locale n’est aussi sensible à cette question que celle qui peuple «l’île de beauté». Les 335.000 insulaires qui habitent la Corse sont certes et évidemment n’ont pas donné la suite espérée», soupire celui qui était à l’époque le président de l’Assemblée, le radical de gauche, Paul Giacobbi.
Les élections locales, un rappel des troupes
La volonté d’acquérir davantage de l'autonomie persiste. Début octobre, le mouvement indépendantiste Corsica Libera appelait très explicitement à l'union des forces nationalistes à l’approche des prochaines élections territoriales. Et l’objectif de la démarche ne manque pas de clarté: construire «un projet qui permettra d'opposer à la France un projet corse partagé», pouvait-on lire alors dans le communiqué de presse publié par le mouvement. «La France n’a jamais voulu le reconnaître par ses représentants officiels, mais elle a besoin de l’île aussi et beaucoup pour sa valeur géostratégique», analyse le politologue Pascal Perrineau. Avec une zone économique exclusive de 20.000 kilomètres, la Corse possède en effet quelques atouts non négligeables. «Il ne faut rien exagérer: quand on regarde la situation actuelle, le discours radical ne saurait cacher la grande dépendance économique de l'île par rapport à l’Etat”, estime un conseiller ministériel qui estime à 3,5 milliards d’euros le montant des aides annuelles.
«Nous n’avons même pas été consultés lors des prises de décision. L’attitude de Paris nuit grandement à la qualité des mesures décidées, à leur adaptation au terrain et donc à leur acceptabilité sociale, comme en témoigne l'actuel mouvement des cafetiers, injustement pénalisés», affirmait au début du second confinement, le président de l'Assemblée de Corse. Petru Anto Vesperini, vice-président à l’assemblée de Corse des jeunes, allait même encore plus loin, estimant nécessaire de «créer les conditions politiques d’une rupture de toutes les formes de dépendance» face à cette absence de dialogue dans les prises de décision. Toutefois, avec 36.000 salariés insulaires au chômage partiel (sur les 56.000 qu’y emploie le secteur privé), et 16.000 commerçants non éligibles aux aides, la population locale serait bien en peine de faire face à l’actuelle crise si Paris n’était pas là. Une ligne de crête bien délicate à trouver et qui pourrait servir les discours populistes prochainement.
La France n’a jamais voulu le reconnaître par ses représentants officiels, mais elle a besoin de l’île ... pour sa valeur géostratégique. Pascal Perrineau, politologue