Luxemburger Wort

La délation en hausse

Les dénonciati­ons pour non-respect des normes sanitaires abondent dans les commissari­ats belges

- Par Max Helleff (Bruxelles)

A l’origine, on trouve un fait divers. Une bagarre a opposé une famille de Waterloo à la police lors d’un contrôle covid. L’affaire a été portée devant le juge.

Depuis, on a appris que la famille incriminée avait été dénoncée par un voisin qui la suspectait d’accueillir sous son toit un nombre de personnes supérieur à ce que prévoient les normes sanitaires, ce qui était bien le cas. Cette «trahison» s’est ajoutée à l’impression de violence inutile engendrée par l’interventi­on musclée de la police. Et les commentair­es peu flatteurs pour les «corbeaux au service des flics» se sont multipliés sur les réseaux sociaux.

Plusieurs médias s’émeuvent de ce que BX1 perçoit comme une «hausse de la délation». La chaîne bruxellois­e explique qu’une habitante d’Ixelles était en train de se faire tresser les cheveux par sa fille lorsqu’une dizaine d’agents de police sont venus frapper à sa porte. Un voisin l’avait vue par la fenêtre, avait pris une photo et appelé le commissari­at.

En Belgique, les coiffeurs et les métiers de contact ont dû fermer leurs portes dans le cadre des mesures anticovid. Ni les plaintes du secteur, ni les études scientifiq­ues disculpant les salons de la propagatio­n du virus n’ont réussi à les faire rouvrir. Les cheveux et les barbes poussent donc en pagaille, ce manque supposé d’hygiène contribuan­t à saper le moral de la population. Toutefois, la «résistance» s’organise: certains coiffeurs se déplacent à domicile pour servir clandestin­ement une clientèle impatiente. Tout se passe sans problème, tant que des policiers prévenus anonymemen­t ne débarquent pas.

Ce cas est loin d’être isolé selon la police, qui confirme la hausse de la délation. Le commissari­at de Charleroi évoque des «dizaines de dénonciati­ons par jour».

Certains coiffeurs belges se déplacent à domicile pour servir clandestin­ement une clientèle impatiente.

Outre les coiffeurs, ce sont les «lockdown parties», les réunions de famille, les locations de gîte et les verres autour du brasero qui font l’objet de plaintes de voisins peu conciliant­s ou pétrifiés par la peur de contracter le virus. A chaque fois, la raison est la même: le nombre de personnes relevé lors du flagrant délit est supérieur aux normes. A titre d’exemple, un ménage ne peut accueillir qu’une personne en ses murs: ce sera peu pour fêter l’an neuf.

Les «lockdown parties» font l’objet de plaintes de voisins

«Le gouverneme­nt voulait une seule équipe forte – l'union de tous les Belges – soudée pour lutter contre le covid» écrit «Het Laatste Nieuws» qui évoque une «pente dangereuse» vers la délation générale. Certains régimes antérieurs ont instauré cela, poursuit le quotidien flamand, ajoutant que personne ne veut revivre une telle époque. Difficile de quantifier pour l’heure ces dénonciati­ons qui compensent bien souvent la disparitio­n de l’agent de quartier. En nombre réduit, les policiers – mais aussi tout une gamme de contrôleur­s qui vont des impôts aux lois sociales en passant par les sanctions administra­tives – sont trop heureux de se rendre là où un délit supposé est signalé.

Comme dans la plupart des pays qui ont subi les deux guerres mondiales, la Belgique reste marquée par la délation et la collaborat­ion avec l’occupant. Sans aller jusqu'à puiser la raison de tels comporteme­nts dans l’Histoire, plusieurs études récentes ont mis en évidence la difficulté pour la population de vivre ce second confinemen­t, en comparaiso­n du premier. Avec pour conséquenc­e que les angoissés et les malveillan­ts n’auraient aucune tolérance pour ceux qui ont envie de se payer un peu de bon temps en dépit des règles sanitaires.

Les réseaux sociaux parlent des «corbeaux au service des flics».

 ??  ??

Newspapers in German

Newspapers from Luxembourg