La délation en hausse
Les dénonciations pour non-respect des normes sanitaires abondent dans les commissariats belges
A l’origine, on trouve un fait divers. Une bagarre a opposé une famille de Waterloo à la police lors d’un contrôle covid. L’affaire a été portée devant le juge.
Depuis, on a appris que la famille incriminée avait été dénoncée par un voisin qui la suspectait d’accueillir sous son toit un nombre de personnes supérieur à ce que prévoient les normes sanitaires, ce qui était bien le cas. Cette «trahison» s’est ajoutée à l’impression de violence inutile engendrée par l’intervention musclée de la police. Et les commentaires peu flatteurs pour les «corbeaux au service des flics» se sont multipliés sur les réseaux sociaux.
Plusieurs médias s’émeuvent de ce que BX1 perçoit comme une «hausse de la délation». La chaîne bruxelloise explique qu’une habitante d’Ixelles était en train de se faire tresser les cheveux par sa fille lorsqu’une dizaine d’agents de police sont venus frapper à sa porte. Un voisin l’avait vue par la fenêtre, avait pris une photo et appelé le commissariat.
En Belgique, les coiffeurs et les métiers de contact ont dû fermer leurs portes dans le cadre des mesures anticovid. Ni les plaintes du secteur, ni les études scientifiques disculpant les salons de la propagation du virus n’ont réussi à les faire rouvrir. Les cheveux et les barbes poussent donc en pagaille, ce manque supposé d’hygiène contribuant à saper le moral de la population. Toutefois, la «résistance» s’organise: certains coiffeurs se déplacent à domicile pour servir clandestinement une clientèle impatiente. Tout se passe sans problème, tant que des policiers prévenus anonymement ne débarquent pas.
Ce cas est loin d’être isolé selon la police, qui confirme la hausse de la délation. Le commissariat de Charleroi évoque des «dizaines de dénonciations par jour».
Certains coiffeurs belges se déplacent à domicile pour servir clandestinement une clientèle impatiente.
Outre les coiffeurs, ce sont les «lockdown parties», les réunions de famille, les locations de gîte et les verres autour du brasero qui font l’objet de plaintes de voisins peu conciliants ou pétrifiés par la peur de contracter le virus. A chaque fois, la raison est la même: le nombre de personnes relevé lors du flagrant délit est supérieur aux normes. A titre d’exemple, un ménage ne peut accueillir qu’une personne en ses murs: ce sera peu pour fêter l’an neuf.
Les «lockdown parties» font l’objet de plaintes de voisins
«Le gouvernement voulait une seule équipe forte – l'union de tous les Belges – soudée pour lutter contre le covid» écrit «Het Laatste Nieuws» qui évoque une «pente dangereuse» vers la délation générale. Certains régimes antérieurs ont instauré cela, poursuit le quotidien flamand, ajoutant que personne ne veut revivre une telle époque. Difficile de quantifier pour l’heure ces dénonciations qui compensent bien souvent la disparition de l’agent de quartier. En nombre réduit, les policiers – mais aussi tout une gamme de contrôleurs qui vont des impôts aux lois sociales en passant par les sanctions administratives – sont trop heureux de se rendre là où un délit supposé est signalé.
Comme dans la plupart des pays qui ont subi les deux guerres mondiales, la Belgique reste marquée par la délation et la collaboration avec l’occupant. Sans aller jusqu'à puiser la raison de tels comportements dans l’Histoire, plusieurs études récentes ont mis en évidence la difficulté pour la population de vivre ce second confinement, en comparaison du premier. Avec pour conséquence que les angoissés et les malveillants n’auraient aucune tolérance pour ceux qui ont envie de se payer un peu de bon temps en dépit des règles sanitaires.
Les réseaux sociaux parlent des «corbeaux au service des flics».