En guerre contre l'écocide
La Belgique voudrait faire sanctionner les grands pollueurs par la CPI
Après des années d’inaction environnementale, la Belgique est aujourd'hui le premier pays européen à plaider en faveur de l’extension de la compétence de la Cour pénale internationale (CPI) au crime d'écocide. Ecocide, soit la destruction intentionnelle de systèmes écologiques causant des dégâts graves, étendus et durables, affectant tout ou en partie l'écosystème terrestre.
La ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès demande en effet aux 123 Etats parties au Statut de Rome – qui a institué la CPI en 2002 – d’examiner «la possibilité d'introduire les crimes dits d’écocide». La destruction des systèmes écologiques s’ajouterait ainsi aux crimes de guerre, aux crimes contre l'humanité, au génocide et au crime d'agression.
Les années Michel sont de toute évidence rangées au placard. Sous le gouvernement emmené de 2014 à 2018 par le libéral francophone (la «Suédoise»), l’environnement et l’écologie ont souvent fait figure de parents pauvres. Ce temps-là semble révolu.
De nombreux obstacles
Non seulement la Belgique s’est ralliée récemment à l’objectif européen de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030. Mais elle veut aussi devenir le premier pays européen à rejoindre le Vanuatu et les Maldives dans le souhait de juger les «écocidaires» présumés. L’arrivée au pouvoir de la coalition «Vivaldi» incluant les écologistes flamands et francophones a changé la donne.
Les obstacles sont toutefois nombreux. Pour l’instant, le Statut de Rome retient «les dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel» uniquement dans un cadre armé s'ils sont «excessifs». Or, surexploiter la forêt amazonienne au risque de la détruire ou être à l’origine d’une pollution marine aux hydrocarbures n’a a priori rien à voir avec les atrocités commises lors d’un conflit. D’où l’insistance mise par les environnementalistes, dont la Suédoise Greta Thunberg, à promouvoir la notion d’écocide au plus haut niveau de la justice internationale et à punir les «tueurs» d’écosystèmes.
Leurs actions trouvent aujourd’hui un écho certain, même si le covid a pris le dessus sur la scène politique et médiatique. On se souvient ainsi que le président français Emmanuel Macron a reçu Greta Thunberg à l’Elysée en février 2019. Quant au pape François, il a émis le voeu que les conduites «considérées comme écocides (ne) restent pas impunies» en pointant «la contamination massive de l’air, des ressources de la terre et de l’eau».
Ces appuis contribuent à renforcer la conscience parmi la population que, si rien n’est fait aujourd’hui, l’addition environnementale qu’auront à payer les générations futures sera énorme. Reste toutefois à savoir à partir de quel niveau de destruction il est pertinent de parler d’écocide.
La Cour pénale internationale, qui poursuit aujourd’hui des personnes, devrait par ailleurs être en mesure de sanctionner des entreprises ou des Etats réputés pollueurs. Il faudra aussi s’interroger sur la «préméditation»: l’écocide est-il volontaire ou fortuit? En France, une proposition de loi socialiste visant également à punir l’écocide a été victime de son manque de précisions.
En Belgique, le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne a promis de se pencher sur l'introduction de l’écocide dans le droit pénal. Il n’est donc pas impossible qu’à l’avenir, en vertu du principe de compétence universelle qui permet de poursuivre des personnes ayant un lien même ténu avec la Belgique, de grands pollueurs se retrouvent jugés à des milliers de kilomètres de chez eux.
Les années Michel sont de toute évidence rangées au placard.