Tant de divisions autour d’un ticket unique
Il a fallu deux décennies et une longue guerre de tranchées institutionnelles pour que voyager dans Bruxelles devienne plus simple
Vu de l’étranger, cela peut paraître un détail. Dès le 1er février, il sera possible d’emprunter les quatre réseaux de transports publics présents à Bruxelles avec un seul et même ticket. Le «Brupass» sera vendu au prix de 2,4 euros. Il permettra d’emprunter la Stib (le métro et les bus bruxellois), mais aussi le Tec (les bus wallons), De Lijn (les bus flamands) et la SNCB (les chemins de fer nationaux) qui convergent vers la capitale. Précision importante: le transport de et vers l’aéroport de Bruxelles-National sera toujours soumis à un tarif particulier.
Le «Brupass» remplacera les titres de transports existants. Un «Brupass XL» vendu trois euros donnera accès à un périmètre élargi de 11,5 kilomètres autour des 19 communes bruxelloises. «Soit 52 gares et près de 1.400 trains par jour, et plus de 2.800 arrêts de bus, tram et métro», expliquent les initiateurs du projet.
Ce qui passerait ailleurs pour une simple opération commerciale fait ici office d’exploit. Car il y a 20 ans que l’idée de ce ticket unique est dans l’air. Elle aurait dû pourtant aller de soi dans une ville qui vante le recours aux transports en commun au motif qu’il faut lutter contre les embouteillages et la pollution.
Un lien simple et efficace entre la capitale et les campagnes En 2008 encore, écrit l’hebdomadaire «Télémoustique», la société Syntigo «clamait dans la presse avoir réalisé des tests concluants pour un ticket de transport en commun unique pour toute la Belgique. Avec le même billet, vous pourriez prendre le bus de votre village jusqu’à la gare, puis le train jusqu’à la capitale et utiliser ses métros et trams. L’idée était de proposer un tel service dès 2010.»
Il aura donc fallu attendre onze années de plus pour que gouvernements (les régionaux et le fédéral) et sociétés de transports s’accordent sur un seul système de billetterie dans la capitale. Au passage, Belges et étrangers ont été heureux d’apprendre que de meilleures correspondances entre train, tram et bus seront établies à l’avenir.
Le projet en annonce un autre: la relance du RER, véritable serpent de mer de la mobilité belge. Depuis une trentaine d’années, il est en effet question de ce mode de transport ferroviaire qui, à une cadence soutenue, établira un lien simple et efficace entre la capitale et les campagnes qui l’entourent.
Le RER devrait être terminé en 2026
Otage de tracasseries locales et de guerres interrégionales depuis trois décennies, le RER n’est toujours pas en activité dans la zone francophone qui borde Bruxelles par le sud. Le voyageur qui parcourt le rail entre Ottignies et la capitale peut ainsi voir des tronçons terminés depuis belle lurette alors que d’autres restent en jachère. Selon les derniers pronostics, le RER devrait être terminé en 2026. S’il estime que cette fois «les astres sont alignés», le ministre de la Mobilité Georges Gilkinet refuse néanmoins de s’avancer sur une date de fin de chantier.
«Le fédéralisme belge se fout de l’expérience utilisateur. Et c’est assez simple à comprendre. Les régions ont été pensées sur une base territoriale, sans hiérarchie entre les niveaux de pouvoir. Chacun a raison tout seul», explique la chaîne publique RTBF.
Et son chroniqueur de rappeler que, dans le dossier RER, l’égoïsme des régions a souvent primé. Bruxelles craignait un exode urbain des classes moyennes – bien réel – que le RER viendrait renforcer. La Flandre ne voulait pas qu’un énième moyen de transport ne contribue à alimenter la «tache d’huile» francophone en son territoire, etc ...
50 ans se sont écoulés depuis la première réforme de l’Etat belge et ce chantier-là reste lui aussi inachevé.
Il y a 20 ans que l’idée de ce ticket unique est dans l’air.