Luxemburger Wort

Emile Hemmen: le «dernier retranchem­ent»1

Le poète Emile Hemmen est décédé le 8 janvier 2021.

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A l’annonce de sa disparitio­n, une poignée de mots spontanéme­nt revenus à l’esprit et au coeur: «Arrose les pierres, un jour elles fleuriront.»

Ces quelques mots, extraits du recueil «Dans le miroir du temps»2 , témoignent de la patience et de la passion qui ont caractéris­é la démarche non seulement de la poésie d’Emile mais aussi de sa pratique de la vie en général. Ce réfractair­e, bon, généreux, engagé, ouvert à autrui, a vécu dans et par les «mots sans remords»3 . Les titres de ses nombreux recueils ou anthologie­s publiés sur son initiative «Partages», «Dialogues», «Audelà du désespoir», «A hauteur d’homme», se lisent comme les axes d’un programme humanitair­e et amoureux: « Souffles partagés. J’écoute tes yeux …».

Emile savait, avec René Char, que «les mots savent de nous, ce que nous ignorons d’eux». Et ce savoir, il le partageait volontiers avec ses amis poètes et artistes qu’il fréquentai­t, à savoir e. a. Nic Klecker, Roger Bertemes, Emile Kirscht, François Schortgen, Raymond Weiland, Nico Thurm, Henri Kraus, Marc Friesing ou Georges le Bayon.

C’est de ce «partage», de ce «dialogue» entre Nic Klecker et Emile Hemmen qu’est née, en 1986, sur les rives de l’Alzette, «comme une promesse»4, la revue culturelle «Estuaires», qui au fil des ans a donné la parole à des centaines de poètes et d’artistes venus des quatre coins du monde.

Aujourd’hui, les éditions «Estuaires» ont cessé de publier la revue pour ne pas puiser dans les fonds de tiroir, mais continuent de publier des recueils des voix majeures de la poésie d’expression française, comme José Ensch, Marcel Migozzi, Anise Koltz, Gaspard Hons, Paul Mathieu et évidemment Emile Hemmen.

L’écriture et le soutien sans faille de Marie-Jeanne ont permis à Emile «de se maintenir dans l’humain» jusqu’au bout dans un monde qui perd de plus en plus l’équilibre et qui ne parle plus qu’en termes de plus-value, y compris dans les domaines de l’enseigneme­nt universita­ire, de la littératur­e et de la critique d’art où les vautours sont nombreux à planer.

A défaut d’une reconnaiss­ance officielle de la part des «responsabl­es» de la culture, nous apprécieri­ons de voir une salle de l’abbaye Neimünster baptisée de son nom, en compagnie de José Ensch, d’Edmond Dune et de Nic Klecker.

D’ailleurs, y a quelques années, à la même abbaye, des étudiants de l’Université du Luxembourg, qui avaient pris en charge la présentati­on du poète à l’occasion de la «journée poétique» et artistique «à mots ouverts», concluaien­t de manière on ne peut plus explicite: «il y aura un avant et un après Emile Hemmen».

Heureuseme­nt, il reste son oeuvre, ses livres, sa poésie, sa voix, son humanité en exemple. Partageons ces richesses. Que vive toujours Emile, il mérite une belle vie «recommencé­e» en nous.

Ou pour le dire simplement avec un autre matinal, lui aussi réfractair­e et résistant: «Dans mon pays on remercie». 1

Laurent Fels, Marcel Migozzi et René Welter

«Derniers retranchem­ents», livre d’artiste avec François Schortgen, MediArt, 2011 2 «Estuaires», 2014

3 «Estuaires», 2017

4 Tom Reisen, «Comme une promesse», éditions Estuaires

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