Luxemburger Wort

Des collaborat­eurs nazis mis à l’honneur

L’initiative de la présidente du Parlement flamand est dénoncée par les organisati­ons juives de Belgique

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Le temps qui passe nourrit l’amnésie. Le souhait du Parlement flamand de célébrer deux anciens collaborat­eurs de l’Allemagne nazie n’a pourtant pas échappé au CCOJB, le Comité de coordinati­on des organisati­ons juives de Belgique. Son président, Yohan Benizri, juge qu’«on ne peut lutter efficaceme­nt contre les discours de haine lorsque l’on célèbre un héritage honteux. Ce double message est totalement délétère.»

Les deux hommes dont il est question comptent parmi les collaborat­eurs les plus redoutés que la Belgique ait connus durant les conflits mondiaux. Staf De Clercq fut le leader du VNV, un parti antidémocr­atique et antibelge qui aspirait à l'union de la Flandre et des Pays-Bas. De Clercq voyait dans le IIIe Reich un exemple à suivre.

La Seconde Guerre représenta­it pour lui l’opportunit­é de mener à bien ses objectifs politiques. Il devait toutefois mourir d’un cancer en 1942.

August Borms fut condamné une première fois à mort en 1919 pour collaborat­ion avec l’Occupant. Sa peine fut commuée en détention à perpétuité. Devenu une véritable égérie du nationalis­me flamand durant l’entre-deuxguerre­s, il servit l’Allemagne nazie une fois la Belgique vaincue le 28 mai 1940. Il fut exécuté en 1946.

La mise à l’honneur de ces deux hommes doit au fait qu’ils ont «contribué à l’émancipati­on du peuple (flamand) et de sa langue», justifie la présidente du Parlement régional flamand Liesbeth Homans (N-VA). Cette sortie est d’autant plus remarquée qu’en 2015, son chef de file, le président de la N-VA Bart De Wever, avait pris ses distances vis-à-vis de la Collaborat­ion.

«C'est une page noire de l'histoire que le nationalis­me flamand doit pouvoir voir et qui ne doit jamais être oubliée. Dans l'histoire de chaque individu, il y a du noir et du blanc, et surtout beaucoup de gris. Mais le nazisme et la Shoah étaient des erreurs criminelle­s. Personne ne peut le nier, cela ne nécessite même pas de nuances», avait dit alors Bart De Wever qui s’était ensuite rapproché de la communauté juive d’Anvers – laquelle fut décimée par les nazis.

Une prise de distance sincère?

L’initiative de la présidente du Parlement flamand pose à tout le moins question sur la sincérité de cette prise de distance. Mais elle conforte aussi cette frange de l’électorat nationalis­te qui n’a pas tiré un trait sur le passé. La N-VA n’entend pas la laisser au seul Vlaams Belang (extrême droite)… lequel s'est inspiré du VNV de Staf De Clercq lors de sa création.

Cette polémique survient alors que les démocratie­s s'interrogen­t sur la manière de lutter contre la propagatio­n des discours de haine sur internet. D’où la demande du président du CCOJB Yohan Benizri de faire «la lumière sur le rôle des collaborat­eurs et complices du régime nazi pendant la Seconde

Guerre mondiale. Cette terrible histoire est porteuse d’enseigneme­nts, qui résonnent d’autant plus aujourd’hui que nous vivons une période difficile et que de nombreux citoyens cherchent des réponses simples et des boucsémiss­aires à la crise sanitaire. (…) Il serait judicieux pour la Flandre de sensibilis­er les jeunes génération­s aux questions de responsabi­lité citoyenne au lieu de glorifier des anciens collaborat­eurs nazis.»

Quant au quotidien «De Standaard», il se demande si le Parlement flamand n’est pas devenu «masochiste». Il rappelle que le Mouvement flamand s’est «systématiq­uement opposé à toute réforme de l’Etat visant à accorder davantage d’autonomie et de compétence­s à la Flandre». Ses servants ont de fait préféré la voie autoritair­e dès qu’ils en ont eu l’occasion avec l’espoir de mettre à bas la Belgique honnie.

On ne peut lutter efficaceme­nt contre les discours de haine lorsque l’on célèbre un héritage honteux. Yohan Benizri, président du Comité de coordinati­on des organisati­ons juives de Belgique

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