Le Vlaams Belang s’essaie à la normalisation
L’extrême droite flamande prône le respect des mesures sanitaires pour mieux s’affranchir du cordon… sanitaire
En octobre dernier, le président du Vlaams Belang Tom Van Grieken avait refusé d’installer sur son portable l’application Corona développée par le gouvernement afin de pister le virus. Il n’avait «pas confiance en l’Etat belge». Le leader d’extrême droite dénonçait aussi le «parcours chaotique» que venait de suivre la politique de Santé… tout en précisant qu’il était essentiel de respecter les consignes sanitaires édictées par le même gouvernement. «Ce n’est que comme cela que nous viendrons à bout du virus...»
Pratiquement au même moment, un sondage confortait le Vlaams Belang en tant que premier parti politique belge, devant la N-VA nationaliste flamande de Bart De Wever en net recul.
Dénoncer un «déficit démocratique»
Cette «pole position», le Vlaams Belang n’a aucune intention de la sacrifier sur l’autel de la crise sanitaire. Il s’abstient en effet de toute déclaration fracassante qui le mettrait en porte-à-faux avec son électorat. Si les sondeurs estiment qu’un quart environ de la base électorale du Belang ne veut pas se faire vacciner, le parti doit aussi compter avec les voix de nombreux seniors, fatalement plus fragiles face à la pandémie.
Pour le politologue Benjamin Biard que cite «Le Soir», «le Vlaams Belang a profité du contexte de la crise sanitaire pour poursuivre sa stratégie qui dénonce un 'déficit démocratique': l’Etat de droit en péril, le gouvernement soi-disant pas légitime qui adopte ses décisions par décret… Et il dénonce une mauvaise gestion de la crise, une vaccination à la traîne à l’inverse des promesses du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke.» Mais le Belang n’abonde pas pour autant dans les thèses complotistes. Il ne diffère pas en cela du PVV du Néerlandais Geert Wilders qui se montre surtout très critique face aux lenteurs de la vaccination.
Selon les observateurs, une telle posture traduit l’espoir du Vlaams Belang de devenir enfin un parti «respectable», apte à accéder au pouvoir, qui se serait au préalable affranchi du cordon sanitaire qui lui interdit jusqu’à ce jour l’accès à des responsabilités politiques de premier plan. Le rendez-vous est fixé aux prochaines législatives de 2024 au terme desquelles le président Tom Van Grieken devrait de nouveau rendre visite au roi en prélude des négociations qui mèneront au futur gouvernement. Il lui reste donc trois ans pour convaincre ses partenaires qu’il peut s’inscrire dans une coalition.
Le Vlaams Belang, un «parti normal»?, s’interroge la chaîne publique RTBF. Réponse: il a encore du chemin à parcourir vers la normalisation. Cette anecdote en dit long: une conseillère communale VB de Wuustwezel (province d’Anvers) a entrepris un pèlerinage le jour de l’Armistice dans un cimetière allemand où elle est allée déposer des fleurs sur la tombe d’un soldat néerlandais de la Waffen SS. La militante avait pour l’occasion revêtu sa tenue bavaroise traditionnelle. Tollé sur les réseaux sociaux. Sous la pression, le président du Vlaams Belang a exclu la conseillère pour avoir refusé de signer la charte du parti qui exige une conduite qui ne lui soit pas préjudiciable. Du reste, toujours selon Tom Van Grieken, elle ne serait en rien néonazie.
La RTBF s’inquiète encore de voir que les médias flamands ne qualifient plus le Vlaams Belang de parti d’extrême droite, mais préfèrent utiliser «droite radicale». Un terme qui a l’avantage évident de faire de ce parti né de la collaboration avec l’occupant allemand une formation politique comme les autres.
Le Vlaams Belang s’abstient de toute déclaration fracassante qui le mettrait en porteà-faux avec son électorat.