Seule face à ses démons
«The Secret We Keep»: lorsque le passé refait brutalement surface
Maja, réfugiée roumaine, est partie s’installer aux Etats-Unis où elle mène une vie tranquille et heureuse avec son mari Lewis et son fils. Thomas est Suisse et vit avec son épouse et ses enfants dans la même ville que Maja. Les deux couples ne se connaissent pas mais finiront pas se rencontrer...
L’histoire se passe quelque part dans une petite ville américaine, sans charme particulier, son seul jeu. Le rythme de la narration s’accélère, s’assombrit, les événements s’accumulent. Maja livre son secret à son mari, qui ignorait jusque là tout du passé tragique de son épouse.
Huis clos et piège
Maja kidnappe avec violence Thomas et l’enferme dans la cave de son pavillon familial, à l’abri des regards de son fils, des voisins et du shérif, tous très curieux. Le huis clos est total, le piège se referme. Attaché et ligoté, Thomas clame haut et fort son innocence. Maja reconnaît en lui, ce Karl qui lui a fait tant de mal et qui lui a dérobé sa soeur.
Au début encore seule face à ses démons, la jeune femme crache sa haine, vomit sa douleur sur cet ombre du passé. Son mari doute, essaye de la raisonner. En vain. Il se laissera entraîner dans cette sombre aventure. Tous deux attendent des aveux de leur otage.
Yuval Adler filme son histoire au plus près, sans fard et sans prendre de gants. Certaines scènes sont violentes et crues, non seulement physiquement. Et pourtant, grâce à une mise en scène précise et des atmosphères justes, le discours n’est jamais exagéré, la tension est judicieusement entretenue, évitant ainsi tant des points morts que des longueurs inutiles.
Au-delà des secrets ensevelis depuis une quinzaine d'années, ce drame révèle moult questions récurrentes. Qui détient la vérité? Comment vivre, ou survivre, avec le passé? Existe-t-il une justice équitable? «The Secret We Keep» étale certes ces interrogations, mais dépasse certaines convenances d’usage. Ici, il ne peut être question de réduire les débats aux seuls concepts de bien et de mal. Ce serait dans ce cas trop réducteur.
Thomas (ou Klein) ne prend pas les traits du méchant, du fautif face à cette Maja qui serait détentrice de la seule vérité. Yuval Adler peint ses deux personnages principaux avec la nécessaire dichotomie en opposant au grand jour leur peurs, leur doutes. Maja face à Thomas, cette opposition de personnages, est poignante et tient le spectateur en haleine d’un bout à l’autre de ce thriller.
Noomi Rapace et Joel Kinnaman dans leurs interprétations laissent exploser leurs personnages respectifs. Les caméras, entre moments de silence, regards accusateurs ou gestes violents, font vivre deux êtres aux abois.
Les décors et les costumes d’un raffinement extrême viennent renforcer l’aspect tragique du scénario. Et viennent corroborer un rythme de narration, qui après quelques développements tragiques du début, finit par ralentir, comme pour laisser du temps au temps, comme pour approfondir les questions soulevées et les états d’âme des personnages.
Finalement, après un ultime rebondissement, Maja et Lewis retrouvent un semblant de sérénité et de bonheur. Sans pour autant gommer d’un trait l’épreuve qu’ils viennent de traverser. Dommage seulement, que la toute dernière scène de «The Secret We Keep» vienne enjoliver la conclusion.