Luxemburger Wort

Les Belges interdits de déconfinem­ent

Seul contre tous, le Premier ministre Alexander De Croo n’entend pas rendre le pays à une vie normale avant avril

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Le Premier ministre Alexander De Croo lutte contre vents et marées pour remonter le vent dominant du déconfinem­ent. Car il n’y a plus grand monde autour de lui pour soutenir les mesures sanitaires en applicatio­n dans la lutte contre le virus. Ses propres alliés ont demandé tour à tour ces derniers jours la fin du couvre-feu, l’ouverture du secteur culturel, la reprise de l’horeca ou encore la levée de l’interdicti­on des voyages non essentiels à l’étranger.

Alexander De Croo a organisé une conférence de presse surprise pour apaiser les passions, quitte à doucher les espoirs de ceux qui réclament un déconfinem­ent dans les prochains jours. «Cela ne veut pas dire que rien n’est possible durant ce mois de mars», a-t-il précisé. «Avec la vaccinatio­n, le déconfinem­ent qui va plus loin n’est pas demain, mais on le voit à l’horizon, au mois d’avril, au mois de mai. Cela dépend de l’évolution qu’on verra dans les semaines qui viennent.» Plusieurs modèles mathématiq­ues ont été présentés à la presse pour accréditer les propos du Premier ministre.

Depuis, les critiques au sein la majorité gouverneme­ntale se multiplien­t. En pointe depuis plusieurs semaines sur ce dossier, le président du Mouvement réformateu­r Georges-Louis Bouchez fait valoir que «la décision politique ne se résume pas à des courbes statistiqu­es». Le libéral francophon­e oppose aux graphiques l’augmentati­on des suicides à Bruxelles, les «séquelles à long terme pour nos jeunes» ou encore les faillites qui devraient atteindre un pic cette année. «Si l’on considère qu’on doit attendre mai pour décider d’assoupliss­ement des mesures, cela ne sert à rien de faire des comités de concertati­on», a-til jugé en évoquant la réunion qui mettra vendredi autour de la table les autorités politiques du pays.

La population s’y perd. Ces dernières semaines, tous les indicateur­s épidémiolo­giques ont été à la baisse. Mardi toutefois, le taux de reproducti­on est repassé audessus de 1. Le nombre de nouvelles contaminat­ions est reparti à la hausse, avec plus de 2.000 nouveaux cas détectés en moyenne par jour entre le 13 et le 19 février, soit le congé de carnaval.

La valse-hésitation des chiffres sert ceux qui mettent en doute la politique sanitaire du gouverneme­nt De Croo. Ils y voient une manipulati­on orchestrée avec l’aide de scientifiq­ues. A rebours, «Le Soir» qualifie la communicat­ion surprise du Premier ministre d’«exercice de transparen­ce, intéressé, c’est sûr, mais intellectu­ellement honnête». Il ajoute que «si nous commettons l’erreur de déconfiner trop vite, le prix à payer sera autrement plus élevé qu’une vingtaine de jours de patience maximum.» C'est sans compter avec la campagne de vaccinatio­n qui connaît de nouveaux couacs: plusieurs centres ne fonctionne­nt pas ou à capacité très réduite en raison de divers problèmes.

Une mesure disproport­ionnée?

Demain, le Premier ministre Alexander De Croo aura fort à faire pour convaincre ses partenaire­s de renoncer à un assoupliss­ement des mesures sanitaires. Un statu quo est prévisible au terme de ce énième comité de concertati­on, même si l’on peut imaginer qu’un geste sera fait. Pour le reste, De Croo a mis tout son poids dans la balance. Le contourner conduirait assurément à une crise. La Commission européenne a écrit aux autorités belges pour obtenir avant dix jours une réponse dans le dossier de l’interdicti­on des déplacemen­ts non essentiels prolongée jusqu'au 1er avril. Elle juge la mesure disproport­ionnée. Cinq autres Etats membres sont visés. La balle est dans le camp gouverneme­ntal.

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Photo: dpa Alexander De Croo, entouré de Yves Van Laethem (à dr.) et Steven Van Gucht de l'institut «Sciensano».

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