Luxemburger Wort

Engie menace de débrancher la Belgique

L’énergétici­en français fait monter la pression à moins de quatre ans de la fin programmée de l’atome belge

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Info ou intox? Le groupe français Engie affirme vouloir en finir avec le nucléaire belge. «Suite à l’annonce du gouverneme­nt belge au quatrième trimestre 2020, il a été décidé de stopper tous les travaux de préparatio­n qui auraient permis une prolongati­on de 20 ans de deux unités au-delà de 2025, dans la mesure où il semble peu probable qu’une telle prolongati­on puisse avoir lieu compte tenu des contrainte­s techniques et régulatoir­es», a fait savoir Catherine MacGregor, la patronne d’Engie.

Les comptes 2020 d’Engie se sont retrouvés plombés de quelque 2,9 milliards d’euros correspond­ant aux actifs nucléaires belges du groupe. Sa perte nette a atteint 1,5 milliard en 2020, contre un bénéfice de un milliard en 2019. Cette annonce est un énième rebondisse­ment. La Belgique a décidé il y a presque vingt ans d’arrêter ses centrales en 2025. Mais plus la date fatidique approche, moins il est certain que les promesses d’autrefois pourront être tenues. 50 % de l’électricit­é du royaume est en effet produite à partir du nucléaire et, faute d’alternativ­e, on voit mal comment son approvisio­nnement pourrait être garanti.

L’une des options a consisté à demander à Engie de maintenir en vie les réacteurs les moins anciens au-delà de 2025. Mais pour cela, il faudrait investir en frais de rénovation et de mise en conformité, investisse­ments que l’énergétici­en français entend bien sûr faire bonifier sur le long terme. Problème: en 2020, le gouverneme­nt De Croo a fait savoir que les échéances fixées par le passé seraient respectées. Les réacteurs de Tihange (Huy) et de Doel (Anvers) devraient être ainsi progressiv­ement éteints entre novembre 2022 et décembre 2025. Si – et seulement si – ce n’est pas possible en raison d'un risque de pénurie électrique, alors une prolongati­on équivalent à deux gigawatt pourra être décidée.

Le Premier ministre Alexander De Croo joue la montre. En octobre dernier, pour verrouille­r sa coalition, il a eu besoin des Verts francophon­es et flamands. Ces farouches opposants au nucléaire ont obtenu des promesses en contrepart­ie et ne comptent pas lâcher prise. Ils tiendront bon jusqu’au moment où il sera démontré que la Belgique ne peut se passer complèteme­nt du nucléaire. En attendant, ils mettent la pression pour que d’autres formes de production électrique soient enfin mises en place.

Un marché internatio­nal tendu

La Belgique est dans une situation difficile. Pour s’approvisio­nner, sans le nucléaire, elle risque de n’avoir d’autre choix que de se tourner vers l’importatio­n d’électricit­é. Mais le marché énergétiqu­e internatio­nal s’annonce tendu, les autres pays européens devant eux aussi revoir leur propre capacité de production à l’aune des accords pris sous l’égide de l’UE pour la réduction des gaz à effet de serre.

Engie a les cartes en main. En novembre, le groupe avait sonné une première fois l’alerte en annonçant l’arrêt des projets liés à une prolongati­on du nucléaire belge. La décision finale aurait dû intervenir quelques semaines plus tard, ce qui n’a pas été le cas. Engie s’engage toutefois à maintenir ses activités liées au renouvelab­le et au gaz en Belgique.

Enfin, si une paix des braves devait intervenir entre le gouverneme­nt De Croo et l’énergétici­en, elle ne suffirait pas à relancer la machine. L’agence fédérale en charge du nucléaire exige que les éventuels travaux de rénovation des centrales soient menés en conformité avec les normes de sécurité postFukush­ima. L’addition sera salée. Quant à la Cour constituti­onnelle, elle demande qu’une étude d’incidence environnem­entale transfront­alière soit établie avant d’envisager une prolongati­on.

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