Un premier état des lieux
Assises sectorielles rock-pop-électro: beaucoup de questions et quelques réponses
Quelle est la situation actuelle des musiques rock-pop-électro au Luxembourg? La question est complexe, les réponses sont nombreuses. C’est dans le but de faire un premier état des lieux que le ministère de la Culture a organisé samedi matin à la Rockhal des assises sectorielles consacrées à ces différentes musiques. Les volets musiques classique et jazz feront l’objet d’une nouvelle rencontre. Ces assises s’inscrivent dans le cadre du «Kulturentwécklungsplang» 2018-2028.
Samedi matin donc, une bonne soixantaine de musiciens et professionnels du secteur ont suivi les débats animés par Yves Stephany. Le rédacteur musical de 100,7 est brièvement revenu sur le développement exponentiel d’une scène musicale diversifiée.
La ministre de la Culture, Sam Tanson, dans son introduction, a rappelé que les musiques actuelles sont l’un des secteurs les plus touchés par la crise. Et de poursuivre que de ces «états de lieux que nous allons faire restent évolutifs et seront adaptés par la suite».
Aurélie Colling, spécialiste en «music business», a passé au crible la scène rock-pop-électro. Elle a présenté les grandes lignes d’une étude commandée par le ministère de la Culture. «J’ai apporté un regard extérieur et subjectif à la question», précise d’emblée Aurélie Colling. L’étude couvre la période 2018-19 et s’intéresse donc aux musiques rock-pop-électro, mais aussi au hip-hop et rap.
312 musiciens ou groupes sont recensés (le rock y tient une place prépondérante). Au Luxembourg, les musiciens ont 14 lieux à leur disposition pour leurs concerts. Pour ses interviews Aurélie Coling a fait le choix de ne retenir comme experts que des représentants d’institutions. Dans leurs conclusions, ceux-ci se félicitent du cadre professionnel de la scène musicale, des aides et soutiens alloués aux acteurs du secteur.
Quelques points faibles
Ces spécialistes regrettent cependant l’absence d’une industrie musicale au Luxembourg, donc l’absence d’un éco-système propre. Mais aussi la pénurie de petites scènes, bars et clubs, qui pourraient servir de «tour de chauffe» avant des concerts de plus grande envergure. Dernier point négatif relevé: l'appréhension de certains musiciens de prendre des risques, de sortir de leur zone de confort.
Les assises culturelles sont ensuite passées aux questions d'ordre plus pratique. Au cours de deux tables-rondes, un panel d’invités du terrain à pu à chaque fois présenter ses vues, ses craintes, ses remarques. La première discussion sur le thème «Le secteur rock-popélectro-urbain Au Luxembourg: un modèle (trop) particulier?» a pointé du doigt certains aspects inhérents à la situation particulière du pays.
Au Luxembourg, les métiers de producteur, manager, booker, éditeur... sont encore à la traîne et mériteraient plus d’intérêt. Le producteur Damiano Picci a estimé qu’une spécialisation de ces métiers ferait avancer l’industrie musicale. «On porte tous quatre ou cinq casquettes, c’est intenable». Pour le musicien Tun Biever, «l’expérience de spécialistes étrangers est indispensable».
La professionnalisation des différents secteurs de la scène musicale, tous la souhaitent et l’attendent, mais celle-ci ne doit pas devenir une fin en soi, ont averti certains intervenants. «Il faut éviter à tous prix les faux espoirs», a prévenu Luka Heindrichs, organisateur de concerts. Les différences formes d’aides publiques ont aussi été évoquées, tout comme l’exportation.
Le deuxième round des discussions a porté sur le thème: «Un secteur en voie de développement». Manager, booker, musicien, animateur-radio ont évoqué leurs expériences. A la question de savoir si le pays se distinguait par une certaine forme d’originalité, la réponse de David Galassi fut sans appel: «Nous sommes sur la bonne voie, nous n’avons pas besoin d’avoir honte.» Le musicien et producteur Sacha Hanlet lui emboîte le pas: «Le risque existe que les jeunes se contentent de copier les plus anciens. Ils doivent oser faire des choses.» Vicky Zeimetz, booker de l’Atelier, a relevé qu’organiser «un groupe local peut poser quelques problèmes».
Pour mieux faire connaître les musiques d’ici, Bob Konsbrück, l’animateur de RTL, a lancé l’idée d’une plate-forme de présentation.
Les débats furent largement consensuels, sans heurts, pas toujours passionnés cependant. Et on laissé apparaître quelques jalousies par rapport à d’autres secteurs culturels, notamment de l’industrie du cinéma.
Au-delà de certaines paroles convenues – mais aussi quelques inévitables clichés – les trois heures de discussions ont mis en lumière des questions, des problèmes, des inquiétudes, certes pas toujours nouvelles ou méconnues, mais qui une fois réunies sur un même plateau, ont apporté un éclairage plus exhaustif.
Tous ces sujets abordés samedi matin, ont retenu l’attention de Sam Tanson: «Ce sont autant d’inputs pour le ministère de la Culture.» Affaire à suivre