Tous les espoirs sont permis
Soirée «Shorts Made In / With Luxembourg» au LuxFilmFest: une tradition bien établie
Pourquoi faire long quand on peut aussi faire court? La question se pose chaque année. La soirée «Shorts Made In / With Luxembourg» du Luxembourg City Film Festival répond à chaque édition à la question.
Le désormais traditionnel et incontournable rendez-vous du festival a présenté cette semaine huit courts métrages de réalisateurs venus d’horizons différents. Le spectateur a pu en un temps record de deux heures se plonger dans autant d’atmosphères et de mondes variés.
Ces huit courtes pépites témoignent aussi de la diversité et de la pluralité de la création cinématographique du pays. Presque tous les genres sont abordés par des réalisateurs souvent (très) jeunes, aux origines variées, mais qui, tous sous la contrainte du temps, veulent raconter leurs histoires les plus complètes possibles. Un exercice de style décliné avec plus ou moins de réussite. Cette soirée des «Shorts» est avant tout un signe d’espoir que tous ces jeunes d’aujourd’hui seront peut-être les réalisateurs confirmés de demain.
Léa Buffard dans son «Robotzillas» met en scène un scientifique fou qui veut conquérir le monde. «Le Don» de Vanessa Burtey décrit un avenir plus ou moins proche dans lequel des minorités sont réduites à une forme contemporaine d’esclavage.
L’animation, un secteur prometteur
Ces deux films d’animation ont un – triste – point commun: le monde d’aujourd’hui n’est pas à l’abri de dérives, de menaces. La technique utilisée par les deux réalisatrices se met au service d’une narration inspirée, et témoigne aussi de la vitalité du film d’animation au Luxembourg – pour preuve les récompenses internationales des «aînés» du secteur.
La toute jeune Ugur Darya Eroglu profite des cinq minutes de son «Mania» pour évoquer la violence faite aux femmes. Ses propos en stop-motion prêtent dans un premier temps à sourire. Le ton est enjoué et enlevé, le visage de la jeune femme est radieux. Rien ne laisse présager la suite. Et pourtant, peu peur à peu s’installe le danger et la peur symbolisés par une main, que l’on imagine celle d’un homme. Les moyens sont minimalistes, la force du propos est d’une totale efficacité.
Plus terre à terre est le documentaire «Merak». Dzhovani Gospodinov plonge dans les montagnes bulgares pour filmer dans un village perdu une fête païenne slave organisée par les «Kukeri» pour chasser les mauvais esprits. Tous les villageois sont de la fête après de longs préparatifs. Les images et les propos sont simples, réels. Sans éclats, sans heurts, le jeune cinéaste dépeint la vie à la campagne, avec ses traditions, ses rites.
Irréelles cette fois-ci sont les images de «Julia» de Vincent Smitz. Une jeune femme reçoit un miroir aux pouvoirs étranges. Sa vie en est bouleversée. Les portes de son appartement claquent, des bruits indéfinis, des ombres apparaissent. Julia a peur et se réfugie dans sa salle de bains, qui deviendra le lieu de tous les dangers. Le réalisateur n’a pas besoin de paroles, des cris et chuchotements, des lumières pesantes, des cadrages inattendus suffisent à donner vie à ce huis clos de l’horreur. Vincent Smitz use à abondance tous les codes du genre, les pousse à leur paroxysme, comme pour mieux s’en amuser. Le résultat final est, malgré les attentes convenues, poignant.
Des amours impossibles
Ils sont jeunes, visiblement riches et en bonne santé et vivent en colocation. Les séduisants Luca et Nicolas viennent rejoindre le groupe de locataires. Les rencontres sont joyeuses, le moral est au beau fixe. Tout semble pour le mieux dans les meilleurs des mondes. Et pourtant, leurs vies sentimentales et amoureuses battent de l’aile.
Dans sa mini-série «What We Talk About When We Talk About Sex», Catherine Dauphin dresse le portrait d’une jeunesse déboussolée côté coeur. Le premier épisode «Accident & Catastrophe» est au fil de rencontres inédites ou provoquées, une série de soubresauts sentimentaux. Claire, qui dit aimer tout le monde, n’arrive pas à faire des vrais choix de vie. L’épisode «Rendez-Vous» se penche sur des amours impossibles entre Helena et Adèle.
Les sujets abordés par Catherine Dauphin sont graves, d’actualité, mais toujours traités avec une certaine légèreté. Cette mini-série fait aussi figure d’exception dans cette programmation des shorts: contrairement aux autres propositions, quelques acteurs connus et confirmés ont pu être sollicités, entres autres Larissa Faber et Elsa Rauchs.
Autre proposition inédite de la soirée: «Pigeon Therapy» («De Pigeon») de Nadia Masri, avec la jeune actrice Nina Bodry dans le rôle principal.
Emma, après la mort de son père, se rend chez une thérapeute pour encaisser le choc de cette disparition. Ensuite, elle veut voir un notaire pour régler la succession. Le deuxième rendez–vous de la journée n’aura jamais lieu... un pigeon ayant eu la bonne idée de venir s’écraser contre la baie vitrée du cabinet de la thérapeute. Emma n’a pas d’autre choix que de s’occuper de l’animal blessé et de mettre en parenthèse ses propres blessures.
Les événements inattendus s’enchaînent, les situations de plus en plus coquasses et loufoques se bousculent, les situations désespérées aussi. Le cocktail final est tout à fait réussi et convaincant
Nadia Masri a en à peine 15 minutes réussi à remplir un drame drôle, rebondissant à tout moment. L’histoire avec un peu d’imagination et de suite dans les idées pourrait être le point de départ d’un long métrage à part entière.
Les huit courts métrages ont finalement un dernier atome crochu: profiter au maximum des contraintes du minutage serré pour aller droit au bout. Les «Shorts» 2021 ont apporté une nouvelle fois la preuve que les possibilités existent. A chacun de trouver sa voie. Aujourd’hui, tous les espoirs sont permis.
Les jeunes qui présentent aujourd’hui leurs courts métrages seront peut-être les réalisateurs confirmés de demain.