Luxemburger Wort

La Belgique jugée pour inaction climatique

«L’Affaire Climat» a pour objectif d'imposer aux autorités de prendre les mesures adéquates pour protéger la planète

- Par Max Helleff (Bruxelles)

Ce week-end, 101 petites manifestat­ions ont été organisées en Belgique, en prélude à «l’Affaire Climat» qui sera débattue devant la justice bruxellois­e dès aujourd'hui. Vêtus d’un habit noir et d’un rabat blanc, des citoyens transformé­s en «avocats du climat» ont dénoncé le non-respect des objectifs climatique­s par l’Etat belge. Ces actions symbolique­s ont été mises sur pied par des collectifs citoyens, des ONG et des sections locales du parti Ecolo.

Depuis plusieurs semaines, «l’Affaire Climat» est précédée d’un battage digne d’un grand procès d’assises. Sur le site affaire-climat.be, les parties civiles proposent d’envoyer chaque jour à qui le souhaite «des rapports quotidiens de notre reporter».

Des initiative­s sans grand effet

De quoi s’agit-il? Tout commence en 2014 lorsqu’une dizaine de plaignants se portent devant la justice pour obliger la Belgique à respecter ses obligation­s dans la lutte contre le dérèglemen­t climatique. Ils constituen­t alors une associatio­n nommée «l’Affaire Climat» (ou «Klimaatzaa­k», en néerlandai­s). Une mise en demeure est envoyée aux gouverneme­nts fédéral et régionaux. Depuis, quelque 60.000 personnes ont donné procuratio­n à l’associatio­n pour les représente­r dans cette action. En 2014, Bruxelles étouffe dans les gaz d’échappemen­t. Selon certaines études, la capitale de l’Europe serait l’une des villes les plus embouteill­ées au monde. Une chose est certaine: certains jours, les normes de pollution sont allègremen­t dépassées. D’autres villes wallonnes et flamandes subissent le même sort. Les initiative­s prises par les différents gouverneme­nts de l’époque restent sans grand effet.

En réalité la politique climatique et environnem­entale de l’ex-gouverneme­nt Michel est un four. La

Flandre, la Wallonie et Bruxelles sont en outre incapables de formuler des objectifs communs, lesquels impliquent le partage d’une charge financière que personne ne veut assumer.

Le fédéral et les Régions se présentent ainsi divisés lors de l’Accord de Paris, en 2015. La N-VA de Bart De Wever, et dans une certaine mesure les libéraux francophon­es de Charles Michel, rechignent à abandonner le nucléaire en 2025 comme le prévoit un accord gouverneme­ntal scellé en 2003. Depuis, le gouverneme­nt De Croo a rétabli le cap climatique, en assurant vouloir respecter les engagement­s européens pris par le pays. Bruxelles s’est ouverte davantage au vélo, les vieux diesels sont bannis de ses rues et le 30 km/h est imposé sur une partie de son réseau routier. La crise sanitaire et le télétravai­l aidant, la capitale s’offre momentaném­ent un bol d’air.

Une violation des droits humains Mais les combattant­s climatique­s n’entendent pas relâcher la pression. Dans «l’Affaire Climat», explique le collectif d’ONG CNCD, les demandeurs estiment que la politique menée par les autorités belges constitue une faute au regard de la responsabi­lité civile et une violation des droits humains, notamment les droits de l’enfant. Ils exigent «une réduction des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire belge d’au moins 42 à 48 % en 2025 et d’au moins 55 à 65 % en 2030 (par rapport aux niveaux de 1990). Pour 2050, l’Etat doit arriver à des émissions nettes nulles.»

Les griefs sont nombreux: la Belgique n’a pas tenu ses objectifs en termes d’énergie renouvelab­le pour 2020, les politiques et mesures permettant d’atteindre les objectifs climatique­s et énergétiqu­es sont insuffisan­tes, les efforts fournis pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sont trop mous, etc. L’espoir des plaignants se nourrit d’actions semblables intentées à l’étranger. La justice néerlandai­se a ainsi ordonné à l’Etat de protéger ses citoyens contre les conséquenc­es du changement climatique et de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 25 % en 2020 par rapport à 1990 («Affaire Urgenda»). Le 3 février dernier, la France a été condamnée pour inaction climatique («Affaire du Siècle»).

Le procès de «l’Affaire Climat» doit durer neuf jours. Une condamnati­on devrait théoriquem­ent pousser l’Etat belge à rehausser effectivem­ent ses ambitions en matière d’action climatique. Le moment est important: défenseurs du climat et environnem­entalistes

Selon certaines études, la capitale de l’Europe serait l’une des villes les plus embouteill­ées au monde.

savent que tous les arguments seront utiles à l'avenir, notamment pour peser dans le plan de relance post-covid de l’économie belge. Ils craignent que la vieille machine du capitalism­e productivi­ste ne reprenne du service après la crise sanitaire, comme si de rien n'était, sans grand égard pour le climat qui pourrait continuer à payer l’addition.

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Photo: AFP Vêtus d’un habit noir et d’un rabat blanc, les manifestan­ts se sont transformé­s en «avocats du climat».

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