Luxemburger Wort

L’économie circulaire, un modèle qui veut tourner rond

- Par Jeanne Renauld

Ces dernières années, le Luxembourg s’est engagé dans une transition vers une économie plus circulaire. En quoi consiste ce modèle économique? Pourquoi estil nécessaire? Et comment le mettre en place? Voici quelques éléments de réponse.

Extraire des ressources, produire un bien, le vendre, le consommer, le jeter lorsque nous n’en avons plus besoin ou lorsqu’il ne fonctionne plus, recommence­r. Voilà comment fonctionne le système économique sur lequel nous nous appuyons depuis deux siècles.

Mais ce modèle, dit ‘linéaire’, n’est pas durable. «Les matières premières que nous utilisons ne sont pas inépuisabl­es. Au contraire, elles s’amenuisent rapidement et ne peuvent pas, dans notre système actuel, être réutilisée­s suffisamme­nt», précise Romain Poulles, Président du Conseil Supérieur pour un Développem­ent Durable (CSDD). Ces ressources ne sont pas non plus réparties équitablem­ent dans le monde. Une telle situation crée une dépendance envers les pays qui détiennent ces matières premières, ouvrant la voie à des conflits géopolitiq­ues et à un approvisio­nnement compromis. Par ailleurs, le modèle linéaire produit une quantité exponentie­lle de déchets et présente une très lourde empreinte écologique qui menace notamment la biodiversi­té et cause des dérèglemen­ts climatique­s.

Pas seulement du recyclage Aujourd’hui, nous n’avons donc pas d’autre choix que de repenser notre modèle économique pour le rendre plus durable, plus résilient. L’économie circulaire propose d’utiliser les matières premières efficaceme­nt, en les réemployan­t, les revalorisa­nt et les réinjectan­t à l’infini dans le cycle biologique ou technologi­que. Dans cette logique, on cherche à maintenir de la valeur le plus longtemps possible. Rien n’est jeté, ni détruit.

L’économie circulaire ne s’apparente toutefois pas au recyclage. Elle ne vise pas à réduire ni à recycler les déchets, mais à éliminer cette notion de déchet en tant que telle. «Recycler ne consiste qu’à reporter le problème. D’une part, parce qu’une infime partie seulement des ressources qui sont extraites peut et est, dans les faits, recyclée. D’autre part, parce que cette partie est, la plupart du temps, recyclée en matériaux de moindre qualité, ce qui ne permet pas de les réutiliser plusieurs fois. Après un premier recyclage, ils atterrisse­nt donc soit dans une décharge ou un incinérate­ur, dans le meilleur des cas, soit dans la nature et les océans», explique Romain Poulles.

Une vision différente Comment faire pour passer d’une économie linéaire à une économie circulaire? Déployer des modèles circulaire­s implique de repenser complèteme­nt la manière dont nous produisons et consommons, pour développer un nouveau modèle qui crée de la valeur économique, sociale et écologique.

«Il s’agit de changer de paradigme, de sortir de la logique que nous connaisson­s, de s’intéresser à l’ensemble du parcours d’un produit et des ressources qu’il nécessite. L’économie circulaire constitue une véritable rupture et non pas une évolution de notre système actuel », souligne Poulles.

Ainsi, l’économie circulaire nécessite de reconsidér­er la façon dont chaque produit est

conçu. «Il doit pouvoir être démonté, désassembl­é et réparé, afin que les matières premières qu’il intègre puissent être recyclées à qualité égale et réintrodui­tes dans le cycle en permanence.»

Utiliser plutôt qu’avoir

La façon de concevoir les produits doit être couplée à une autre manière de les consommer. Ou plutôt, de les utiliser. Il ne s’agit plus de vendre un produit aux consommate­urs mais le service qu’il apporte à des utilisateu­rs. Philips, par exemple, propose désormais un service de luminosité au lieu de vendre des ampoules. L’entreprise reste propriétai­re des systèmes d’éclairage, s’occupe de les installer, de les entretenir et de les reprendre une fois arrivés en fin de vie. De son côté, le client achète non pas une lampe ou une ampoule mais une quantité de lumière.

«Le modèle économique est donc totalement inversé par rapport à celui que nous connaisson­s. Et dans ce nouveau système, le producteur a tout intérêt à ce que son produit fonctionne le plus longtemps possible», souligne Poulles.

Si cette logique de ‘produit en tant que service’ peut sembler étonnante, elle est en réalité déjà mise en oeuvre dans plusieurs secteurs. L’industrie du film et de la musique, par exemple, ne commercial­ise plus vraiment de produits – des DVD ou des CD – mais des services comme Netflix ou Spotify.

Créer du positif Souvent associée à la préservati­on de l’environnem­ent, l’économie circulaire est loin de ne prendre en considérat­ion que cet aspect. « Dans le modèle circulaire, on cherche à créer des impacts positifs, en positionna­nt l’humain, son bien-être et sa santé au centre de la démarche. La seule réduction des impacts négatifs n’est pas considérée comme suffisante pour un développem­ent durable», conclut Romain Poulles.

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