Des bâtiments plus actifs
Le secteur de la construction a une place importante à prendre dans la marche de nos sociétés vers l’économie circulaire. Grosse consommatrice de ressources et productrice de déchets, cette industrie peut toutefois jouer un rôle actif et positif pour l’environnement, notamment en favorisant l’hybridation des matériaux et la multifonctionnalité des bâtiments.
L’économie circulaire repose sur une bonne gestion des ressources et sur une élimination des déchets. A ce titre, le secteur de la construction a encore de réels efforts à fournir pour s’inscrire véritablement dans une logique de circularité. En effet, l’industrie du bâtiment est au premier rang des producteurs de déchets exportés chaque année par le Luxembourg. En 2015, c’est ainsi plus d’1,5 million de tonnes de déchets «inertes» (pierres, cailloux, déblais, etc.) qui ont quitté le pays, faute de capacité de stockage suffisante au Grand-Duché. Et les besoins croissants du pays en logements, bureaux et infrastructures ne devraient pas inverser la courbe de la production de déchets – et de la consommation de ressources – du secteur de la construction.
Assembler plutôt que façonner Pourtant, l’évolution des technologies offre des possibilités grandissantes aux acteurs de l’industrie du bâtiment qui souhaiteraient placer la circularité au coeur de leurs pratiques. Au CDEC (Conseil pour le Développement Economique de la construction), une ABSL qui chapeaute l’IFSB (Institut de Formation Sectoriel du Bâtiment) ainsi que les SA Cocert et Neobuild
(dédiées à l’optimisation de l’énergie et à l’innovation), le sujet fait l’objet de réflexions intenses, mais aussi de projets concrets.
«S’il est clair que le secteur de la construction produira toujours des déchets, et que le renforcement du tri est donc essentiel, de nombreuses solutions existent pour les limiter, explique Bruno Renders, Directeur général du CDEC. Dans la manière dont nous construisons, notamment, il s’agit de passer d’une logique de façonnage à une démarche d’assemblage. En pré-fabriquant toute une série d’éléments de la construction, qu’il faut ensuite assembler, on peut déjà réduire considérablement la production de déchets sur les chantiers.»
L’assemblage permet en outre de «démonter» plus facilement des bâtiments et de réutiliser les éléments dans d’autres constructions. «Économiser les ressources est également essentiel pour limiter les déchets, poursuit Bruno Renders. C’est la raison pour laquelle nous prônons une hybridation dans le choix des matériaux utilisés. En utilisant le meilleur matériau, au meilleur endroit, pour le meilleur usage, on limite l’exploitation de chacune de ces ressources.»
Promouvoir les fonctions nobles du bâtiment
Mais là où le bâtiment peut réellement apporter une plus-value à son environnement direct, c’est en y jouant un rôle actif, dynamique. Avec le développement de nouvelles technologies, chaque bâtiment peut aujourd’hui devenir producteur d’énergie, épurateur d’air ou d’eau. «Tout le monde connaît aujourd’hui le panneau photovoltaïque et la possibilité d’auto-consommer, injecter sur le réseau ou même stocker l’énergie qu’il produit, illustre le directeur du CDEC. Mais on étudie aujourd’hui la possibilité d’en placer aussi en façade, étant donné que la surface disponible y est plus importante. L’intégration au sein du bâtiment est donc une voie d’avenir.
En ce qui concerne la production d’énergie, au même titre que pour les exploitations agricoles, il est également possible d’utiliser les effluents humains
pour produire du biogaz permettant de nous fournir de la chaleur et de l’électricité. En installant des centrales à biogaz dans chaque quartier, connectées à un réseau de chaleur, par exemple, on serait en plein dans une logique de circularité.»
La décentralisation vaut aussi pour le recyclage de l’eau. Des systèmes d’épuration installés dans chaque quartier offriraient en effet la possibilité de mieux gérer l’eau. Comme on le fait pour l’eau d’une piscine, une épuration plus locale permettrait de continuer à utiliser la même eau, combinée à l’eau de pluie, durant de longues périodes, pour des usages appropriés (les toilettes, par exemple).
Nos différents logements pourraient par ailleurs contribuer à rendre plus propre l’air que nous rejetons dans notre environnement… tout en produisant des légumes. «Le CDEC est porteur d’un projet 'Interreg' baptisé GROOF – Greenhouses to Reduce CO2 on Roofs –, dont le but est de démontrer comment une serre installée sur le toit d’un bâtiment peut servir à le chauffer en hiver, quand le soleil donne, mais aussi, notamment, à filtrer le CO2 qui est rejeté dans l’environnement à travers nos VMC, détaille Bruno Renders. En effet, les végétaux dans la serre utiliseront le CO2 présent dans l’air qui y est injecté depuis le bâtiment pour grandir. Elles rejetteront à l’extérieur de l’oxygène. Et les légumes produits pourront être consommés localement.»
Une telle serre est en cours de construction au-dessus de l’extension du restaurant du CDEC. Les performances de l’installation seront suivies de près et permettront d’objectiver l’intérêt de telles infrastructures. Selon Bruno Renders, cette serre de 400 mètres carrés permettrait d’économiser 45 tonnes de CO2 et de démontrer l’interactivité dynamique entre les éléments d’un nouveau type d’écosystème urbain.
Une politique d’incitation
Si de nombreuses démarches ont déjà été lancées pour renforcer la circularité dans le secteur de la construction, il reste à convaincre tant les acteurs de cette industrie que les consommateurs. «Les entreprises de construction sont sensibles à ce sujet, car il y a déjà une certaine demande du marché. Le monde politique doit à présent jouer son rôle pour convaincre de l’intérêt de ces solutions, estime Bruno Renders. Selon moi, il doit prendre en compte la longue durée de vie d’un bâtiment, en offrant par exemple une incitation financière à l’usage, et non seulement à l’investissement. En effet, l’équilibre financier d’un projet d’économie circulaire se joue également sur la durée de l’exploitation et cet accompagnement sur l’usage permettra à l’investisseur de limiter les risques. Cela peut notamment passer par des possibilités de déductions fiscales ou d’amortissement circulaire accéléré.»
Si la route peut encore sembler longue, il faut être conscient du chemin déjà parcouru en une courte période. Si les bâtiments «triple A» sont aujourd’hui la norme, c’était loin d’être le cas il y a encore quelques années, preuve s’il en est que le secteur de la construction peut s’inscrire dans une démarche de circularité…