Luxemburger Wort

Succès pour la grève générale en Belgique

Ouvriers et employés du secteur privé se sont croisé les bras pour protester contre une marge salariale jugée trop étroite

- Par Max Helleff (Bruxelles)

La grève générale du secteur privé qui a touché la Belgique hier a fait le plein. La Fédération du commerce et des services (Comeos) a estimé à 200 le nombre de magasins impactés par les actions syndicales. «Dont 90 à 95 % en Wallonie et à Bruxelles, ce qui correspond à une tendance observée depuis plusieurs années», a précisé son CEO Dominique Michel. La grève a ainsi touché les supermarch­és, les chaînes de bricolage, les fournisseu­rs de l’horeca. Agoria, la fédération patronale des entreprise­s technologi­ques, estime qu’elle s’est étendue à sept sociétés sur dix. «Pour 30 % d’entre elles, la perte d’activité dépasse même 75 %. Parmi elles, des entreprise­s industriel­les comptant plusieurs centaines de travailleu­rs», a-t-elle précisé. Selon le syndicat FGTB, «l’industrie manufactur­ière était quasiment à l’arrêt».

Une majorité de trains ont en revanche circulé, s’il faut en croire cette fois la société des chemins de fer SNCB. Le service alternatif élaboré dans le cadre de la grève nationale a donc fonctionné.

Thierry Bodson, le patron de la FGTB, a considéré que la mobilisati­on – qui s’est achevée hier soir à 22 heures – est une preuve du soutien des travailleu­rs aux revendicat­ions syndicales, notamment le dépassemen­t de la norme salariale plafonnée à 0,4 %. «Cela démontre qu’on ne vit pas sur une autre planète, qu’on représente le monde du travail et qu’on est dans le bon dans nos positions. Le monde patronal doit revoir les siennes.»

Les syndicats et le patronat dans l'impasse

Le mouvement a été mené par les deux grands syndicats francophon­es, la FGTB socialiste et la CSC sociale-chrétienne. Ce front commun réclame une augmentati­on salariale qui dépasse la marge de 0,4 % prévue par le Conseil central de l’économie. Pour lui, ce chiffre n’est qu’indicatif. Mais le patronat rétorque que la norme est fixée par le législateu­r. Maintenir des salaires concurrent­iels avec les pays voisins est une affaire de survie, fait-il valoir. «Pas question de toucher à la loi de 1996 qui, avec la réforme de 2017, a mis fin à un dérapage salarial», a insisté Dominique Michel en évoquant le risque de 10 000 à 15 000 pertes d’emploi dans les commerces et les services rien que cette année en raison de la crise économique provoquée par le virus.

Cette grève tombe évidemment à un moment particulie­r. Mettre les entreprise­s à l’arrêt alors que les confinemen­ts successifs ont restreint les libertés des Belges revenait pour les syndicats à prendre le risque de l’impopulari­té. Mais la même démarche pourrait se révéler au contraire payante s'il s'avère qu'elle a permis d’exprimer le mécontente­ment ambiant alors que, globalemen­t, les autorités ont reçu jusqu’ici une carte blanche de la population pour mener la politique sanitaire.

Reste à jauger le succès exact d’une grève dans un pays en confinemen­t partiel, où le télétravai­l est obligatoir­e dès qu’il est possible. La mesure vise particuliè­rement le tertiaire. Le syndicat des employés CNE a expliqué qu’en ce qui concerne le travail en distanciel «le mot d’ordre était de se mettre en grève chez soi et de ne pas allumer son PC». Pour en savoir plus, il faudra attendre le décompte des demandes d’indemnités de grève qui remonteron­t de la base vers les syndicats dans les prochains jours.

Pas question de toucher à la loi de 1996 qui, avec la réforme de 2017, a mis fin à un dérapage salarial Dominique Michel, CEO de la Fédération du commerce et des services

Si patrons et syndicats refusent de s'entendre, ce sera au gouverneme­nt De Croo de trancher. De quoi alourdir son fardeau à un moment où le pays s’enfonce dans ce que le libéral francophon­e Georges-Louis Bouchez nomme la pire «crise économique de l’aprèsguerr­e».

 ?? Photo: AFP ?? Selon les grévistes, seulement un train sur deux circulait hier en Belgique causant d'importante­s perturbati­ons.
Photo: AFP Selon les grévistes, seulement un train sur deux circulait hier en Belgique causant d'importante­s perturbati­ons.
 ??  ??

Newspapers in German

Newspapers from Luxembourg