Le sprint législatif du gouvernement De Croo
Quitte à être élaguée, la loi Pandémie censée soutenir les mesures sanitaires en vigueur doit être absolument votée d’ici mai
Le gouvernement De Croo n’a plus de temps à perdre. Début mai, il doit avoir bouclé la fameuse «loi Pandémie» qu’il promet depuis des mois. Jusqu’en milieu de semaine dernière, il jouait sur du velours. Qu’importe les motifs et les requérants, toutes les plaintes arguant de l’illégalité des mesures destinées à combattre l’épidémie (confinements, fermetures de commerces, etc.) étaient rejetées par les différentes juridictions au motif de l’urgence. Mais depuis, un tribunal bruxellois a mis l’Etat en demeure de donner dans les trente jours une base légale aux décisions prises dans le cadre de la lutte anticovid.
Bien sûr, l’Etat fait appel et les mesures sanitaires restent d’application en attendant la décision. Mais pour le gouvernement De Croo, procrastiner de nouveau serait prendre un risque politique évident. Dans l’opposition, et à demi-mots parfois dans la majorité, le mot «autocratie» est prononcé.
Un chèque en blanc du parlement Le gouvernement De Croo accélère donc la cadence. La future «loi Pandémie» devra soutenir les dispositions prises dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, mais aussi anticiper d’autres crises pandémiques. Si elles sont touchées pour la première fois de plein fouet, l’Europe et la Belgique pourraient être frappées à l’avenir par d’autres pandémies, comme cela a été le cas pour le Sud-Est asiatique. Dans un scénario idéal, le législateur devrait procéder à l’évaluation des mesures sanitaires déjà prises et en tirer les leçons afin de mieux orienter le futur texte. En réalité, celui-ci servira surtout à les valider pour éviter qu’elles ne passent hors la loi.
Cette perspective donne des cheveux blancs à certains juristes. Nicolas Thirion, professeur à l’ULiège, estime dans une carte blanche parue dans ‘Le Soir’ qu’ «il est demandé aux parlementaires de signer un chèque en blanc, dès lors que, une fois la loi votée, les cartes resteront pour l’essentiel entre les mains de l’exécutif (…) S’il était voté en l’état, l’avant-projet de 'loi Pandémie' entérinerait purement et simplement le déficit démocratique…»
Le Premier ministre Alexander De Croo et le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke ont depuis tempéré le débat à la Chambre. Le second a déclaré dans les colonnes du «Morgen» n’être pas «impressionné» par la décision de la justice bruxelloise. «Cela peut choquer, a fait valoir un éditorialiste, mais l’exécutif ne fait théoriquement qu’exécuter les décisions du Parlement. Ce sont les députés qui devraient être ‘impressionnés’». Depuis, la droite gouvernementale flamande a mis le turbo. Les libéraux du premier ministre De Croo et ses alliés chrétiens-démocrates s’activent à transformer l’avant-projet en un projet de loi en bonne et due forme, avant de le faire adopter par le Parlement.
Un principe sacré
L’exécutif prend ainsi une nouvelle fois la main, quitte à devoir élaguer ce qui pose problème dans le texte initial. Il est question de supprimer un chapitre relatif à la collecte et au traitement des données personnelles, afin d’éviter toute accusation éventuelle d’atteinte à la protection de la vie privée. Tourner le dos à ce principe sacré pourrait en effet valoir à l’Etat belge d’être crossé de nouveau en justice.
L’opposition attend le gouvernement De Croo au tournant. Plusieurs partis traditionnels dits «démocratiques», mais aussi le Vlaams Belang (extrême droite) que l’on voit voler aujourd’hui à la rescousse de l’Etat de droit et réclamer une base légale pour les mesures anticovid. Le serpent se mord la queue…
Pour le gouvernement De Croo, procrastiner de nouveau serait prendre un risque politique évident.