Ping-pong entre les partis belges autour du voile
Schisme humaniste, tensions au PS, cacophonie chez Ecolo: les signes convictionnels affolent le monde politique
Après une volée de déclaration en tous sens, les partis politiques belges ont cherché ces derniers jours à resserrer leurs propres rangs face au dossier du «voile à la Stib». Pour rappel, un tribunal a condamné en mai dernier la Société des transports intercommunaux de Bruxelles (Stib) au motif que cette entreprise publique avait refusé d’engager une femme qui portait le voile. La question de savoir s’il fallait dès lors aller en appel ou, au contraire, modifier le règlement d’ordre intérieur de la Stib pour y autoriser le port des signes convictionnels a tourné à la foire d’empoigne entre les partis, mais aussi en leur sein.
Dans la majorité gouvernementale bruxelloise, Ecolo est apparu dans un premier temps comme résolument opposé à un recours en justice et partisan d’accommodements en faveur du port du voile. Mais dans les colonnes du «Soir» de ce week-end, son coprésident Jean-Marc Nollet nuance: «Il serait bon d’inscrire la neutralité absolue de l’Etat dans la Constitution: je plaide pour qu’on y inscrive que la Belgique est un Etat neutre et que l’action des agents et des pouvoirs publics est impartiale». Il demande aussi «un nouveau compromis social sur la question». Ce compromis aboutirait à refonder le modèle de société à la belge.
Désordre dans les rangs du PS
Jean-Marc Nollet ne veut pas qu’Ecolo porte tout le poids de la crise sur le voile. Il vise le président du PS Paul Magnette qui, ditil en substance, devrait s’inquiéter du désordre qui règne dans son parti.
Réponse de Paul Magnette: si Ecolo veut aller en appel, il ne s’y opposera pas. Le socialiste ajoute: «Il y a beaucoup de règles qui ont traduit le principe de neutralité et de laïcité de l’Etat. Mais il reste quelques endroits où la question n’est pas tranchée…». Officiellement, le PS estime «que le port des signes convictionnels doit être interdit dans le secteur public pour tous les agents qui exercent des fonctions d’autorité, c’est-à-dire des fonctions de décision et de contrainte, et qui sont en contact visuel avec le public». Et pour le reste, pourquoi pas…
Mais ce credo était à peine prononcé que, selon «L’Echo», le président de la fédération bruxelloise socialiste Ahmed Laaouej ruait de nouveau dans les brancards. Il ne veut pas d’un recours en justice dans l’affaire de la Stib. Par déduction, il serait donc partisan d’y autoriser le port du voile…
Cette désunion fait l’affaire du président des libéraux francophones (Mouvement réformateur, MR), Georges-Louis Bouchez. Pour lui, le PS a «définitivement tourné le dos à la laïcité pourtant inscrite dans ses fondements. Une page se tourne et pas dans le bon sens».
Le CDH menacé de division
Dans ce dossier, les libéraux ont le beau jeu. Leur Mouvement réformateur, qui est dans l’opposition à Bruxelles, apparaît comme le garant de la laïcité exclusive aux yeux de l'opinion. A le suivre, les autres partis navigueraient en fonction de leurs convictions, mais aussi de leurs intérêts électoraux, parfois locaux ou régionaux. D’où une cacophonie qui vaudrait aujourd’hui au parti humaniste CDH (ex-Parti social-chrétien) d’être menacé d’un véritable «schisme». D’un côté, ceux qui comme le député Georges Dallemagne mettent en garde contre l’islamisme radical supposément caché derrière le voile. De l’autre, ceux qui comme l’ex-ministre Joëlle Milquet plaident pour des accommodements.
Au final, le président du CDH Maxime Prévot a remis de l’ordre en rappelant les positions du parti sur la neutralité de l’Etat et le port du voile: pas dans les fonctions d’autorité ou au contact des citoyens, mais bien dans le reste de la fonction publique.