Luxemburger Wort

Les visites domiciliai­res se réinvitent en Belgique

La mesure visant à frapper les migrants clandestin­s avait causé bien des tourments au précédent gouverneme­nt dirigé par Charles Michel

- Par Max Helleff (Bruxelles)

En novembre dernier, une propositio­n de loi instaurant des visites domiciliai­res menées en vue de l’arrestatio­n d’un étranger sous le coup d’un ordre de quitter le territoire avait été recalée par le Conseil d’Etat. Le texte, déposé par la N-VA de Bart De Wever, «devait être fondamenta­lement revu». Les défenseurs des droits de l’Homme avaient applaudi l’arrêt tout en se disant soulagés de voir que la politique anti-immigratio­n incarnée par l’ex-secrétaire d’Etat Theo Francken avait atteint ses limites.

Surprise: les mêmes visites domiciliai­res viennent d’atterrir sur la table du gouverneme­nt De Croo – dont ne fait pas partie la N-VA, reléguée aujourd’hui dans l’opposition. Une première note de discussion énonce des points pratiques (escorte, expulsion directe depuis la prison, etc.) mais aussi des limites comme l’interdicti­on d’emprisonne­r les mineurs.

Le «droit de visite» – tel est désormais le nom de la visite domiciliai­re – a toutefois été édulcoré avant d’être soumis au gouverneme­nt par le secrétaire d’Etat Sammy Mahdi. Il ne serait à l'avenir autorisé qu’en dernier recours, uniquement au terme d’un accord avec le pays d’origine du migrant et devrait avoir l’aval de la justice.

Mais la portée symbolique de ce projet combattu bec et ongles en 2018 par l’opposition francophon­e n’a pas pour autant diminué. La preuve en est que le PS et les écologiste­s, qui font désormais partie du gouverneme­nt fédéral, sont immédiatem­ent repartis en guerre contre une mesure volontiers comparée aux méthodes gestapiste­s de sinistre mémoire.

En octobre dernier, les mêmes écologiste­s s’étaient réjouis du fait que l’accord du gouverneme­nt De Croo ne reprenait pas à son compte les visites domiciliai­res. «Avançons désormais pour travailler à une politique migratoire juste qui

La mesure du «droit de visite» de la police chez les sans-papiers réfractair­es est controvers­é. repose depuis trop longtemps sur l'humanité des hébergeurs et de la société civile», avait alors déclaré le député Simon Moutquin. Mais il reste que le même accord évoque la possibilit­é de prendre «des mesures pour empêcher que l’éloignemen­t soit rendu impossible par une absence manifeste de collaborat­ion» …

La coalition Vivaldi est divisée

Le diable est dans les détails et la coalition Vivaldi d’Alexander De Croo marche sur des oeufs. Car le «no pasaran» des écologiste­s n’est partagé ni par les socialiste­s flamands, ni par les libéraux du sud comme du nord du pays. Bref, ce dossier a tout pour transforme­r l’actuel gouverneme­nt en pétaudière au moment où l’accalmie sanitaire lui permet de reprendre son souffle. A moins qu’il ne fasse pschitt rapidement, comme l’écrit «Le Soir».

Les gouverneme­nts successifs se sont cassé les dents sur l’immigratio­n, jusqu’au moment où la NVA de Bart De Wever a cherché à passer en force via une série de solutions radicales (visites domiciliai­res, mineurs en centres fermés, accord avec le Soudan …) qui ont polarisé la société belge. D’un autre côté, le bord nationalis­te flamand et l’extrême droite – soit un électeur sur deux au nord du pays – profitent allègremen­t du rejet de l’immigratio­n par une partie de la population. Le danger est évident.

Il est paradoxal enfin de constater que c’est Sammy Mahdi, un fils de l’immigratio­n devenu secrétaire d’Etat CD&V, qui remet aujourd’hui ce dossier sur la table. La radio publique francophon­e «La Première» y voit la volonté du parti chrétien-démocrate flamand d’exister à tout prix dans une coalition étriquée. «Donc rien de tel qu’un dossier relativeme­nt consensuel au nord du pays, l’asile et la migration, pour tenter de relancer la machine …», commentet-elle.

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